Financement de projets
Jusqu'où ira le crowdfunding ?
Quelques vignerons ont osé tenter l'aventure du crowdfunding ou financement participatif, pour acheter du matériel, voire même du foncier. L'idée peut être séduisante mais jusqu'où peut-on aller ?
et souvent confronté à la frilosité des banquiers.
Le financement participatif est en plein boom. Si les fonds collectés en France par ce système plafonnaient à moins de 8 millions d'euros en 2011 et avant, ceux-ci ont été de plus de 78 millions d'euros en 2013, selon l'association Financement Participatif France, tous secteurs confondus. Nombre de particuliers seraient donc prêts à investir de petites sommes d'argent pour soutenir un porteur de projets en mal de fonds et souvent confronté à la frilosité des banquiers, puisque tel est le principe de base de ce mode de financement. Internet étant le canal de mise en relation entre le porteur de projet et les personnes qui souhaitent investir via une plateforme dédiée. Ce système présente l'avantage de la transparence pour l'investisseur qui sait qui il finance et le fait par choix, selon ses valeurs, réagissant ainsi souvent au coup de coeur. Ce qui pour un produit comme le vin, porteur d'une forte dimension culturelle et symbolique, peut être un atout. Les investisseurs peuvent simplement faire un don, même modique, qui pourra être récompensé avec des contreparties en nature tels, dans le cas du vin, que des bouteilles, des verres, des invitations au domaine... Ils peuvent aussi participer aux fonds propres de la société. Dans ce cas, la rémunération de l'investisseur se fait alors par les dividendes ou par la plus-value réalisée lors de la cession de titres. Les pouvoirs publics ont voulu donner un sérieux coup de pouce au crowdfunding et Fleur Pellerin, le 14 février dernier, ministre des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique a annoncé que serait signée, avant le 1er juillet une ordonnance supprimant le monopole bancaire sur les prêts rémunérés. Les particuliers pourrront ainsi financer des projets en prêtant de l'argent contre un intérêt dans la limite de 1000 euros par investisseur et jusqu'à un million d'euros par projet. Quant aux plateformes de financement, elles se rémunèrent en prélevant un pourcentage variant entre 5 et 12 % sur le montant des sommes collectées.
" Le financement participatif, ce n'est pas que sur Internet "
Ludovic Aventin, vigneron au Mas Angel et créateur de domaines en co-propriété
Ludovic Aventin, ancien rugbyman, a le verbe facile et le sourire communicatif. Et sans aucun doute, une capacité de conviction. Ce qui a permis à cet ancien caviste de devenir vigneron en réunissant autour de lui des associés dans un GFA non exploitant. Chaque associé achetant une part à 1300 euros. Ludovic Aventin n'est pas passé par internet et encore moins par les banques. « J'ai actionné mon réseau. Mais attention, ce ne sont pas des actionnaires mais bien des associés. Aucun d'entre eux n'a fait un placement financier. Ils reçoivent en échange des bouteilles. Ils sont venus pour se faire plaisir, pour avoir de l'émotion. » Le succès commercial du Mas Angel est en plus au rendez-vous. Et voilà qu'au cours d'une soirée quelque peu arrosée, en compagnie de ses copains rugbyyman, Ludovic Aventin lance l'idée de créer un autre vignoble dans lequel, condition sine qua non, tous les associés seraient rugbyman. Le réseau se met en branle. Et le domaine de Montgros voit le jour. « On manque encore plus de vin qu'au Mas Angel ! » Et depuis, Ludovic Aventin a monté Terra Hominis qui propose à chacun de devenir co-propriétaire d'un vignoble pour 1425 euros. « Il y a plein de jeunes qui ont des projets et en face, des banques qui ne prêtent pas. En se substituant aux banques, on peut aider ces jeunes. Et pour celui qui investit, c'est aussi une façon de donner du sens à son argent. Mon job est ainsi de trouver des associés, de créer une relation entre ces derniers et un vigneron dans laquelle la passion et le partage seront les maîtres mots. Dans cette affaire, le côté humain est essentiel. »
www.terrahominis.com
" Bien choisir sa plateforme de financement "
Fabrice Bonmarchand, Mas de L'Oncle (34)
Fabrice Bonmarchand, vigneron en Pic Saint Loup, installé sur dix hectares acquis en autofinancement et victime heureuse de son succès puisqu'en rupture de stock, voulait s'agrandir et acheter une parcelle de trois hectares, sans faire appel au secteur bancaire. « J'avais un peu de rancoeur à son égard. » Après avoir imaginé différentes solutions pour financer son projet comme le GFV (Groupement foncier viticole), il a choisi de faire appel au financement participatif via mymajorcompany. « Sauf que j'avais besoin d'un financement compris entre 60 000 et 80 000 euros. Mais cette plateforme n'a pas la clientèle permettant d'arriver à réunir une telle somme et ne m'a d'ailleurs pas soutenu au niveau communication. À mon avis, celle-ci est adaptée au financement de projets d'environ 5 000 euros. Et pour moi, ce n'était pas la bonne plateforme même si, au passage, deux ou trois journalistes s'intéressent à vous ou que des clients viennent vous voir parce qu'ils ont entendu parler de vous grâce à cela. » Dans le même temps, Fabrice Bonmarchand est contacté par la plateforme Spear, capable de financer des projets jusqu'à 300 000 euros. « Celle-ci propose une autre forme de collecte et fonctionne un peu comme un courtier bancaire. Mais c'est une coopérative. Elle vous aide à monter un dossier de financement traditionnel et si vous arrivez à lever autant de fonds via sa plateforme que la coopérative consent à vous en prêter, le taux d'intérêt du prêt sera diminué. Spear étant une coopérative, le gros avantage est que les investisseurs entrent au capital de la coopérative et n'ont donc aucun lien juridique avec le porteur du projet, contrairement à un GFA. On ne perd donc pas la main sur son entreprise. » Le projet de Fabrice Bonmarchand, à l'heure où nous mettions sous presse, était toujours en cours sur Spear.
" 3000 euros pour Solène "
Pascal Peyvergès, vignobles Peyvergès (33)
Pascal Peyvergès a eu l'idée de faire appel au financement participatif afin d'acheter un collier pour Solène, sa jument ardennaise pour la faire travailler dans les vignes, en regardant la télévision et une émission d'Envoyé spécial consacré à ce sujet. « Je suis donc allé sur internet à la recherche de plateformes de financement. J'ai commencé avec Kisskissbankbank mais son fonctionnement exigeait trop de temps. Je suis alors tombé sur Ulule qui m'a semblé d'un usage plus facile. Ce n'est pas pour autant que cette plateforme accepte des projets baclés. Elle vous aide d'ailleurs à le monter. Elle vous demande également quel est votre réseau afin de dimensionner la somme demandée à la taille de ce réseau. Elle vous conseille également sur la durée de mise en ligne du projet. Je me suis donc lancé et ai demandé 3000 euros. J'ai annoncé cette recherche de financement sur le site de l'exploitation, à mon groupe de fans sur Face Book, à mes clients. Il faut faire circuler l'information. Et ça a marché. Il y a même un allemand que je ne connais pas qui a mis deux fois 100 euros et une fois 200 euros afin que je puisse atteindre l'objectif. »
" Une expérience super motivante "
Christelle Barthès Domaine de Bosc-Rochet (34)
Christelle et son mari Michaël, jeunes vignerons, se sont vu refuser par la banque leur projet de création d'un caveau.
« Un ami nous a alors indiqué qu'il avait sollicité un financement participatif pour acheter des ruches. Nous avons alors décidé de tenter l'aventure sur mymajorcompany. Malheureusement, nous n'avons pas atteint l'objectif. C'était difficile car nous avions l'impression de quémander des sous. Certes, nous proposions des contreparties. Ce n'est pas faire la manche mais comment dire à des gens qu'il faut nous donner de l'argent. Mymajorcompany nous appelait, nous recommandait de faire de la promotion, d'alerter notre réseau. On est même monté à plus de 3000 euros le premier mois. C'est dommage mais néanmoins, cela a été une expérience super motivante. Nous avons reçu des mails, des messages de soutien de toute la France et cela nous a vraiment reboosté car mon mari était à deux doigts de tout arrêter. »