Hennessy veut décarboner la distillation de cognac
Depuis 2019, la maison Hennessy travaille sur l’usage de l’hydrogène en combustion pour distiller, afin de diminuer son empreinte carbone. Les premiers résultats sont encourageants.
Depuis 2019, la maison Hennessy travaille sur l’usage de l’hydrogène en combustion pour distiller, afin de diminuer son empreinte carbone. Les premiers résultats sont encourageants.
Hennessy cherche à limiter sa consommation d’énergie depuis une vingtaine d’années. Le leader du cognac s’est aussi fixé un objectif de réduction de son empreinte carbone de 50 % d’ici 2030. La distillation, gourmande en énergie, est logiquement en première ligne. À l’échelle de la filière, elle mobilise 16 % des émissions de gaz à effet de serre. La phase de combustion elle-même génère 85 % des émissions de la distillation.
Après avoir atteint 20 % d’économies en optimisant sa consommation de gaz pour distiller, Hennessy s’est lancé dans un projet de recherche et développement (R&D) visant à utiliser une énergie décarbonée, en l’occurrence de l’hydrogène vert. Le projet est développé avec Bulane, spécialiste de la combustion à partir d’hydrogène produit par électrolyse.
De l’énergie produite et utilisée sur place
Premier principe, produire l’hydrogène à partir d’électricité issue à 100 % d’énergies renouvelables (condition pour qu’il soit « vert »). Second principe : produire l’hydrogène sur place et l’utiliser immédiatement, sans transport ni stockage. Ainsi le gain en émission carbone est maximisé.
Le troisième principe a été d’utiliser les brûleurs actuels. Le test a consisté à alimenter un brûleur en associant au gaz naturel (biométhane) une part de 20 % d’hydrogène. « Nous devons nous assurer de la déployabilité des solutions », cadre Félix Pouyanne-Lafuste, responsable de la distillation de la Maison Hennessy, qui pilote ce projet de R&D. Les trois distilleries que possède la maison Hennessy ne pèsent en effet que 6 % du volume annuel distillé. Les 94 % restants reposent sur 800 partenaires, qu’ils soient viticulteurs bouilleurs de crus ou distillateurs de profession. La solution doit donc pouvoir fonctionner avec les brûleurs majoritaires dans le vignoble.
La qualité de l’eau-de-vie validée en dégustation
En 2020, les premiers tests ont eu lieu sur banc d’essai. L’entreprise acquiert alors une première expérience des réglages à opérer pour que la distillation se déroule comme habituellement. Fort de ces résultats, le projet passe à la phase de test grandeur nature en février 2022 (campagne 2021-2022), en distillant sur dix jours au sein de la distillerie du Peu à Juillac-le-Coq, en Charente. La validation de la qualité de l’eau-de-vie obtenue par le comité de dégustation a été une étape essentielle pour passer à la phase suivante. « La notion de sécurité est étudiée avec minutie », précise aussi Félix Pouyanne-Lafuste.
En novembre 2022, les essais vont reprendre sur deux mois. Un travail a été mené pour améliorer encore certains éléments techniques assurant la maîtrise du profil de combustion. L’expérimentation mobilisera un alambic de 12 hectolitres, sachant que le standard présent dans les distilleries est plutôt de 25 hectolitres.
L’étude d’une formule 100 % hydrogène débute
En parallèle, le test en banc d’essai d’hybridation d’hydrogène vert et de propane pour alimenter les brûleurs est lancé. Car le propane est utilisé chez une partie des partenaires distillateurs d’Hennessy. Avec le dispositif testé, les 20 % d’hydrogène vert permettent d’améliorer d’autant le bilan carbone. Une autre phase du projet consiste donc à tester la distillation 100 % à l’hydrogène vert. Ce second volet sera lancé début 2023.
Si les premiers résultats obtenus sont encourageants, Félix Pouyanne-Lafuste reste prudent. « Ce programme part avec l’idée qu’il n’y aura pas une seule solution unique mais un mix à un instant T ou bien le développement prioritaire d’une solution qui arriverait à maturité avant une autre. »
Le contexte est beaucoup plus favorable à l’hydrogène qu’en 2019 du fait de la flambée des coûts de l’énergie et du développement de la stratégie nationale hydrogène. Mais il estime qu’on ne peut pas « brûler les étapes », même s’il constate « une accélération en termes d’intérêt pour le projet ». À ce stade l’aspect économique n’a pas encore été appréhendé. Hennessy travaille également sur d’autres solutions pour décarboner la distillation, dont la chauffe à la vapeur, projet mutualisé avec d’autres maisons et lancé il y a quatre ans.
Un projet à moyen et long terme
Si le rythme actuel se poursuit, Félix Pouyanne-Lafuste envisage un déploiement potentiel de la solution à 20 % d’hydrogène en 2025-2026.
Pour le 100 % hydrogène, « nous savons que cela va demander un changement de brûleurs, un nouveau savoir-faire à acquérir pour la gestion de la combustion », explique le responsable. L’horizon serait plutôt huit à dix ans.
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