Des trieurs densimétriques pour tous les chais
Avec le gel, le tri de la vendange va revêtir une importance toute particulière cette année. Voici les caractéristiques des trois systèmes de tri densimétrique du marché, et l’avis de leurs utilisateurs.
Avec le gel, le tri de la vendange va revêtir une importance toute particulière cette année. Voici les caractéristiques des trois systèmes de tri densimétrique du marché, et l’avis de leurs utilisateurs.
Trois constructeurs proposent actuellement des trieurs densimétriques. Le Tribaie d’Amos Industrie est le plus perfectionné. Dans un premier temps, un séparateur à disque et un tambour éliminent les débris végétaux de la vendange éraflée et écartent les raisins éclatés. Les baies tombent ensuite dans un bain densimétrique, séparant la vendange en deux ou trois lots de qualités distinctes.
Avec le Flotatrie de Trimoltech et le Delta Densilys de Bucher Vaslin, la vendange éraflée est amenée jusqu’à un bac contenant du jus ou de l’eau sucrée. Les baies intactes et mures tombent au fond du bac, d’où elles sont expédiées vers une cuve, tandis que les abîmées et les débris végétaux flottent et sont éliminés soit par une vis sans fin, soit manuellement.
Emmanuel Vinsonneau, de l’IFV, a testé le Tribaie d’Amos Industrie, et le Flotatrie de Trimoltech. Selon lui, ces deux appareils se situent dans la moyenne haute des équipements de tri mécanisé. "Ce sont des outils efficaces. À 4 à 6 tonnes par heure, ils peuvent éliminer jusqu’à 80 ou 85 % des débris (débris divers, bouts de rafles, pétioles et baies altérées ou non mûres), souligne-t-il. Il recommande de sulfiter le bain densimétrique à raison de 10 à 15 grammes par hectolitre, et de le renouveler une fois par jour.
"Lors des essais, nous avons été amenés à contrôler la qualité du jus du bain densimétrique, notamment d’un point de vue microbiologique et de l’oxygène dissous, poursuit-il. Et dans ces conditions, nous n’avons pas relevé d’altération de la qualité du jus, renouvelé régulièrement." Pour lui, ces deux matériels ne sont pas destinés au même profil d’entreprise, ni au même objectif de tri. "Le Tribaie effectue un tri beaucoup plus fin, note-t-il. En revanche, son coût est plus élevé, il est plus encombrant et son nettoyage est plus fastidieux. Le Flotatrie, équipement simple d’utilisation, mobile, et au niveau d’investissement moins élevé, convient davantage à des petites structures, mais nécessite la présence d’un opérateur." Quant au Delta Densilys, il compte le tester dès ces vendanges 2017…
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Le Tribaie Précurseur et perfectionniste
Le Tribaie d’Amos Industrie est le premier appareil de tri densimétrique apparu sur le marché. C’était en 2001. Depuis, le matériel a évolué, mais le principe reste le même. Rémi Dalmasso, maître de chai du château Valandraud, a acheté sa première unité en 2008. Il en a à présent trois. « Il réalise un excellent travail et répond à notre préoccupation de tri et de sélection pour les cuvées », se réjouit-il. En sortie, le vigneron se retrouve avec trois lots : les déchets surnageants, les baies pourries, et les baies mûres et intactes. « La machine ne ment pas, renchérit Philippe Bardet, des vignobles éponymes dans le Bordelais, et à l’origine du développement de la machine. Si la qualité n’est pas au rendez-vous, il y aura pas mal de pertes. Il faut pouvoir le supporter. Mais cela a un effet spectaculaire sur les vins de presse, qui sont de bien meilleure qualité. » Le fonctionnement des machines « n’est pas très simple, estime Rémi Dalmasso. Une personne doit les surveiller et être attentive. » Philippe Bardet n’est pas de cet avis. Il juge la machine « simple et indestructible ». Rémi Dalmasso n’a d’ailleurs pas eu de pannes en dix ans.
Les réglages sont peu nombreux et « moyennement complexes ». Le maître de chai réalise le bain densimétrique à base d’eau sucrée à 12-13 % alc. potentiel, « car ce n’est pas la fonction première de la machine, mais elle nettoie les baies. C’est donc mieux d’avoir de l’eau ». Il déclare l’achat de sucre aux douanes, en précisant « utilisation Tribaie », et renouvelle le bain une fois par jour, pour des questions de logistique. En effet, la préparation est chronophage, et il faut ensuite éliminer le jus « usé » en distillerie. De son côté, Philippe Bardet ne fait qu’un bain par jour, à la densité permettant de faire flotter les pétioles. « Le jus de la vendange est souvent le plus adapté », informe-t-il. Rémi Dalmasso juge le débit (environ huit tonnes par heure) satisfaisant et suffisant pour suivre le débit d’un égreneur classique. « Mais derrière une machine à vendanger, cela peut être limitant », souligne-t-il. En revanche, le nettoyage est long et fastidieux. « C’est le gros point noir », reconnaît le maître de chai. Il nécessite entre 30 minutes et 2 heures, selon la machine, le niveau de propreté souhaité, et l’opérateur, car « il y a beaucoup de recoins où les pépins ou les peaux se collent ». Même écho chez Philippe Bardet, qui a simplifié ses machines pour faciliter leur nettoyage, qui prend entre 15 et 60 minutes.
Le Delta Densilys Nouveau et automatisé
Le Delta Densilys de Bucher Vaslin est le dernier trieur densimétrique arrivé sur le marché, puisqu’il a été lancé en 2016. Comme le Flotatrie, il est destiné à de petites structures, son débit étant limité à 8 tonnes par heure. Voire moins. Pour Benjamin Banton, prestataire de services dans le Bordelais et François-Thomas Bon, directeur du service vin du Groupe Yofoto (château de Lugagnac en Gironde), il tourne autour de 4 à 6 tonnes par heure ; un débit qu’ils jugent satisfaisant.
Benjamin Banton a opté pour cet appareil après deux journées de test l’an dernier, qui l’ont satisfait. « Le Delta Densily est moins encombrant que le Tribaie, et peut donc être déplacé d’une propriété à une autre, rapporte-t-il. Par ailleurs, l’investissement étant moindre, le coût de la prestation est plus abordable, et il convient aux vignerons qui ne veulent faire qu’une seule cuve à la sortie et non séparer deux qualités. Enfin, il est plus automatisé que le Flotatrie. » Il apprécie le fonctionnement de l’appareil qu’il juge simple, ainsi que l’automatisation de l’évacuation du surnageant. Des qualités confirmées par le directeur du service vin, qui souligne qu’avec une bonne maîtrise de la densité du bain, « les résultats sont très bons ». Il effectue un bain par jour, à base de jus, et évalue le temps de nettoyage à 15 à 20 minutes, "ce qui est très très bien". De son côté, Benjamin Banton compte environ une heure seul, contre deux heures à deux pour le Tribaie. « La tête du convoyeur peut basculer, ce qui permet de nettoyer le tapis dessous, décrit-il. Ce dernier est simple à nettoyer car il s’agit d’un tapis ajouré et non d’un convoyeur à bandes. »
Le Flotatrie Maniable et simple à laver
Le Flotatrie de Trimoltech a été conçu par un vigneron, et de ce fait, "il est simple de conception est d’utilisation", témoigne Nicolas Lesaint, directeur technique du château de Reignac dans le Bordelais. Thomas Flouret, gérant de la société de prestation de service AVS, dans le Bordelais, s’est équipé de six modèles en 2014. Il apprécie lui aussi la simplicité de fonctionnement et la robustesse de l’appareil. Pour Nicolas Lesaint, la maniabilité de l’appareil est un autre atout de poids.
Les deux utilisateurs estiment que le Flotatrie est facile à régler. « Seule la vitesse d’avancement du tapis est à régler et on le met toujours à fond, relève Thomas Flouret. En revanche, garder le bain à la bonne densité est plus complexe. Elle monte au fil de la journée et il faut bien veiller à ajouter de l’eau pour la maintenir au seuil choisi. » Il réalise le bain avec de l’eau sucrée. De son côté, Nicolas Lesaint travaille avec du jus de saignée additionné d’eau, pour être à environ 8 % d’alc. potentiel. Il réalise deux bains par jour, qu’il dilue au fil des demi-journées, via un suivi au mustimètre.
Le nettoyage est simple, et ne prend qu’un quart d’heure selon les deux utilisateurs. « Mais le démontage-remontage du tapis est assez physique, note Thomas Flouret. Les opératrices féminines ont du mal à le faire seules. »
Le prestataire de services regrette le débit (environ 5 t/h), qu’il juge trop faible. « Cela convient aux vignes étroites, où l’on met trois heures pour ramasser un hectare à la machine, explique-t-il. En revanche, en vignes larges, on vendange 10 à 12 tonnes par heure, ce qui est un frein. » De même, il regrette l’absence d’automatisation de l’évacuation des déchets. « C’est long et fastidieux de réaliser cette opération à l’épuisette durant un mois, assure-t-il. Nous sommes donc en train de mettre au point un système automatique d’évacuation. » Mais pour Nicolas Lesaint, ce travail manuel n’est pas un handicap. « On le sait à l’achat. Et de toute façon, il faut surveiller le bain, relativise-t-il. Donc l’opérateur peut aussi ôter les déchets. » L’utilisation de cet appareil lui a permis d’affiner le travail sur ses cabernets sauvignons de bas de côte, et d’ajuster les réglages des machines à vendanger. « À l’arrivée des bennes, il n’y avait que des belles billes, on pensait que la récolte était super, se remémore-t-il. Mais en passant dans le bain, cela a mis en évidence la mauvaise qualité de la récolte. » Aucun d’eux n’a eu à déplorer de panne.