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Des pistes pour vinifier avec peu d’ingrédients à étiqueter

Comment vinifier son vin pour éviter d’avoir des kilomètres d’ingrédients à mentionner sur l’étiquette ? C’est la question d’actualité, en ce millésime 2024, que nous avons posée à plusieurs œnologues conseil. Voici leurs préconisations.

Vin / dépôts après fermentation dans bouteille et verre / vins de Loire / dépôt de tartre ?
Une solution serait peut-être de sensibiliser ses clients en expliquant que la présence de légers cristaux de tartre dans le fond de la bouteille est naturelle.
© P. Cronenberger

Avec le nouvel étiquetage des vins, il sera désormais obligatoire d’indiquer les additifs employés durant la vinification et l’élevage sur l’étiquette ou via un QR Code. Ainsi, les régulateurs d’acidité tels que l’acide tartrique, l’acide malique, l’acide lactique, le sulfate de calcium et l’acide citrique devront figurer sur la bouteille ou sur internet. En revanche, les « levures acidifiantes », comme les Lachancea thermotolerans, seront exemptées d’étiquetage et pourront donc représenter une alternative intéressante. « La bioacidification peut en effet répondre à cette contrainte d’étiquetage », confirme Matthieu Rey, œnologue conseil au Laboratoire Œnologie Gauthier, à Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde. De même que l’emploi de résines cationiques ou de traitements électromembranaires.

Les conservateurs et antioxydants (dioxyde de soufre, bisulfite de potassium, métabisulfite de potassium, sorbate de potassium, lysozyme, acide ascorbique, dicarbonate de diméthyle (DMDC)) seront également à lister, tout comme les agents stabilisateurs (acide citrique, acide métatartrique, gomme arabique, mannoprotéines de levures, carboxyméthylcellulose (CMC), polyaspartate de potassium, acide fumarique). Il faudra aussi détailler les gaz employés à la mise (argon, azote, dioxyde de carbone) de même que les produits édulcorants (moût de raisins concentré, sucre ou saccharose) en cas de chaptalisation.

Le sorbate de potassium, quasi incontournable sur vins avec sucres résiduels

Mais si ces techniques fonctionnent, elles ont bien évidemment un coût, généralement supérieur à celui des produits œnologiques. « Le remplacement du sorbate de potassium va poser un vrai problème pour ceux qui font des vins blancs ou rosés demi-secs, alerte Jean-Michel Monnier, œnologue conseil chez Loire Œnologie dans le Maine-et-Loire. On peut bien employer la mise à chaud, mais c’est très onéreux. » À titre d’exemple, Éric Chavagnac, président de Conditionnement moderne, une entreprise de prestation girondine proposant des mises en bouteille à chaud, facture l’opération 5 centimes de plus par col qu’une mise classique. Selon nos calculs, un ajout de sorbate de potassium revient à 0,001 euro par bouteille. Soit 500 fois moins cher ! Sans compter que pour les BIB, « ce n’est pas possible, poursuit Jean-Michel Monnier. Sur ces produits, le sorbate est quasi incontournable. »

De son côté, la chaptalisation peut être substituée par une osmose inverse, qui concentrera les jus en ôtant de l’eau. « Mais cela revient environ dix fois plus cher que le sucre », avance Matthieu Rey.

Expliquer au consommateur que les cristaux de tartre sont naturels

Les agents stabilisateurs peuvent pour leur part être remplacés par de l’électrodialyse, l’usage de résines cationiques, ou encore par une stabilisation au froid avec ou sans bitartrate de potassium. Mais là encore, l’argument financier risque d’en rebuter plus d’un. « Toutes ces techniques physiques coûtent cher, prévient Matthieu Rey. Avec la pression économique, qui peut se permettre une électrodialyse » Il estime qu’en hors taxes, une stabilisation tartrique à l’acide métatartrique revient à environ 13 à 15 euros les 100 hl, contre 700 à 1000 pour une électrodialyse. Soit un rapport de 1 à 47-77. L’ajout de CMC sur blancs ou rosés coûte environ 45 à 55 euros les 100 hl quand le polyaspartate de potassium revient à 100 à 120 euros. Dès lors, « à moins que le consommateur accepte de payer 1 à 1,50 euro de plus par bouteille pour éviter l’ajout de stabilisants, la pression économico-sociale ne permettra pas au plus grand nombre d’aller sur ce genre de traitement physique », prédit Matthieu Rey. Une autre solution consiste peut-être à sensibiliser ses clients. « Dans ce cas, il faut expliquer qu’on n’a pas voulu stabiliser et que la présence de légers cristaux de tartre dans le fond de la bouteille est naturelle », indique l’œnologue ligérien.

Mais avant de se pencher sur ces alternatives, Jean-Michel Monnier préconise de miser sur la prévention. « Il est important de rentrer des raisins sains et à maturité, afin d’avoir le moins d’opérations correctives à effectuer », martèle-t-il. Martina Widmer, œnologue conseil chez Vinolis, à Cheval-Blanc, dans le Vaucluse, est du même avis et précise que le choix de la date de vendanges est primordial : « bien souvent, ceux qui ont des grosses surfaces déclenchent la récolte lorsque la maturité idéale est atteinte, note-t-elle. Or ainsi, seuls les premiers lots sont à bonne maturité, les autres étant en surmaturité. Je recommande de démarrer en sous-maturité, pour que le cœur de la vendange soit rentré au meilleur moment, et qu’il ne reste que la fin en surmaturité. Cela permet en outre de réaliser des assemblages, grâce à la présence d’une cuve un peu plus acide. »

Limiter l’oxydation et la prolifération de micro-organismes

Une fois que le raisin est rentré, « il est primordial de garder l’œil sur deux points : l’oxydation et les micro-organismes », poursuit Martina Widmer. Afin de limiter au maximum les phénomènes d’oxydation des jus, elle préconise de jouer sur la température de récolte, en rentrant le raisin la nuit ou en le refroidissant via la location d’un camion réfrigérant, le passage en chambre froide ou encore dans un tunnel de refroidissement. Une bonne organisation du travail est également de mise, afin d’éviter que certaines bennes n’attendent à la réception et brunissent. « Auparavant, on avait généralement un mois pour récolter, observe Martina Widmer. Mais avec le changement climatique, il n’y a bien souvent plus que quinze jours pour tout rentrer, ce qui nécessite une réorganisation en cave. » Vinifier à température modérée, inerter et limiter la trituration permettent également de réduire l’oxydation.

Pour ce qui est des micro-organismes, l’important est de diminuer au maximum les temps de latence avant les départs en fermentation. « Quand on attend trop, on laisse le temps aux bretts, aux bactéries de prendre le dessus, insiste Martina Widmer. Il faut rester maître des micro-organismes de la cuve. » Jean-Michel Monnier ne dit pas autre chose. Il recommande d’avoir recours à la bioprotection et d’employer des levures exogènes pour coloniser le milieu avant FA. « Les torulas fonctionnent bien », indique-t-il. Par ailleurs, ensemencement par pied de cuve, levurage, inoculation, sont autant de voies permettant de lancer rapidement les fermentations. « Les pH sont plus hauts, il y a moins d’acidité dans les vins, donc je ne recommande pas d’attendre que la malo se fasse seule à Pâques », illustre l’œnologue du Vaucluse.

L’hygiène de cave, la surveillance et la dégustation régulière en cave sont autant de mesures de prévention permettant de limiter la pression en micro-organismes et donc l’emploi d’intrants. Par ailleurs, la « filtration, tangentielle, sur plaques, peut aussi être une alliée si on ne veut pas trop d’intrants », conclut-elle.

ne pas oublier

Dans la liste des ingrédients, il faut aussi mentionner les raisins, ainsi que, lorsqu’ils sont employés, la résine de pin d’Alep, le caramel, la liqueur de tirage ou encore la liqueur d’expédition.

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