Dépérissements de la vigne, la recherche avance
Le PNDV Tour (1) a fait étape le 21 novembre à Latresne, en Gironde. Voici ce que nous en avons retenu.
Le PNDV Tour (1) a fait étape le 21 novembre à Latresne, en Gironde. Voici ce que nous en avons retenu.
« Fomitiporia mediterranea », un acteur clé de l’esca
Le chercheur alsacien Christophe Bertsch, de l’université de Haute-Alsace, à Colmar, a exposé ses recherches sur les maladies du bois et plus précisément sur l’esca. Selon lui, le champignon Fomitiporia mediterranea serait un acteur clé de l’esca, notamment par le biais de réactions non-enzymatiques. « Je suis parti du terrain, retrace-t-il. J’ai constaté qu’il y avait plusieurs types de ceps. Certains avec du bois sec normal, d’autres de l’amadou et une dernière catégorie de troncs a un genre de poudre noire à l’intérieur, avec un curetage naturel qui s’est opéré. » Il s’est intéressé à cette dernière catégorie de pieds et a constaté qu’elle est totalement exempte de Fomitiporia mediterranea, contrairement aux pieds contenant de l’amadou, qui en sont richement pourvus. « Je pense que l’importance de F. mediterranea a été très sous-estimée à ce jour, poursuit-il. Selon moi, les symptômes foliaires de l’esca sont provoqués par ce champignon. » Des propos et résultats qui rejoignent ceux obtenus par Patrice Rey, enseignant-chercheur à l’Inrae de Bordeaux.
En poussant ses expérimentations plus loin et en discutant avec des chercheurs du secteur forestier, il s’est aperçu que Fomitiporia mediterranea était capable d’actionner des mécanismes enzymatiques classiques, mais aussi et surtout des non-enzymatiques. Les pieds avec la poudre noire semblent capables de bloquer ces derniers, à l’inverse de ceux présentant de l’amadou. Mais quels sont les mécanismes opérant ce blocage ? Nul ne le sait encore. Christophe Bertsch fonde quelques espoirs dans l’étude de Vitis sylvestris. « Nous avons établi qu’elle montre une certaine tolérance à l’esca ; elle réagit vite et fort à l’infection en produisant beaucoup de phytoalexines. À présent, nous souhaitons l’infecter avec F. mediterranea pour voir si les sylvestris sont capables d’inhiber les réactions non-enzymatiques. »
Christophe Bertsch est également revenu sur ses travaux d’endothérapie qui n’ont pour le moment rien donné. « C’est une technique simple qui fonctionne, rapporte le chercheur. Mais nous n’avons pas trouvé de produit qui soit efficace car aucun ne bloque les réactions non-enzymatiques. »
Une plateforme et des alertes météo gratuites
Un autre atelier a fait le point sur la lutte contre le gel. Car qui dit vigne « en forme », dit vigne moins dépérissante. Nicolas Fedou, conseiller à la chambre d’agriculture de la Dordogne, y a présenté un service d’alerte précoce sur les risques climatiques, « climalert.imida.es », regroupant toutes les informations prédictives disponibles en open source. « Cette plateforme compile des données satellitaires, climatiques, sur l’eau, le sol, des cartographies météo et hydrographiques », a-t-il énuméré. Plusieurs risques sont paramétrables : incendie, inondation, vent, vague de froid et vague de chaleur. Chaque utilisateur peut en outre établir une alarme au seuil qu’il désire pour chacun de ces risques et chacune de ses parcelles.
Associer plusieurs pratiques pour lutter contre le gel
De son côté, Thomas Chassaing, de l’ATV49 [Association technique viticole], est revenu sur ses essais terrain de lutte contre le gel en Val de Loire. Selon lui, bien se protéger passera par un ensemble de pratiques : le travail du sol permet de gagner 1 °C par rapport à un enherbement, un bon drainage et un contournement de la dérive catabatique 1 °C, une hauteur de tronc plus élevée 0,3 °C. La mise en place d’un voile antigel, ou voile d’hivernage, juste avant l’épisode gélif termine la protection. Dans ses essais, 85,2 % des bourgeons des vignes témoins ont gelé en 2021, tandis que sous voile, le pourcentage est tombé à 11,7 %. La tendance s’est confirmée en 2022, avec 53,5 % de bourgeons gelés sur la parcelle témoin contre 10,9 % sous les voiles.
Pour sa part, Annabelle Garçon, conseillère à la chambre d’agriculture de la Gironde, a partagé les résultats de tests de taille pour lutter contre le gel menés par différents viticulteurs de sa région. Plusieurs modalités ont été essayées, dont la taille tardive, la taille en deux fois, ou encore la taille au printemps avec un ébourgeonnage et pliage en post-gel. Les résultats diffèrent selon les millésimes et les parcelles. Mais « ce qui est sûr, c’est que toutes les modalités ressortent mieux que la taille hivernale », a-t-elle annoncé.
« Popillia japonica » pourrait coûter 80 millions d’euros par an
« Le risque encouru par le vignoble français avec Popillia japonica est de l’ordre de 80 millions d’euros par an », a prévenu Leyli Borner, de l’Inrae. Et pour cause. Le scarabée japonais est un insecte polyphage, qui pond 40 à 60 œufs par an, peut parcourir 7 km par jour, n’a pas d’ennemi naturel en Europe et a des larves peu sensibles au gel. Autant de caractéristiques qui lui permettent une propagation très rapide. En neuf ans, ce ravageur a ainsi colonisé 2 millions d’hectares en Italie ! « Pour le moment, il n’y a pas de baisse de rendement constatée sur les vignes atteintes, mais cela affecte la teneur en sucre des baies », a précisé Leyli Borner.
En cas de détection – il se caractérise par des touffes de soies blanches sur les côtés et le postérieur –, il est primordial de le capturer et d’envoyer une photo avec la localisation précise à la Draaf. Un traitement à bases de pyréthrinoïdes pourrait ensuite être effectué.
Semer le cavaillon, ce n’est pas si simple !
Le dernier atelier de la journée a fait le point sur l’entretien du sol, et plus particulièrement du cavaillon. Dans ce cadre, Emma Fulchin, chargée de projets chez Vitinnov, a communiqué quelques résultats du projet Essor, visant à expérimenter des itinéraires techniques innovants facilitant la gestion d’un couvert végétal sous le rang. L’hydromulching a notamment donné des résultats mitigés. Cette technique de semis de couverts végétaux, qui n’est pour le moment possible qu’en prestation de service, permet une moindre dépendance à l’émiettage du sol, et le semis de diverses tailles de graines sans problème de ségrégation. En revanche, elle nécessite des volumes d’eau non négligeables et représente un temps de travail, notamment en raison des pleins d’eau réguliers à effectuer, et un coût élevés.
Au niveau des espèces, des trèfles (trèfle blanc nain, trèfle souterrain) et du lotier ont bien tenu sur la durée, « mais ce n’est pas facile de trouver des semis », a soulevé la chargée de projets. De même, il semble difficile d’acquérir des semoirs « classiques » pour sous le rang. « Vitiméca en proposait, mais le gérant est à présent à la retraite », a-t-elle regretté. Et de citer un prototype en cours chez Souslikoff mais surtout la voie de l’autoconstruction.
Enfin, Laure Gontier, de l’IFV, a précisé que les couverts végétaux sous le rang doivent impérativement être tondus, faute de quoi ils augmentent de manière importante la sensibilité de la vigne aux maladies. Il faut compter une à trois tontes par saison.
le chiffre
Lors d’une intervention sur les différents leviers de la productivité, Yann Buchwalter, professeur à Bordeaux Sciences Agro, a indiqué que le pourcentage de ceps improductifs en Gironde est en moyenne de 13,5 %, entre les pieds morts, manquants et les complants. Ces chiffres sont tirés d’un observatoire de 191 parcelles suivies dans le cadre du projet Vitinnov.