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« Conduire la vigne en pergola donne des vins plus frais »

À Montpeyroux, dans l’Hérault, le domaine Villa Dondona mène une parcelle de vermentino en pergola pour garder les grappes au frais. Retour sur près de vingt ans d’expérience.

Jo Lynch, vigneronne au domaine Villa Dondona, continue d'observer et de tirer les conclusions du mode de conduite en pergola.
Jo Lynch, vigneronne au domaine Villa Dondona, continue d'observer et de tirer les conclusions du mode de conduite en pergola.
© X. Delbecque

À la faveur du réchauffement climatique, de plus en plus de vignerons se lancent dans des essais de vignes en pergola. Mais si vous cherchez un véritable retour d’expérience, c’est au domaine Villa Dondona, à Montpeyroux, dans l’Hérault, qu’il faut aller. Un petit hectare de vermentino est ainsi conduit depuis presque vingt ans. « C’est l’une de nos nombreuses folies », plaisante Jo Lynch, qui exploite le domaine aux côtés d’André Suquet. L’objectif assumé de ce mode de conduite était dès le départ de mettre les grappes à l’ombre pour éviter les effets d’un soleil estival qui a toujours su être cuisant sur les contreforts du Larzac. « Nous voulions produire un blanc léger, floral, acidulé, et nous étions emballés par le vermentino, retrace la vigneronne. Mais pour qu’il apporte cette fraîcheur et ce peps, il faut que les baies gardent une belle couleur jade. Le choix de cet itinéraire technique était avant tout guidé par des considérations œnologiques. »

Des grappes moins dorées et moins chargées en sucre

André Suquet et Jo Lynch n’ont pas tout à fait reproduit le système de conduite en pergola employé traditionnellement en Italie et sur le pourtour méditerranéen. Leur conception consiste en des vignes plantées à 0,75 m d’intervalle avec un interrang de 1,90 m, établies en cordon de Royat sur un fil porteur à 1,50 m du sol. Les piquets en bois, installés tous les six pieds et hauts de deux mètres, supportent chacun une arche allant d’une rangée à l’autre. Et sur ces alignements d’arches courrent cinq fils pour porter la végétation de l’année. Ainsi, la tonnelle se reforme chaque campagne au fur et à mesure que la vigne pousse. « Une partie des rameaux prend place naturellement, et nous passons une journée trois à quatre fois par an, au moment de la croissance végétative, pour placer les récalcitrants sur le fil, explique Jo Lynch. Le balai est encore le meilleur outil pour cela ! »

Les premières années, la parcelle avait beaucoup de vigueur, si bien qu’il faisait littéralement sombre sous les arcades. « Pour notre première récolte, en 2010, nous pensions que le raisin n’allait jamais mûrir, se remémore la vigneronne. Mais finalement c’est arrivé à temps. » Avec le recul, les attentes d’André Suquet et Jo Lynch ont été comblées. Les avantages sont d’autant plus visibles qu’ils ont planté peu après une deuxième parcelle identique de vermentino dans l’alignement de la première, mais sans les arches. « Nous pensions les installer dans les années suivant la plantation, puis nous nous sommes dit que cela pourrait nous donner un élément de comparaison », commente la vigneronne. Elle remarque que les grappes qui ne sont pas en système pergola mûrissent plus vite, et deviennent davantage colorées. De même, elle estime les jus un peu moins vifs, et constate un écart de degré d’alcool d’environ 0,5 voire 1 % vol, les grappes ayant mûri à l’ombre présentant le moins de sucre.

En pleine végétation, les rameaux se rejoignent au sommet de l'arche et les grappes mûrissent à l'ombre.
En pleine végétation, les rameaux se rejoignent au sommet de l'arche et les grappes mûrissent à l'ombre. © Villa Dondona

Jo Lynch liste d’autres avantages collatéraux, non intentionnels mais non négligeables. Comme le fait que les sangliers ne peuvent pas s’attaquer aux raisins, les grappes étant trop hautes. Les vendangeurs, quant à eux, sont ravis de pouvoir les ramasser sans avoir à courber le dos, et surtout de travailler à l’ombre ! Du côté de la mécanisation, ce mode de conduite ne perturbe pas vraiment les pratiques du domaine. Le tracteur passe sous les arches pour le travail du sol, et André Suquet n’a qu’à ouvrir quelques buses supplémentaires de son pulvé aéroconvecteur lors des traitements pour couvrir le feuillage. Bien qu’il faille faire attention à ne pas accrocher les arches en passant avec le tracteur. « Si nous avions su, nous n’aurions pas fait plus haut, mais un peu plus large », analyse la vigneronne.

La pousse de la vigne ne suffit pas toujours à monter la tonnelle

Ce n’est d’ailleurs pas le seul point faible. Les années passant, la vigueur a baissé. Sans compter que les deux dernières années ont été d’une sécheresse intense. « En 2023, nous n’avons pas réussi à faire les pergolas, la pousse de la vigne était trop faible, regrette Jo Lynch. Sur de riches terres de plaine nous n’aurions pas ce problème, mais sur nos maigres coteaux, peut-être que nous aurions dû opter pour une conduite comme en Italie avec de véritables treilles. » De même, l’installation a donné du fil à retordre aux deux vignerons. Pour les arches, ils ont tout envisagé : le bambou, l’aluminium… Les faire forger aurait coûté une véritable fortune. Finalement, c’est un ami bricoleur qui leur a confectionné une sorte de presse pour plier les barres de fer au gabarit souhaité. Autant dire qu’ils ont passé des heures à tordre du métal, et à boulonner les arches sur les piquets en bois. On comprend dès lors qu’ils n’ont pas eu le courage de remettre le couvert pour un deuxième hectare.

Pour façonner les arches sans exploser les coûts de palissage, André Suquet et Jo Lynch ont utilisé cette presse bricolée par un ami.
Pour façonner les arches sans exploser les coûts de palissage, André Suquet et Jo Lynch ont utilisé cette presse bricolée par un ami. © X. Delbecque

Cela n’enlève pas la satisfaction des vignerons, qui ont hâte de voir comment la vigne va réagir au millésime 2024, marqué par le retour de pluies abondantes. « Malgré la quinzaine d’années de recul, nous continuons à tirer des conclusions, c’est passionnant ! » se félicite Jo Lynch.

Les grappes qui ne sont pas en système pergola mûrissent plus vite et deviennent plus colorées

Une maturation plus longue et moins de tanins

Andrea Lonardi, diplômé Master of Wine en 2023, a réalisé son travail de recherche sur la comparaison du système de pergola avec le classique espalier palissé, dans la région de Valpolicella en Italie. Il mentionne que de nombreux viticulteurs reviennent à ce mode de conduite dans le cadre du changement climatique. En Italie mais aussi en Argentine, en Galice ou encore en Californie. Et il conclut de ses recherches que la maturation des raisins est généralement plus lente et les échaudages moins présents. Le média anglais Drink business relate également une étude de trois ans par la maison Masi, démontrant un gain en anthocyanes, une baisse des tanins et une moindre tendance à la surmaturation. « La température des grappes à l’ombre de la pergola peut être jusqu’à 20°C inférieure à celle d’un Guyot », témoigne le directeur technique du groupe. Sur les aspects pratiques, la pergola fait gagner du temps sur les travaux en verts mais nécessite une vendange manuelle.

repères

Villa Dondona

Surface 17 hectares dont 8 en production

Dénominations AOP languedoc, AOP languedoc montpeyroux, IGP saint-guilhem-le-désert

Certification agriculture biologique

Effectifs 2 ETP + saisonniers

Production environ 30 000 cols/an

Gamme de tarifs de 11 à 42 euros

Commercialisation vente directe, export

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