Comment bien rénover une cuve vinicole en béton ?
Les vieilles cuves en béton peuvent encore être utiles, à condition de rénover leur revêtement intérieur. Voici les points à respecter pour une restauration dans les règles de l’art.
Les vieilles cuves en béton peuvent encore être utiles, à condition de rénover leur revêtement intérieur. Voici les points à respecter pour une restauration dans les règles de l’art.
1 Prévoir un rétroplanning suffisant
Un chantier de rénovation de cuve béton est une opération chronophage. Selon les entreprises et ce qu’elles réalisent, il faut compter entre trois et dix semaines entre le démarrage de l’intervention et le moment où l’on pourra remettre du vin dans le contenant. Sachant que ces prestataires sont assez sollicités, il est préférable de les prévenir plusieurs mois à l’avance afin qu’ils soient disponibles au moment souhaité. « Dès le mois d’octobre, j’ai tout mon planning de rempli jusqu’à fin septembre suivant », prévient ainsi Axel Pellerin, gérant d’ADRP, à Épernay, dans la Marne.
Par ailleurs, la rénovation des cuves (travail de préparation, équipements liés aux cuves – portes, robinets tubulures… – et revêtement époxy) peut bénéficier de subventions de FranceAgriMer, au titre des économies d’eau. Il est donc judicieux de préparer tout son dossier et de faire réaliser ses devis en amont afin d’être prêt pour l’ouverture des dépôts de demandes d’aides. Cette année, le guichet de demande d’aide était ouvert du 19 décembre 2022 au 10 février 2023. Ce qui implique d’avoir commencé à étudier le dossier et à démarcher les prestataires réalisant ce type de réfection aux environs de l’été.
2 Monter son dossier FranceAgriMer
Une fois les entreprises contactées et les devis réalisés, il faut déposer sa demande d’aide via le téléservice Viti-investissement. Le taux de subvention est fixé à 30 % des dépenses éligibles pour les PME, sauf si les demandes excèdent l’enveloppe, auquel cas un taux de réfaction est appliqué.
3 Choisir son entrepreneur avec soin
Comme dans tout ce qui touche au contact alimentaire, « la qualité d’application du revêtement intérieur de remplacement sera primordiale », stipule le cahier Itinéraires de l’IFV, Recommandations pour la gestion des risques phtalates et bisphénol A dans les caves. Il est donc fortement conseillé de faire réaliser cette réhabilitation par un professionnel. L’entreprise choisie devra pouvoir fournir des protocoles cadrés et adaptés selon son mode d’application (chaud ou froid), ses délais et conditions de séchage. Elle devra en outre être en mesure de délivrer un certificat d’alimentarité, avec les résultats des tests de migration, et une garantie décennale à l’issue du chantier, voire une attestation de résine « phtalate free », même si cette dernière n’est pas normalisée.
Certaines sociétés garantissent en plus une possibilité de stockage du vin à l’intérieur du contenant au-delà de six mois d’affilée. Enfin, « il faut veiller à ce que l’applicateur soit agréé par le fournisseur de résine », pointe Jean-Michel Desseigne, ingénieur responsable secteur équipements et procédés vinicoles à l’IFV. À noter que certaines firmes ne font qu’appliquer les revêtements ; d’autres sont fabricantes et applicatrices. Un critère qui peut avoir son importance en cas de problème : il n’y a alors qu’un seul responsable possible, ce qui évite que chacun se défausse en renvoyant la balle à l’autre.
4 Établir un cahier des charges
Une fois l’opérateur choisi, l’IFV préconise de dresser un cahier des charges précis avec lui. « Il ne suffit pas d’avoir une résine sans phtalates, prévient Jean-Michel Desseigne. Les risques de migration sont fonction de plusieurs paramètres : la composition de la résine, mais aussi le produit qui est à l’intérieur. Les risques augmentent notamment avec le taux d’alcool. On n’aura pas les mêmes exigences pour une cuve qui conservera un moût (pas de risque), un vin à 12-14 % vol., un vin doux naturel à 18-20 % vol. ou encore un alcool. » De même, la température de stockage joue un rôle non négligeable, avec des possibilités de problèmes accrues à 25-30 °C (cuve en extérieur) par rapport à 12-14 °C. Enfin, le risque augmente avec la durée de stockage.
Dans l’idéal, le cahier des charges devrait détailler :
- les conditions d’application des revêtements,
- les caractéristiques des produits élaborés (pH, teneur en alcool, teneur en SO2, …),
- les opérations réalisées sur le vin au contact de la cuve, notamment les traitements chimiques (sulfitage) et thermiques,
- le mode de nettoyage prévu ainsi que les détergents/biocides à utiliser,
- la durée de contact envisagée entre le vin et la cuve,
- la température de contact,
- la durée d’utilisation dans le temps de la cuve, pendant laquelle ses caractéristiques sont assurées.
5 Veiller au bon déroulement du chantier
La rénovation en elle-même comprend plusieurs étapes (voir sous papier). Il faut veiller à ce qu’elles soient toutes bien respectées et que les temps de séchage soient bien observés. À l’issue de la réhabilitation de la cuve, il est recommandé de vérifier qu’il n’y a aucune cloque, rayure ou fissure. Et bien sûr, de s’assurer que la cuve ne fuit pas, en la remplissant d’eau au moins jusqu’à la porte.
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Une rénovation en plusieurs étapes
- La première phase consiste à préparer le support. Sur une cuve ayant un vieux revêtement époxy, il faut projeter de la limaille de fer ou un abrasif à l’intérieur de la cuve, afin de décaper toute la surface. C’est le sablage. « Cela permet d’ôter le revêtement défectueux, mais aussi de rouvrir la porosité du béton », rapporte Dominique Richard, dirigeant de l’entreprise Qualiplast, basée dans le Sud de la France. Et ce, afin que le revêtement accroche aux parois. De son côté, Axel Pellerin opte soit pour un sablage, soit pour un ponçage diamant. Lorsque la cuve dispose d’un revêtement avec des carreaux de verre, il faut les déposer ainsi que la colle.
- Une fois cette opération réalisée, chez Qualiplast, place au réagréage. Ce nom recouvre la reprise des sols et plafonds avec des mortiers hydrauliques R4. « L’objectif est que le plafond soit bien plat, afin d’éviter la formation de poches d’air », précise Dominique Richard. De même, l’entrepreneur vérifie que la pente de la cuve soit idoine et ramène bien les flux vers la porte. Il compte une pente de 3 cm par mètre. Une fois le réagréage effectué, il faut compter environ trois semaines de séchage.
Pour leur part, ADRP et RAR Cuvelage, à Gensac-la-Pallue, en Charente, passent du sablage à la pose d’un enduit spécifique, qui devra sécher entre « sept à quinze jours », estime Benoît Besnard, directeur de RAR Cuvelage.
- Il est ensuite possible de changer une partie ou la totalité des équipements de la cuve, à savoir les portes, les trappes, les tubulures, les robinetteries.
- Vient l’étape finale de la stratification. « On noie un tissu de verre dans de la résine époxy, afin de procurer une résistance mécanique au revêtement », décrit Dominique Richard. Cette couche, qui est appliquée sur la totalité de la cuve, est ensuite recouverte de silice fine, qui lui confère de la rugosité. La cuve doit sécher environ une semaine. Enfin, un revêtement alimentaire, chauffé à 70°C est projeté par pistolet à 240 bars, à raison de 1,6 à 1,8 kg/m2. La cuve doit ensuite sécher dix jours puis être rincée à l’eau avant d’être employée. Du côté d’Épernay, Axel Pellerin dispose une toile de verre sur laquelle il applique à chaud (70°C) une résine époxy. Benoît Besnard passe pour sa part trois couches : une primaire d’accroche, suivie de la stratification à proprement parler (résine époxy et fibre de verre), et d’une finition à chaud (60 à 70°C).
Des prix variables
Il faut compter environ 100 € HT/m2, sans les équipements inox du côté de Qualiplast ; et entre 180 et 220 € HT/m2, déplacement compris, chez RAR Cuvelage. En Champagne, ADRP facture la prestation entre 8 000 et 18 000 euros par cuve (7 700 euros pour une cuve de 10 hl par exemple), également sans les équipements inox.
Nuria Morales, directrice de la cave coopérative Les vignerons de Saint-Dézéry, à Saint-Dézéry dans le Gard
« Contrôler l’absence de cloques et de fuites »
Ces rénovations représentent un budget non négligeable, de l’ordre de 30 000 à 50 000 euros par an. Nous bénéficions d’aides FranceAgriMer, avec, au mieux, une prise en charge de 35 % du montant. Mais cette année, nous n’avons eu que 27 %.
Je recommande d’être vigilant quant au choix du prestataire, de vérifier l’ancienneté de l’entreprise dans le secteur. Après le chantier, il faut contrôler la bonne plastification autour des vannes, trappes et portes, notamment via un remplissage avant vendanges. C’est là que les fuites ont lieu lorsqu’il y en a. Il faut aussi vérifier l’absence de cloques. »