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Bien mûrir son projet

Comment faire les bons choix pour lancer son offre œnotouristique ? Des experts en la matière nous livrent leurs recommandations.

L’œnotourisme est toujours plus d’actualité. Chacun y va de son activité pour profiter de cette manne. Car l’une des forces de l’œnotourisme est de pouvoir contourner la loi Évin et communiquer sur le vin, tout en se diversifiant. Mais encore faut-il se lancer sur le bon créneau. Pour ce faire, la première chose, avant de débuter, est de se poser les bonnes questions ; de pratiquer un genre d’audit. « Il faut tout d’abord se demander pour quelles raisons on souhaite se lancer dans l’œnotourisme, débute France Gerbal-Médalle, consultante à l’agence AOC Tourisme. Cela peut être pour augmenter les ventes directes, pour faire de la pédagogie, pour communiquer sur le vin, pour améliorer la visibilité du domaine, etc. » Une fois l’objectif défini, il faut étudier si l’activité touristique est la meilleure manière d’y arriver. Par exemple, si la hausse des ventes directes est le principal but, l’œnotourisme n’est peut-être pas le meilleur levier. « La vente en ligne est le mode de vente de l’avenir, remarque-t-elle. Ce sera plus simple, plus rapide et demandera moins d’investissement personnel que l’œnotourisme. Car il ne faut pas se leurrer. L’œnotourisme est une grosse contrainte ; c’est très chronophage. »

Se poser les bonnes questions avant de démarrer, c’est également le conseil de Jean-Claude Belanger, consultant bordelais chez MDT Vignobles. Il recommande de se pencher sur son degré de motivation, ses compétences, et sa légitimité à porter ce type de projet. « Par légitimité, j’entends que le vigneron doit se demander s’il a suffisamment de disponibilités, s’il a une capacité à accueillir et à expliquer et s’il est représentatif de sa profession », précise l’expert.

L’étude de l’environnement est elle aussi primordiale. Il faut examiner s’il y a un ou des axes routiers conséquents à proximité, des restaurants, des hébergements, une route des vins. « Sans infrastructures touristiques aux alentours, se lancer sera très difficile », prévient-il. Dès le départ, il faut également se demander en quoi notre offre sera différenciante. Pour ce faire, Marc Jonas, consultant pour le cabinet éponyme, estime qu’il faut évaluer ce que l’on sait faire et le type de vin que l’on élabore. « On consomme l’œnotourisme comme les vins, illustre-t-il. Si je bois des grands crus, j’aurais tendance à rechercher un cadre luxueux ou un château. » Il faut donc que le vin produit soit en adéquation avec l’offre œnotouristique proposée. C’est une stratégie d’ensemble.

L’aspect financier est également à prendre en compte. De quelle capacité d’investissement est-ce que je dispose, ma situation économique est-elle suffisamment saine, quelles sont les forces et les faiblesses de mon entreprise ? Ce sont autant de questions indispensables avant de se lancer. Car « pour se diversifier, il est nécessaire que la situation de l’activité primaire soit mature », rappelle Vincent Dhétine, consultant en performance commerciale.

Avoir recours à un avis extérieur

Une fois ce premier brainstorming réalisé, se faire conseiller par un œil extérieur peut s’avérer bénéfique. « C’est comme avoir un œnologue en vinification, estime France Gerbal-Médalle. Cela permet de confronter son projet à d’autres réalités. D’avoir un regard neutre sur le domaine, qui jugera des lieux, du paysage, des aménagements, etc. Car il ne faut pas l’oublier, le tourisme est un métier à part entière. » Il est possible de se tourner vers des conseillers privés bien évidemment, mais aussi vers des professionnels du tourisme, comme des clubs hôteliers, les gîtes de France, AirBnB. « Les vignerons n’ont pas le réflexe de consulter ces prestataires marchands, note la consultante. Or ce sont eux qui vendent le territoire et sont au contact des touristes. » Le taux de remplissage de l’hôtel le plus proche, le pic de fréquentation annuel, le type de clients, sont autant d’informations précieuses. « Si le taux de remplissage est de 60 %, avec une majorité de commerciaux, cela signifie qu’il n’y a pas de demande réelle pour une prestation œnotouristique », décrypte-t-elle. De son côté, Jean-Claude Belanger cite les chambres de commerce et d’industrie, et les chambres d’agriculture comme étant de judicieuses sources de conseils. Certaines communautés de communes disposent d’agents préposés à l’aide des montages de dossiers. De même, quelques offices de tourisme, bien que davantage chargés de l’aménagement du territoire, peuvent être de bons interlocuteurs. Quoi qu’il en soit, « un regard extérieur aide à faire le tri », insiste Marc Jonas.

Choisir la thématique en fonction du type de vin et de sa personnalité

Une fois que l’on est décidé à se lancer, se pose la question du projet en lui-même : faut-il opter pour un collectif ou un individuel ? Pour quelle activité ? À la première question, la réponse est simple : « au départ, le projet est toujours individuel, note Jean-Claude Belanger. Ce n’est qu’ensuite qu’il s’inscrit, ou non, dans un projet collectif ». Il peut alors s’agir du syndicat, de l’interprofession, des vignerons indépendants, etc. « Mais les études montrent que la plupart du temps, les touristes ne savent même pas ce qu’est une interprofession ou un syndicat », relativise France Gerbal-Médalle. L’appartenance à un tel projet permet en revanche une création d’image collective, qui peut être bénéfique.

Le choix de l’activité à développer, et par conséquent de la cible, est l’autre gros « morceau ». Certains pays, à l’image de l’Italie, ont tranché pour leurs concitoyens. Le ministère a soutenu l’agri-tourisme. En France, il n’y a pas de politique claire en la matière, « mais les vignerons s’orientent vers de l’événementiel, de l’œno-culturel », estime France Gerbal-Médalle. Quoi qu’il en soit, il est important que l’activité soit en adéquation avec le vin produit. Mais aussi et surtout avec sa propre sensibilité et ses affinités personnelles. Pas la peine d’attirer les familles si la présence d’enfants nous gêne. En revanche, un passionné de musique classique pourra miser sur cette thématique pour accrocher ses visiteurs.

Et ce d’autant plus que, pour les consultants, la priorité est de miser sur l’humain. « Le touriste est à la recherche d’une rencontre, témoigne France Gerbal-Médalle. Il veut partager une tranche de vie du vigneron, discuter avec lui de son métier, mais aussi de l’histoire familiale. Il est à la recherche d’authenticité. » Ce que confirme Jean-Claude Belanger : « Racontez-vous, ainsi que votre vie. Ne partez pas sur de la technique. Ce que les touristes veulent découvrir, c’est votre environnement ». La course à l’exceptionnel ou au High-Tech n’est donc pas la priorité.

En revanche, « les touristes veulent absolument réussir leurs vacances, prévient France Gerbal-Médalle. Ils veulent ressortir grandis de leurs vacances. Ils s’approprient le territoire qu’ils visitent, jusque dans le langage. On dit qu’on a FAIT la Toscane par exemple ! Par ricochet, les touristes sont exigeants et attendent un moment privilégié. Il est donc primordial de miser sur la qualité et sur la sincérité ». Exit la décoration cheap ou l’improvisation dans les discours. Direction le tourisme d’émotions et le professionnalisme.

repères

L’œnotourisme en France

La fréquentation des caves est, selon Atout France, estimée à 7,5 millions de personnes, dont 2,5 millions d’étrangers.

Au sein de la clientèle étrangère, les Belges représentent 27 %, les Britanniques 21 %, les Allemands 15 %, les Néerlandais 11 %, et les Américains 4 %.

Un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d’un séjour.

La France dispose d’un portail internet, depuis le mois de février, dédié à l’œnotourisme : www.visitfrenchwine.com. Lancé en grande pompe par le ministre des Affaires étrangères et du Développement international, il a pour objectif « d’améliorer la promotion de l’ensemble des destinations et marques œnotouristiques françaises ».

Néanmoins, pour le moment, ce site est décevant : il ne répertorie pas toute l’offre hexagonale, et fait la part belle aux grands noms. Par ailleurs, il ne permet pas une réservation en ligne. Or c’est ce qu’attendent les étrangers…

Les Vignerons indépendants de France ont eux aussi lancé leur plateforme, qui elle, permet (entre autres) de réserver des séjours clé en main en ligne.

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