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Acier, inox, bois… Les prix des matériaux s’envolent

Le désordre mondial causé par la pandémie de Covid-19 a provoqué de vives tensions sur la plupart des marchés de matériaux utilisés à la vigne et au chai. Ce qui se traduit par une hausse brutale des prix. La situation n’est pas près de s’améliorer.

De nombreux producteurs ont repoussé leurs chantiers de plantation et de palissage, à cause de la hausse significative du prix de l'acier et du bois. Les fournisseurs estiment que les prix vont rester élevés au moins jusqu'au 31 décembre.
De nombreux producteurs ont repoussé leurs chantiers de plantation et de palissage, à cause de la hausse significative du prix de l'acier et du bois. Les fournisseurs estiment que les prix vont rester élevés au moins jusqu'au 31 décembre.
© Réussir SA

En mars 2020, de nombreux pays se confinaient pour endiguer la pandémie de Covid-19. Plus d’un an et demi après, les conséquences de cette mise à l’arrêt de l’économie mondiale se font pleinement sentir. « En moyenne, le prix de l’acier a augmenté de 80 % entre juillet 2020 et juillet 2021 », constate Benoît Boubée, directeur produits vignoble chez Wieland France, qui fabrique des piquets profilés en acier galvanisé et des fils de palissage. Sur l’inox, la hausse moyenne s’établit à 50 %. À plusieurs reprises, des difficultés d’approvisionnement ont contraint Wieland à décaler ses plannings de production, mais la société a jusqu’ici évité la rupture de stock. « C’est une situation inédite », témoigne Benoît Boubée.

Adapter son chantier de palissage pour maîtriser ses coûts

Chez Wieland, cette hausse brutale s’est traduite par une révision des prix en trois fois courant 2021. « On avait prévenu nos clients fin 2020 qu’il y avait des tensions, afin de les préparer à une hausse de nos tarifs », explique le directeur. Certains clients ont préféré repousser d’un an leur chantier de palissage. « On estime que ces niveaux de prix élevés vont rester stables jusqu’au 31 décembre. Pour la suite, on n’a aucune visibilité », estime l’expert. Il invite donc distributeurs et viticulteurs à contractualiser dès à présent les commandes du printemps, « car le risque de rupture de stock est fort ».

Pour Jean-Marie Leclercq, dirigeant de la société spécialisée dans le palissage CEP Consulting, plus que jamais les chantiers de plantation et de palissage doivent être anticipés. « Pour contrôler les coûts, il faut bien raisonner chacun des investissements. Ce qui peut amener à revoir sa façon de faire habituelle », expose-t-il. Il indique par exemple qu’en redimensionnant et en adaptant le fil porteur, il est possible de modifier la position du premier fil releveur, et d’en supprimer un. Il déconseille toutefois de se tourner vers des matériaux moins chers mais de moins bonne qualité, surtout s’ils sont proposés par de nouveaux arrivants sur le marché. « Ce genre de situation de crise fait venir les opportunistes, donc méfiance », prévient Jean-Marie Leclercq.

Des coûts de fret maritime « multipliés par 4 voire 5 »

Outre son activité sur le palissage, Wieland fabrique aussi des cercles en acier pour la tonnellerie. Un secteur que la société explique là aussi avoir du mal à approvisionner. Ce n’est toutefois pas cela qui inquiète Jean-Luc Sylvain, président de la Fédération des tonneliers de France. « Depuis le début de la pandémie, on est pris en otage par les compagnies maritimes », dénonce-t-il. Selon lui, les coûts de fret ont été « multipliés par 4 voire 5 » en un an et demi, sans aucune garantie sur les délais de livraison. « On n’a aucune visibilité. Certaines compagnies ne s’arrêtent même plus en France », déplore Jean-Luc Sylvain.

Un constat partagé par Philippe Astoin, directeur de la division Agri-machines chez Pellenc. « On a pu assurer toutes nos commandes pour le millésime 2021, mais certains délais ont fait grincer les dents », rapporte-t-il. Le directeur ne se fait pas trop d’illusion sur le déroulé de la prochaine campagne. « Ça va être dur de tenir les prix », avertit-il. Ce que confirme Jean-Luc Sylvain. Le président indique que pour la campagne 2021 qui s’achève, une hausse des prix de 10 % a dû être appliquée aux clients situés dans l’hémisphère sud. Ceux de l’hémisphère nord sont passés au travers, mais ce ne sera pas le cas en 2022.  « On va devoir lisser les hausses de prix sur l’ensemble des commandes de la prochaine campagne », prévient Jean-Luc Sylvain.

La tonnellerie « victime collatérale » de l’inflation sur le marché du bois

À cela s’ajoutent une hausse des prix des films d’emballage ainsi qu’une forte tension sur le marché du bois, portée par la demande de l’industrie du sciage et de la construction. « On n’utilise qu’une partie de l’arbre pour fabriquer les barriques, le reste étant utilisé par les scieries. Donc on est un peu les victimes collatérales du dynamisme de ce secteur », déplore Jean-Luc Sylvain. Constatant un déséquilibre provoqué par l’explosion des exportations à destination des États-Unis, le président plaide pour une réponse européenne pour davantage de protectionnisme vis-à-vis de nos forêts.

Une demande également formulée par Elinnove, qui fédère les entreprises françaises de l’équipement et des bâtiments d’élevage, dans une lettre ouverte adressée au gouvernement en mai dernier. « Les Américains sont prêts à racheter le bois européen à prix d’or, du fait d’importants feux de forêts sur leur sol, et de la mise en place de barrières douanières vis-à-vis du Canada. Les producteurs européens délaissent donc la demande du marché européen pour servir l’Amérique du Nord », alertait alors l’association. De véritables ruptures de stock sont actuellement observées sur les bois de charpente pour la construction des bâtiments, mais aussi sur les piquets en bois pour le palissage et la plantation.

Des tensions prévisibles, Covid-19 ou pas

Pour Benoît Boubée, l’ampleur de la situation actuelle s’explique bien sûr en grande partie par le bouleversement causé par la pandémie. Mais il estime que coronavirus ou pas, des tensions sur les marchés des matériaux étaient prévisibles. « Dans le cadre du conflit commercial les opposant à la Chine, les États-Unis ont redirigé leur politique d’approvisionnement vers l’Europe. Vu qu’on n’a pas n’a pas augmenté nos capacités de production, ça allait forcément coincer à un moment ou à un autre », explique-t-il.

D’après les fournisseurs de la filière interrogés, les prix des matériaux devraient à terme finir par redescendre. « Tous les secteurs d’activité ne pourront pas supporter encore longtemps des prix si hauts », avance Benoît Boubée. Aucun n’estime toutefois qu’ils reviendront à des niveaux équivalents à ceux prépandémiques.

« On estime que ces niveaux de prix élevés vont rester stables jusqu’au 31 décembre. Pour la suite, on n’a aucune visibilité »

Témoignage : Éric Braux, vigneron aux Champagnes Rollin, dans l'Aube

« Le prix de mon devis a été rehaussé de 20 % »

« Fin 2020, j’ai signé un devis pour construire un bâtiment de stockage de 1 300 m2, dont la toiture doit être équipée de panneaux solaires sur une surface de 1 800 m2. Je bénéficie pour cela d’une subvention FranceAgriMer. Mais en juillet, l’entreprise qui m’a fait le devis a augmenté le prix de 20 %, notamment à cause des hausses de prix sur la ferraille et les panneaux sandwich pour l’isolation de la toiture. Sur un projet de cette taille, ça représente beaucoup d’argent. J’ai finalement décidé d’adapter mes plans pour respecter mon budget. Je garde une surface équivalente pour les panneaux solaires mais je réduis la surface du bâtiment fermé à 1 000 m2. Avec ces changements, le projet me coûtera finalement 5 % plus cher que ce que j’avais prévu. Je vais contacter FranceAgriMer pour voir si le montant de l’aide peut être réajusté, mais je ne me fais pas trop d’illusion.

voir plus loin

Situation toujours tendue sur les composants électroniques

Avec le télétravail et les confinements, la demande en ordinateurs portables, en smartphones et en consoles vidéo, a littéralement explosé. Ce qui a généré une pénurie mondiale en semi-conducteurs dès le mois de mars dernier. « Les prix des composés électroniques ont été multipliés par 20, parfois par 50 », rapporte Philippe Astoin, directeur de la division Agri-machines chez Pellenc. La forte dépendance de l’Europe à l’Asie, principale zone de production des composés électroniques, permet difficilement d’imaginer un retour à la normale dans les prochains mois. Pour le secteur agricole, cela se traduit par un allongement des délais de livraison des tracteurs et des tarifs qui continuent d’augmenter.

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