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la minute droit
Quelle réglementation encadre les relations entre viticulteurs et riverains ?

Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts en droit vitivinicole chez J. P. Karsenty & Associés, rappellent la législation visant à concilier les intérêts des viticulteurs et des riverains tout en protégeant les territoires ruraux.

Travail du sol intercep en vigne étroite, à Vosne-Romanée, Côte-d'Or, Bourgogne, enjambeur Bobard LCC60, intercep Petalmatic de Boisselet, Domaine Arnoux-Lachaux, ...
Face à la multiplication des conflits engendrés par le voisinage de riverains et de zones viticoles, une législation s'est développée.
© C. de Nadaillac

Des zones de non-traitement depuis 2020

Depuis le 1er janvier 2020, des distances de sécurité ou zones de non-traitement (ZNT) ont été rendues obligatoires entre les zones de traitement et les habitations et, récemment, les lieux hébergeant des personnes vulnérables ou fréquentés régulièrement par des travailleurs.

Pour rappel, si l’autorisation de mise sur le marché du produit indique une distance de sécurité, celle-ci prévaut. À défaut, la distance minimale à respecter est de 20 mètres incompressibles pour les substances les plus dangereuses (CMR1 ou perturbateur endocrinien) ou de 10 mètres incompressibles pour les substances CMR2. Pour les autres substances utilisées en viticulture, la distance de sécurité à respecter est de 10 mètres également. Toutefois, il est possible de réduire cette distance jusqu’à 3 mètres, à condition d’avoir recours à du matériel permettant de réduire la dérive de pulvérisation et dans le cadre de chartes d’engagement (quelques produits sont exemptés des distances de sécurité).

Le non-respect de ces distances expose le viticulteur à une peine de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros.

Des chartes d’engagement complémentaires des ZNT

Également, dans un souci du « bien vivre ensemble », la loi prévoit l’adoption au niveau départemental de chartes d’engagement visant à atténuer le désagrément lié à l’utilisation des produits phytosanitaires.

Ces chartes doivent obligatoirement préciser les modalités d’information des riverains préalable à l’utilisation de produits phytosanitaire, les distances de sécurité (qu’elles peuvent réduire dans certains cas) et les mesures de protection des riverains, ainsi que les modalités de dialogue et de conciliation entre utilisateurs et riverains.

Elles sont élaborées par les syndicats agricoles ou les chambres d’agriculture en concertation avec les élus, les riverains et les usagers, et sont soumises à une consultation publique avant d’être validées par le Préfet. Le 8 janvier 2024, le tribunal administratif d’Orléans a annulé les arrêtés préfectoraux validant les chartes des départements de la région Centre Val de Loire aux motifs que les chartes allaient au-delà de ce que la loi permet et étaient imprécises.

Le patrimoine sensoriel des campagnes considéré

Face à des conflits de voisinage et recours de néoruraux, la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes a modifié l’article L.110-1 du Code de l’environnement. Il a ajouté « les sons et odeurs » caractérisant les milieux naturels comme nouvelles composantes du patrimoine commun de la nation.

Ce texte, aussi louable soit-il, n’a cependant pas empêché les actions en responsabilité pour trouble anormal du voisinage.

Une nouvelle loi pour limiter les recours

Le législateur est donc intervenu à nouveau pour tenter de limiter les recours avec la loi du 15 avril 2024. À l’article 1253 du Code civil, elle a consacré le principe, créé par la jurisprudence, de responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. Mais tout en posant une exception lorsque le trouble anormal provient d’une activité existant antérieurement à l’installation du plaignant, exercée conformément à la réglementation et qui se poursuit dans les mêmes conditions ou des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine du trouble anormal. Également, le nouvel article L.311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime pose une autre exception afin de permettre la mise en conformité de l’exploitation avec la réglementation, dès lors que la nature ou l’intensité de l’activité n’est pas substantiellement modifiée.

Des exceptions ayant d’importantes conséquences

Ces exceptions sont à saluer car il s’agit d’une responsabilité de plein droit qui n’impose pas de constater un comportement fautif du viticulteur, mais simplement la constatation d’un trouble causé à un voisinexcédant les inconvénients normaux de voisinage.

Lorsqu’un trouble de voisinage est caractérisé, le juge peut ordonner la cessation immédiate du trouble et l’indemnisation de la victime pour le préjudice subi qui peut être économique, moral, esthétique ou simplement d’agrément.

Désormais, le juge devra tenir compte de la préoccupation, c’est-à-dire de la situation existante avant l’installation du voisin, ainsi que des nécessités de mise en conformité des exploitations.

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