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Flavescence dorée : faire l’impasse sur les traitements obligatoires pourrait coûter cher aux viticulteurs

Une étude en cours essaie de chiffrer le coût des réticences des viticulteurs face au fléau que représente la flavescence dorée. Les entorses aux traitements obligatoires pourraient représenter des millions d’euros de pertes pour la filière.

Dès que les symptômes de la flavescence dorée apparaissent, le cep concerné doit être arraché.
Dès que les symptômes de la flavescence dorée apparaissent, le cep concerné doit être arraché.
© X. Delbecque

Les interventions contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée reviennent cher. Mais combien coûte le non-respect des traitements obligatoires ? C’est la question que se pose une poignée de chercheurs en économie agricole à Dijon et Paris-Saclay. Un travail préliminaire, mené par Jean-Sauveur Ay, Estelle Gozlan et Emmanuel Paroissien, indique que de ne pas se conformer à la législation est un mauvais calcul, car le viticulteur finit par le payer par ailleurs. Pour arriver à cette conclusion, les experts ont dû multiplier les équations. « Déjà parce qu’il n’existe aucune donnée sur la réalisation effective des traitements obligatoires, regrette Jean-Sauveur Ay. Les contrôles sont relativement limités, et ni les Fredon ni les instituts techniques ne sont en mesure d’avancer un quelconque chiffre. »

Ainsi, les trois chercheurs ont commencé par estimer le taux de conformité dans la lutte insecticide obligatoire. Pour cela, ils ont croisé les données localisées de vente des principaux produits phytosanitaires utilisés contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée avec la carte des communes viticoles. Selon leurs estimations, le taux de conformité moyen est d’environ 75 % pour les viticulteurs conventionnels, et un peu moins de 50 % pour ceux en agriculture biologique. Une différence expliquée par le fait que les produits en bio sont plus onéreux, moins efficaces et nuisent à la biodiversité, ce qui n’incite pas les viticulteurs labellisés à les employer.

1 euro investi dans la lutte donne 2,45 euros de retour

Malheureusement cette non-conformité se traduit par une augmentation de la propagation de la maladie, générant ainsi des coûts supplémentaires pour la profession : arrachage et replantation, baisse de rendement, multiplication de la prospection… L’étude révèle qu’une augmentation du taux moyen de conformité de 10 % entraînerait une réduction de 4,5 % de la probabilité moyenne de présence de la maladie dans les vignobles. Cette amélioration, bien qu’elle semble modeste, représenterait pourtant une économie à l’échelle nationale de 171 millions d’euros, selon les chercheurs.

Ces derniers ont également estimé le rapport coût-bénéfice d’une telle amélioration de la conformité vis-à-vis des traitements obligatoires. Pour chaque euro investi dans le respect des mesures de prévention, les viticulteurs pourraient espérer un retour sur investissement de 2,45 euros. Et cela, même en prenant en compte les impacts environnementaux et sanitaires potentiels liés à l’application des insecticides, dont les coûts ont été également estimés et intégrés dans l’équation.

L’étude démontre ainsi que la lutte insecticide ne sert pas à rien, et que la politique des traitements obligatoires présente un avantage économique pour les vignerons. « Pour le coup ce n’est pas une opinion ou un ressenti, c’est étayé par des chiffres et un calcul précis », commente Jean-Sauveur Ay. Le chercheur précise toutefois que l’étude n’est pas encore publiée, étape importante pour avoir la validation de ses pairs.

Un travail qui s’inscrit dans le plus vaste projet Risca II

Ce travail, une fois validé, pourrait-il influencer les politiques publiques ? Possible, si l’on en croit Jacques Grosman, expert viticulture pour le ministère de l’Agriculture. « Dans les travaux de réflexion sur les évolutions de stratégies, nous examinons les coûts engendrés pour l’État et ceux pour les professionnels de la filière », explique-t-il. Jusqu’ici, l’expert a constaté de façon empirique que dans les endroits où la lutte obligatoire a tardé à être mise en place, des pertes de production ont été constatées, montrant que l’inaction coûte cher. Mais rien n’était chiffré.

Quoi qu’il en soit, le travail des trois économistes sera utilisé dans le cadre du projet Risca II du Plan national dépérissement du vignoble (PNDV). « Ce projet a pour but de regrouper les connaissances sur la flavescence dorée pour permettre une compréhension globale, expose Audrey Petit de l’IFV, coordinatrice. Les aspects économiques, tout comme les aspects techniques, entrent dans les critères d’action ou de non-action. » L’ingénieure espère que Risca II aboutisse sur un outil de gestion global, intégrant toutes les problématiques. « Mais c’est loin d’être simple », avoue-t-elle. Le projet courant jusqu’à 2026, il reste deux ans pour le mener à bien.

En Bourgogne, des aides pour replanter

Face au coût que représente le dépérissement de la vigne, les départements de la Côte-d’Or et de la Saône-et-Loire ont mis en place un soutien aux investissements de replantation de la vigne. Une aide que les viticulteurs peuvent solliciter suite à l’arrachage de ceps atteints de flavescence dorée, entre autres causes. « Le but de ce dispositif est de travailler au maintien du potentiel viticole », argue Arnaud Million, chargé de mission agricole pour le département de Saône-et-Loire. Un coup de pouce à hauteur de 30 % du montant de l’investissement, dans la limite de 6,90 euros par pied et avec un plafond de 2 500 euros par an.

Les dépenses éligibles comportent les plants de vigne (à condition que le matériel végétal soit traité à l’eau chaude et adapté aux nouvelles conditions climatiques), mais aussi les consommables comme les tuteurs et manchons de protection, ainsi que les frais liés à la plantation (location de tarière par exemple). La main-d’œuvre peut également être comptabilisée (forfait de 3 euros par pied). À noter que quelques différences existent entre les dispositifs de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire (plafond, déclaration…).

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