Religieuses et agricultrices : elles recherchent 700 000 € !
Dans le Gers, une communauté de moniales cisterciennes est installée depuis 1949 à l’abbaye de Boulaur. Le site abrite une véritable exploitation de polyculture élevage avec des bâtiments agricoles et des laboratoires de transformation de la production. Un vaste projet d’agrandissement et de modernisation des installations est en cours. Un investissement que les sœurs doivent financer en partie en faisant appel aux dons. Les monuments sont historiques mais les moyens de communication bien actuels : site Internet, Instagram, communication sur YouTube…
Dans le Gers, une communauté de moniales cisterciennes est installée depuis 1949 à l’abbaye de Boulaur. Le site abrite une véritable exploitation de polyculture élevage avec des bâtiments agricoles et des laboratoires de transformation de la production. Un vaste projet d’agrandissement et de modernisation des installations est en cours. Un investissement que les sœurs doivent financer en partie en faisant appel aux dons. Les monuments sont historiques mais les moyens de communication bien actuels : site Internet, Instagram, communication sur YouTube…
Leur abbaye a été fondée en 1142 et la communauté des sœurs cisterciennes y est installée depuis 1949. Les bâtiments du XIIe siècle abritent une communauté de 31 moniales de 24 à 94 ans mais aussi une véritable exploitation agricole. 25 vaches, une douzaine de cochons, des cultures potagères, un verger, des prairies et du sarrasin, voilà pour le côté polyculture-élevage. Mais l’abbaye de Boulaur dans le Gers transforme aussi ses productions en fromages, confitures, farines et pâtés dans deux ateliers de transformation. Un magasin de producteurs permet la vente en circuit court. Le site reçoit des visiteurs et propose une hôtellerie monastique pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes.
Les cisterciennes appartiennent à un ordre contemplatif, ce qui ne veut absolument pas dire inactif. Leurs journées sont consacrées à la prière et au travail. Pour pouvoir en vivre, la communauté a envisagé il y a quelques années d’agrandir l’exploitation en multipliant par 4 ou 5 chacune des productions. Un ambitieux et audacieux projet de grange cistercienne du XXIe siècle est né pour abriter une microferme diversifiée. L’étable et la fromagerie étaient à reconstruire. La réalisation comprend un espace pédagogique pour que les enfants voient les animaux et le travail agricole derrière des vitres dans l’étable. Une galerie extérieure permet aux visiteurs de voir les ateliers de transformation. La deuxième tranche comprend des espaces de vente et d’accueil du public. Une troisième tranche est aussi envisagée avec une nouvelle bibliothèque et une salle de conférence. Le tout dans une enceinte classée « monument historique », ce qui augmente considérablement le coût de la construction et de la rénovation.
Cinq millions d'euros sont nécessaires pour mener à bien le projet. La région Occitanie, l’Etat et l’Union européenne apportent leurs subventions à l’entreprise. La dynamique communauté a aussi l’idée de faire appel aux dons en se faisant connaître dans les médias et sur les réseaux sociaux. Site Internet, Instagram, Facebook, YouTube… Mener une vie monacale n’empêche pas de vivre avec son temps. A l’époque des start-up, la communauté communique en 2.0. Et ça fonctionne. Où en est cette reconstruction ancienne du 21e siècle ? Le point sur ce projet baptisé « Grange 21 » avec sœur Anne.
Réussir - Combien vous faut-il pour le projet global ?
Sœur Anne - « La première tranche, comprenant la salle de traite et les ateliers de transformation, représente 3,5 millions d’euros de travaux. La deuxième tranche s’élève à 1, 5 million d’euros pour la construction d’un magasin, d’une grande halle ouverte pour le marché et d’un préau d’accueil du public pour les visites guidées. Un financement de 5 millions d’euros est donc nécessaire pour ces deux premières tranches. Le coût du chantier s’explique par le respect de l’architecture de l’abbaye au cœur du site. D’énormes contraintes sont liées aux monuments historiques et la facture globale en est plus que doublée. Pour les laboratoires par exemple, nous n’avons pas pu construire un grand bâtiment car l’architecte des bâtiments de France ne le permettait pas. Nous avons donc dû opter pour une plus petite structure avec un étage et deux laboratoires par niveau. L’étanchéité entre les étages représente un surcoût très important, sans parler des difficultés techniques... Au final, quand on additionne à cet exemple les tuiles canal et le bardage bois du bâtiment d’élevage, le terrassement de 20 000m3 de terre pour préserver la vue sur l’abbaye et bien d’autres détails, on comprend que la construction dans le périmètre d’un monument historique génère un surcoût vertigineux.»
Avez-vous trouvé l’ensemble des financements et où en sont les travaux ?
S. A. - « La première tranche de travaux est bien avancée. La deuxième démarre. Une troisième tranche est également envisagée pour une nouvelle bibliothèque, une salle de conférence et l’hôtellerie mais il s’agit d’un projet plus lointain, faute de moyens financiers. Les deux premières tranches ont bénéficié d’un financement de l’Etat. L’aspect écologique de notre construction a rendu ce projet de développement économique territorial éligible au Plan de relance. Les bâtiments sont construits avec des matériaux naturels : paille, briques en terre crue, récupération des matériaux des anciens bâtiments (poutres, tuiles)… La région Occitanie s’est engagée assez fortement également et l’Union européenne a contribué à hauteur de 100 000 €. Au total, les subventions représentent 1,9 million d’€. Nous apportons aussi notre part à l’édifice avec les fonds propres de la communauté et nos prêts bancaires. Nous avons aussi prévu une collecte de fonds. On a estimé qu’il était légitime de faire appel à du mécénat pour préserver un patrimoine qui appartient à tous. Nous comptons sur 1,5 millions d’€ de dons. A l’heure actuelle, nous avons récolté 800 000 €. Il manque donc encore 700 000 €. Nous continuons de démarcher auprès de fondations. Nous avons sollicité la Fondation du patrimoine qui ne peut soutenir notre projet car il s’agit de constructions neuves. Mais je suis confiante. Nous avons jusqu’à la fin 2022 pour boucler notre financement. »
Que va changer cette construction de nouveaux bâtiments pour votre exploitation agricole ?
S. A. - « L’objectif avec ces nouveaux bâtiments est de multiplier par 4 ou 5 le chiffre d’affaires de l’exploitation. C’est trop juste actuellement, nous n’arrivons pas à vivre complètement de notre travail. Notre « business plan » fixe comme objectif de vivre de nos produits et de rembourser nos emprunts (plus d’un million d’euros). Nous voulons pouvoir assumer notre vie courante alors que nos effectifs grandissent. En 2020, sept jeunes femmes ont rejoint la communauté. Vous imaginez : 7 personnes qui arrivent d’un coup sur une exploitation, qu’il faut faire vivre et dont il faut assumer les charges. Certes, on ne peut pas comparer notre communauté à une famille ou un Gaec mais le faire permet de comprendre les défis que nous avons à relever. Notre modèle d’exploitation sur 45 ha de terre seulement est particulier. Une douzaine de moniales prennent plus spécifiquement en charge les travaux de la ferme mais tout le monde est associé aux différentes tâches agricoles, de transformation, de vente ou de travail administratif. Au final, tout le monde met la main à la pâte, même notre doyenne participe en épluchant les fruits et légumes. Ce qui change aussi avec ce projet, c’est la possibilité d’accueillir plus de public sur le nouveau site. Des parois de verre permettent de suivre la traite dans une salle pédagogique ou encore les transformations en laboratoire grâce à des couloirs de visite. A l’étage, nous préparons les confitures et transformons la viande en pâté. Au rez-de-chaussée, nous fabriquons les fromages et préparons les légumes. »
Avec ces nouveaux bâtiments, vous avez franchi une étape également dans la voie de l’environnement durable ? Comment conciliez-vous écologie et production agricole ?
S. A. - « Notre production de fromages est en biologique, le verger et le potager sont essentiellement en permaculture. Avec notre nouvelle installation, nous avons opté pour le séchage en grange et le foin conservé en vrac. Nous faisons des économies d’énergie car nous n’avons plus besoin de presser les bottes, plus besoin de rallumer le tracteur en hiver pour la distribution du fourrage. Nous avons juste une griffe électrique. Nous récupérons l’eau de pluie, nous récupérons la chaleur produite par les groupes froids, nous avons installé un puits canadien… Dans la deuxième tranche de bâtiment, nous avons mis le paquet sur l’aspect construction écologique. Nous allons utiliser des briques des briques en terre cuite fabriquées dans un chantier participatif à partir de la terre de terrassement. Nous allons installer des toilettes sèches… Notre volonté est de cultiver la terre et d’en prendre soin, pour prendre soin des hommes. Pour nous, c’est une réponse à la question : " Comment peut-on contribuer à rendre hommage au Créateur qui nous a confié la terre, comment ne pas saccager ce bien et pouvoir le transmettre ? " Notre rapport à la terre s’inscrit dans la valeur humaine et la foi. »
Pour financer les dons, vous avez aussi décidé de vous lancer dans la communication et votre communauté est visible sur les réseaux sociaux. Cela peut paraître décalé par rapport à la vie monastique, quel regard portez-vous sur cette mission assumée de cisterciennes du XXIe siècle ?
S. A. - « Nous avons 5 h de prière / jour. Il y a aussi tous les travaux, les tâches administratives, les temps de dialogue et de vie communautaire. Je suis en charge de la communication, du site Internet et des réseaux sociaux. Je me fixe des règles. Je ne publie pas plus de 2 fois par semaine et ensuite, je réponds aux commentaires, pas plus. Pour garder sa liberté, il faut se discipliner, se fixer des règles et les tenir. Je n’y consacre pas plus que deux ou trois heures par semaine. Mais c’est important pour nous. Tout est lié dans la communication et c’est la répétition qui fait les dons. Il faut que les gens entendent parler de nous plusieurs fois pour prendre la décision de donner. C’est pour cela que nous participons à différents projets. La photo de notre communauté a par exemple été primée par Farmitoo suite aux votes sur Facebook.
Nous avons été sollicitées aussi par Tibo InShape pour sa chaîne YouTube. Les commentaires pour cette vidéo ont été bienveillants et extrêmement favorables. Nous diffusons des informations au travers de notre site Internet. Pour présenter notre projet de construction et d’agrandissement, nous avons réalisé et mis en ligne sur ce site notre propre vidéo. Je peux dire d’ailleurs avec joie que l’intégralité de ce qui est annoncé dans cette vidéo est réalisé ou en cours de réalisation. Nous n’avons pas proposé du rêve mais un projet mûri et viable. C’est pourquoi nous continuons les démarches pour lever des fonds et le mener à terme car il en vaut la peine. »