Que nous réserve le Salon de l’agriculture 2025 ? Jérôme Despey et Valérie Le Roy, président et directrice du Sia et Arnaud Lemoine, directeur du Ceneca répondent
Le Salon de l’agriculture 2025 aura lieu à la porte de Versailles, à Paris, du 22 février eu 2 mars prochains. Jérôme Despey, président du Sia, Valérie Le Roy, directrice du Sia et Arnaud Lemoine, directeur du Ceneca, le propriétaire du salon, font un premier point sur ce que nous réserve la 61e édition du salon dans une interview croisée.
Le Salon de l’agriculture 2025 aura lieu à la porte de Versailles, à Paris, du 22 février eu 2 mars prochains. Jérôme Despey, président du Sia, Valérie Le Roy, directrice du Sia et Arnaud Lemoine, directeur du Ceneca, le propriétaire du salon, font un premier point sur ce que nous réserve la 61e édition du salon dans une interview croisée.
Jérôme Despey, il va s’agir de votre premier salon de l'agriculture en tant que président, comment préparez-vous cette édition 2025 ?
Jérôme Despey : C’est un honneur de présider le Sia qui est important pour les agriculteurs, pour toutes les filières de production mais aussi en raison du lien qu’il tisse avec ses 600 000 visiteurs et nos concitoyens. Il s’agit d’ un événement attendu par beaucoup de monde qui met en avant notre profession et qui permet aussi d’attirer les jeunes et de mettre en lumière la souveraineté alimentaire française. Il s’agit d’une organisation au long cours, c’est un vrai marathon, qui demande beaucoup de préparation avec les filières et un vrai travail avec les exposants en amont, et avec Comexposium qui nous permet de faire du Salon international de l'agriculture une réussite ainsi que de tout ce qui l’entoure, comme le Concours général agricole. Cela fait maintenant plus de trente ans que je viens au Sia, j’en connais donc bien les contours et je suis enthousiaste.
Le fait que vous soyez viticulteur est-il synonyme d’une approche particulière ?
Jérôme Despey : Il faut bien venir de quelque part ! Je suis fier de mon village de Saint-Geniès-des-Mourgues et je suis fier de mon métier, tout comme je suis fier de défendre l’intérêt de l’ensemble des filières qui font la richesse de notre pays. Mon prédécesseur était céréalier, je suis viticulteur, l’important c’est d’être animé par la même passion de défendre l’agriculture et le Salon. En tant que président du Salon international de l'Agriculture, je me place dans la perspective d’être un ambassadeur de tout ce que génère le Salon.
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"Ma priorité, c'est de développer le Sia à l'international"
Avez-vous une priorité pour le salon de l'agriculture 2025 ?
Jérôme Despey : Ma priorité va être de développer le Sia à l’international. Il s’agit du premier salon européen même s’il y a bien sûr de la concurrence au niveau européen et international. Nous en avons parlé avec Comexposium mais aussi avec le ministère pour voir ce que nous pouvons faire. L’ouverture au monde est une nécessité, je pense qu’il y a encore des choses à faire, par exemple accueillir des ministres de l’Agriculture étrangers, créer des débouchés pour nos exposants. Mais je veux avant tout m’appuyer sur ces derniers et les écouter. Il faut sans cesse être en mouvement, le Sia est déjà riche mais il faut réfléchir à la manière de le développer tout en respectant l’aspect humain auquel je suis très attaché. Tout comme je suis attaché à l’accueil du public. On a beaucoup parlé de la Sia’ttitude, tout le monde doit se sentir bien au Sia, en sécurité et dans le respect.
Quels seront les temps du fort du Sia 2025 et pourquoi avoir choisi pour thématique « L’agriculture, cette fierté française ! » ?
Jérôme Despey : L’agriculture, bien sûr que c’est notre fierté, c’est notre savoir-faire, notre savoir-vivre, notre excellence ! Le Salon, c’est le moment où on peut rencontrer nos concitoyens pour leur expliquer le rôle essentiel de notre agriculture. Nous n‘avons pas à rougir de ce qui ce fait en termes d’innovation ou encore de nouvelles technologies, mais aussi de pédagogie !
Arnaud Lemoine : Nous sommes le premier salon au monde à enregistrer le plus grand nombre de visites d’hommes et de femmes politiques avec 10 à 15 visites par jour depuis quatre ou cinq ans. C’est donc un honneur et une fierté de les recevoir. Ces visites politiques sont importantes pour les exposants qui ont ainsi des temps d’échange. C’est unique au monde !
Valérie Le Roy : Côté opérationnel, nous devons trouver une formulation suffisamment engageante et dynamisante pour que tous les exposants puissent se l’approprier. Elle va aussi nous permettre de développer des choses autour de la pédagogie, une des valeurs fondamentales du Sia. Un des objectifs envers les visiteurs est de mettre en place une campagne spécifique pour les familles.
Y aura-t-il un pays mis à l’honneur ? On parle du Maroc ?
Arnaud Lemoine : Il n’est jamais arrivé qu’on mette un pays à l’honneur. Cela se fait dans d’autres salons, alors pourquoi pas au Sia ? Pour autant, il n’était pas facile de choisir car chaque participant présent au sein des Agricultures du monde a sa légitimité. Cinq pays ont été identifiés : la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc qui est devenu une évidence car il présente des intérêts communs avec la France, même si pour certaines filières il s’agit d’un concurrent. Le Salon de l'agriculture a peut-être un rôle pédagogique à jouer en matière d’échanges et de solutions, je pense notamment à deux aspects. Il y a une vraie attente au Maroc des services vétérinaires français pour avoir un appui vétérinaire. A contrario, sur l’eau, le Maroc est l’inventeur de la ceinture verte. Nous avons à apprendre des choses de part et d’autre de la Méditerranée. Le Sia est sûrement le meilleur endroit pour échanger sans animosité. Nous en sommes encore au stade de la diplomatie mais on peut déjà imaginer différents événements comme un pavoisement, une plateforme d’échanges, des animations sur le stand du Maroc, un dîner officiel, une co-inauguration, la présence de l’ambassadeur toute la semaine…
Que répondez-vous au Département et à la Chambre d’agriculture du Lot qui viennent d’annoncer qu’ils ne participeraient pas au prochain Sia, notamment parce qu’on laisse la place aux grandes enseignes au détriment des animaux, un argument déjà avancé par l’Aveyron qui avait décidé de ne pas venir au Salon l’an passé ?
Valérie Le Roy : Le Sia a un règlement de participation, si le Lot veut être représenté dans le hall 1, il doit aussi être représenté dans sa région, c’est-à-dire être présent dans le hall 3, ce qu’il, à ma connaissance, n’a pas souhaité. S’il veut exposer sa race caprine, il doit le faire dans le hall 3 ou le hall 7.1. Il faut préciser que dans les deux cas, ils ont été prévenus par écrit de l’obligation de se conformer au règlement.
"Le Sia souhaite la venue de tout le monde mais il y a un règlement à respecter"
Jérôme Despey : Le Sia souhaite la venue de tout le monde, mais il y a un règlement à respecter pour être équitable avec les autres. Il faut raison garder, il y a la possibilité pour les races d’être dans les hall 7.1 ou 3.
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Il a été dit que des médaillés olympiques pourraient être présents au Salon de l'agriculture 2025, c’est le cas ?
Arnaud Lemoine : Le monde sportif et l’agriculture ont beaucoup de valeurs en commun, la solidarité, le travail d’équipe, le collectif, faire venir des médaillés olympique ou paralympiques nous semble donc naturel surtout que parmi eux il y a de nombreux agriculteurs ou enfants d’agriculteurs. Nous avons écrit au nouveau ministre des Sports pour monter une opération commune. Nous attendons un retour mais les médaillés sont tous les bienvenus. L’idée est d’offrir une place à chaque sportif souhaitant venir plus une pour son accompagnant et de les réunir le même jour. Nous avions déjà soutenus les rugbymen pour la Coupe du monde lors de la précédente édition.
Valérie Le Roy : La réception des médaillés olympiques peut faire partie des temps forts du Salon de l'agriculture 2025, c’est en cours de réflexion.
"Nous voulions un Sia'Pro avec du matériel abordable pour tous"
Le Sia’Pro qui devait se tenir au Bourget reste finalement à Paris, faute d’exposants en machinisme. Quel est votre sentiment ?
Arnaud Lemoine : Nous avons un sentiment de tristesse. Nous avions l’idée de faire un salon à taille humaine pour répondre aux besoins des agriculteurs avec du matériel abordable pour tous. Nous ne voulions pas faire un salon avec du matériel magnifique mais qu’on ne peut pas acheter, mais avec du matériel qui correspond à la situation économique des agriculteurs, du matériel achetable.
Jérôme Despey : C’est un projet que j’ai porté pour répondre à l’appel des professionnels. Notre ambition n’était pas de prendre la place du Sima mais de répondre à un besoin des professionnels qui sont 60 000 à venir au Salon. Dès lors que le Sima avait pris la position de ne pas se tenir en 2025, l’idée était d’être présent en machinisme avec un volet humain et d’accessibilité économique. L’idée était de renouer avec une concordance entre cette semaine de l’agriculture qui nous appartient et le Sia’Pro. Tout a été fait en transparence pour attirer les professionnels du machinisme qui n’ont pas répondu à ce besoin exprimé par les visiteurs professionnels. Je le regrette surtout qu’en matière d’innovation, de technologie, de robotique, de formation, d’énergies renouvelables, d’équipements, de composants, de services et conseils, de nombreux exposants se sont inscrits. Nous avons donc pris la décision de rapatrier le Sia’Pro au sein du Sia dans le hall 7. Il y aura quelques tracteurs entre ce hall et l’extérieur.
Le Sia’Pro 2025 se positionne comme un événement consacré aux technologies et solutions innovantes au service de l’agriculture de demain. Sera-t-il différent du Sia’Pro 2024 ?
Valérie Le Roy : Le grand changement par rapport à la dernière édition où il était dans le hall 4, c’est qu’il va y avoir des stands. Il va s’agir d’un salon à part entière situé dans le hall 7.2 avec un badge permettant de filtrer les entrées puisqu’il est réservé aux visiteurs professionnels. Pendant trois jours, du 23 au 25 février, il y aura des rencontres avec experts, des influenceurs, des tables-rondes, des conférences, le café des agris pour faire du networking …. Il faut imaginer un salon B to B au cœur du Sia.
Il y a eu l’an passé 83 visites de représentants politiques parfois difficiles à gérer. Qu’en sera-t-il en 2025 ?
Arnaud Lemoine : Le Sia est un salon privé, il faut le rappeler. C’est une fierté de recevoir les représentants politiques mais c’est vrai qu’il y a eu des excès.
"Il faut instaurer une Sia'ttitude politique"
Il faut instaurer une Sia’ttitude politique. L’idée est que tout le monde puisse continuer à venir mais en respectant une charte que nous avons établie pour les visites protocolaires politiques. Elle pourrait par exemple stipuler qu’elles doivent se limiter à une journée et que la délégation doit comprendre aux maximum 25 personnes car au-delà ce n’est pas gérable. Par ailleurs, il faut aussi rappeler que nous sommes toujours sous Vigipirate, donc le préfet de Paris a toujours son mot à dire. Notre devoir c’est d’assurer la sécurité.
Différents incidents liés à des personnes trop alcoolisés ont émaillé les précédentes éditions, comment comptez-vous gérer ce problème ?
Valérie Le Roy : Le salon de l'agriculture a toujours été festif, il doit continuer à l’être mais dans le respect du public et de la sécurité. En 2024, le salon a été moins exposé à ce problème que lors des deux éditions précédentes. Nous menons un gros travail avec les exposants qui servent de l’alcool en leur rappelant la loi, les horaires d’ouverture et de fermeture du Salon pour éviter par exemple de déboucher une bouteille cinq minutes avant la fermeture… Il y a donc le volet prévention et ensuite le volet sanction avec un avertissement oral, puis une mise en demeure et enfin la fermeture du stand. Un stand a d’ailleurs été fermé en 2024. Les visiteurs sont aussi parfois fautifs quand ils arrivent avinés, ils sont alors raccompagnés à la sortie. En 2025, il y aura le même dispositif avec les désoiffeurs qui distribuent de l’eau gratuitement, les brigades Sia’ttitude, les fontaines à eau, la multiplication des cabines sanitaires.
Plus de 600 000 visiteurs sont venus en 2024, combien en attendez-vous en 2025 ?
Arnaud Lemoine : La réussite d’un salon, ce n’est pas qu’un chiffre, c’est aussi une question d’ambiance. L’important est d’attirer des gens qui viennent voir leur terroir.
Jérôme Despey : Le Sia est un vrai succès populaire, l’important c’est qu’il reste attractif, accessible à toutes nos régions et qu’il puisse toujours se développer et progresser.
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"Je fonde l’espoir que des réponses soient apportées d’ici le Sia 2025"
Les agriculteurs, qui sont à nouveau dans la rue, ont manifesté leur colère durant l’édition 2024, craignez-vous que cela se réitère ?
Jérôme Despey : Je ne suis pas insensible à la colère agricole, je suis un des leurs. Le Sia qui est leur salon a toujours apporté son soutien aux agriculteurs. Ils peuvent faire passer des messages mais ne doivent pas prendre en otage l’événement, les exposants et les visiteurs. Je fonde l’espoir que des réponses soient apportées d’ici le Sia 2025 qui doit se dérouler dans de bonnes conditions car il n’est pas possible qu’un hall soit fermé.
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Quel regard portez-vous sur l’agriculture française ?
Jérome Despey : Elle doit être une agriculture d’avenir, elle ne doit pas être reléguée ou abandonnée car il s’agit d’enjeux de souveraineté, de préservation de ces femmes et ces hommes sur le territoire qui doivent vivre des prix de leurs produits. Ils doivent pouvoir exercer leur profession dans la dignité et sans être entravés. La France agricole peut se saisir d’opportunités en lien avec nos concitoyens et en lien avec les exportations. Nous devons être fiers de notre agriculture et de nos filières sur l’ensemble du territoire.