Lutte contre la pauvreté rurale
Pauvreté : les nouveaux indicateurs tiennent compte de l'avis des populations
La lutte contre la pauvreté est l’objectif de développement durable n°1 que s’est donné l’ONU à l’horizon 2030. Pour y aboutir, les experts veulent redéfinir ce qu’est réellement la pauvreté, et pour la première fois, ils ont posé la question aux personnes considérées comme pauvres elles-mêmes, avec des résultats inattendus.
La lutte contre la pauvreté est l’objectif de développement durable n°1 que s’est donné l’ONU à l’horizon 2030. Pour y aboutir, les experts veulent redéfinir ce qu’est réellement la pauvreté, et pour la première fois, ils ont posé la question aux personnes considérées comme pauvres elles-mêmes, avec des résultats inattendus.
![Une femme malawie regarde l'objectif](https://medias.reussir.fr/portail-reussir/styles/normal_size/azblob/2023-06/FAO_24662_598.jpg.webp?itok=djOCGULy)
Être beau, un marqueur de richesse
Être pauvre, ce n’est pas seulement manquer d’argent, c'est aussi faire face à des problèmes de santé, d’isolement. Pour définir cette pauvreté non monétaire, des chercheurs* ont interrogé des centaines de personnes concernées, notamment au Malawi, l’un des pays les plus pauvres du monde. Étonnamment, l’apparence physique a été citée comme critère important, « les personnes qui connaissent l’aisance matérielle tendent à soigner leur mise », commente le chercheur Donald Chitekwe, car leurs moyens pécuniaires leur permettent de se payer des lotions nourrissantes pour la peau, des vêtements de meilleure qualité », elles consomment en outre des produits sains qui se reflètent sur leur teint et dans leur silhouette.
Au-delà des chiffres sur la pauvreté, les humains et leurs émotions
Lors de l'enquête, les villageois se sont révélés bons juges des différences sociales, capables de jauger la richesse de leur voisin avec précision. Ils pouvaient ainsi évaluer finement le coût de leur logement par exemple. La quantité de travail à laquelle chacun est contraint revêt « une importance supérieure à celle d’autres indicateurs, explique Maxton Tsoka, chef de l’équipe de recherche, parce que les plus riches emploient des gens pour travailler à leur place ». En revanche, l’accès à l’instruction n’a pas été retenu comme indicateur de pauvreté, puisque certains sont riches sans être allés à l’école. Enfin, la notion d’« état d’esprit » traduit l’importance du ressenti dans l’expérience de pauvreté. Le malheur et le stress lui sont associés, par opposition aux riches qui bénéficient d’une nourriture suffisante et d’argent pour s’acheter des choses et qui sont ainsi considérés comme heureux.
![](https://medias.reussir.fr/portail-reussir/styles/normal_size/azblob/2023-06/FAO_24662_069.jpg.webp?itok=fkxTUU35)
Pourquoi modifier les critères de pauvreté ?
Les chercheurs ont créé l’indice de pauvreté rurale multidimensionnel parce que le seul critère de revenu des ménages se révèle insuffisant pour rendre compte du bien-être d’une personne. Pour preuve, 14% des personnes reconnues comme pauvres avec ces nouveaux critères ne l'étaient pas avec les anciens. La sécurité alimentaire, le niveau de vie, la santé, le taux de mortalité infantile, la fréquentation scolaire, la disponibilité de combustible de cuisson font partie des dix-huit éléments retenus. Le but est de « concevoir et cibler efficacement des mesures de politiques en faveur des pauvres dans les zones rurales, en particulier les petits agriculteurs et d’autres groupes vulnérables », révèle Piero Conforti, directeur adjoint de la division des statistiques, interrogé par mail. Il permet de connaître le nombre de ménages pauvres et de pouvoir agir sur les critères qui est important à leurs yeux.
![](https://medias.reussir.fr/portail-reussir/styles/normal_size/azblob/2023-06/FAO_24662_211.jpg.webp?itok=gt1phZvM)
Et la pauvreté en France ?
Un indice de pauvreté multidimensionnel a aussi été créé en France, à l’initiative d’ATD Quart-Monde, le Secours catholique, Caritas France, entre autres**, et des chercheurs universitaires. Entre 2017 et 2019, durant trois ans, 22 groupes ont réuni des experts et des personnes « ayant l’expérience de la pauvreté ». Le rapport retient huit indicateurs : les privations matérielles et de droits ; la dégradation de la santé ; les peurs et les souffrances ; la maltraitance sociale ; la maltraitance institutionnelle ; l’isolement ; les compétences non reconnues ; les contraintes de temps et d’espace. Ce que l’étude révèle, c’est le lien entre ces indicateurs, « quand on s’attaque à une dimension, c’est important de voir comment cela impacte les autres dimensions », alerte le rapport.
![](https://medias.reussir.fr/portail-reussir/styles/normal_size/azblob/2023-06/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-04-29%20a%CC%80%2012.30.20.png.webp?itok=TecOVePi)
*En 2021, la FAO a publié un rapport en collaboration avec l’Initiative d’Oxford sur la pauvreté et le développement humain, qui introduit une manière innovante de mesurer la pauvreté en milieu rural
**Une étude internationale a été menée sur six pays (Bengladesh, Bolivie, Etats-Unis, Royaume-Uni, Tanzanie, France) durant trois ans pour mieux comprendre la pauvreté en s’appuyant sur le savoir de ceux qui la vivent. En France, la recherche s’est faite en partenariat entre le Mouvement ATD Quart Monde, le Secours Catholique – Caritas France, l’association des Centres Socio-Culturels des 3 cités à Poitiers et l’Institut catholique de Paris.