Quand le bail à métayage devient bail à ferme
Une décision récente de la Cour de cassation apporte un éclairage nouveau quant à la conversion d’un bail à métayage en bail à ferme. Le point sur les principes établis et la jurisprudence.
Une décision récente de la Cour de cassation apporte un éclairage nouveau quant à la conversion d’un bail à métayage en bail à ferme. Le point sur les principes établis et la jurisprudence.
Quel est le contexte de départ ?
Le bail est à métayage dès lors que la direction de l’exploitation appartient à l’exploitant (le métayer) et qu’il y a partage des produits et des dépenses, dans les mêmes proportions, entre les parties. Les arrêts en la matière sont rares car ce bail est de moins en moins répandu. Pourtant le 10 octobre 2019, la Cour de cassation a rendu une décision (1) qui modifie les principes jusqu’ici établis en matière de conversion de bail à métayage en bail à ferme.
Dans cette affaire, un bail à métayage sur des vignes a été conclu en 1995 par un Groupement foncier viticole (GFV) au profit d’une EARL (le métayer). Après dix ans d’exploitation, l’EARL a demandé une conversion en bail à ferme, ce à quoi le bailleur s’est opposé. L’affaire a alors été portée devant le tribunal, sur le fondement de l’article L. 417-11 alinéa 8 du Code rural.
Quels types de conversion sont prévus ?
Cet article prévoit deux types de conversion, pouvant être demandés à des dates différentes : à l’expiration de la 3e année du bail et, comme dans la présente affaire, à compter de la 8e année du bail. Dans les deux cas, la demande peut être faite chaque année culturale, sous réserve de respecter le délai légal de 12 mois. Une indemnisation peut être due au bailleur et aurait dû être fixée par décret (ce qui n’a encore jamais été le cas).
Dans la première situation, appelée par certains conversion « sanction », chacune des parties peut demander la conversion du bail à métayage. À défaut d’accord, le juge prononcera la conversion de droit si le propriétaire n’a pas rempli sa part du contrat (2). Dans la deuxième situation, appelée alors conversion « promotion », la demande ne peut être réalisée que par le métayer en place depuis plus de huit ans et elle n’a pas besoin d’être motivée. Elle vise à lui permettre d’accéder à une plus grande indépendance, celle du fermage.
La conversion est-elle toujours de droit ?
Les termes de l’article L. 417-11, alinéa 8 du Code rural semblent permettre une conversion de plein droit du bail à métayage, ce qui était également la position retenue par les tribunaux. Dans cette affaire, en 2017 d’abord, la Cour d’appel de Dijon fait droit à la demande du métayer, retenant que malgré les ressources moindres pour le bailleur en cas de fermage, un juste équilibre se trouve ménagé entre les exigences raisonnables de l’intérêt général et la protection du droit au respect des biens du bailleur. En cassation, la Cour a demandé aux juges du fonds de procéder à un contrôle de proportionnalité pour vérifier que l’intérêt général poursuivi par la loi justifie l’atteinte portée à un droit fondamental, tel que le droit de propriété. Autrement dit, la Cour n’a pas retenu une conversion de plein droit, mais considère qu’il appartient aux juges du fonds de procéder à une analyse au cas par cas.
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Quel avenir pour les demandes de conversion ?
Le loyer d’un bail à métayage est souvent plus rémunérateur que le loyer d’un bail à ferme, encadré par des minima et maxima, aussi un déséquilibre financier ne pourra, a priori, qu’être constaté en défaveur du bailleur. D’autant qu’il n’y a pas de système d’indemnisation à son profit. Notons par ailleurs que cet arrêt est protecteur du point de vue de la sécurité des contrats. Qu’en est-il en effet si le bailleur investit dans du matériel pour procéder à la transformation de sa quote-part de récolte ou s’est engagé avec un tiers pour sa livraison pour plusieurs années ? Jusqu’ici, rien ne pouvait lui permettre de contester la demande de conversion et sa seule solution était d’aller sur le terrain de la résiliation ou du refus de renouvellement du bail. Désormais, une nouvelle voie lui est ouverte, celle de l’opposition à la demande de conversion. L’affaire jugée le 10 octobre 2019 a été renvoyée devant la Cour d’appel de Lyon, qui à ce jour n’a pas encore rendu sa décision. Elle devra rechercher si la conversion demandée par l’EARL porte ou non une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens du bailleur. Sans oublier que l’objectif de la loi de 1984, qui a introduit la conversion « promotion » était de permettre au métayer d’acquérir les moyens nécessaires à l’exploitation des biens en fermage. La motivation des juges d’appel est attendue avec intérêt !
(2) Quatre conditions strictement encadrées.