Propositions de l'EFSA : le coût du bien-être animal estimé à 10 milliards d'euros pour la filière porcine
Une étude de l’Ifip chiffre à plus de dix milliards d’euros pour la filière porcine française le coût des principales mesures de bien-être animal préconisées par l’European food safety authority.


Dans une étude présentée aux dernières Journées de la recherche porcine, l’Ifip a évalué le besoin d’investissement pour les principales mesures de bien-être animal préconisées par l’European food safety authority (Efsa) entre quelques dizaines de millions et plus de six milliards d’euros chacune. Cinq ensembles de mesures sont concernés.
L’impact majeur des surfaces par animal
Les coûts d’investissement les plus élevés du bien-être animal, ramenés au porc produit, sont liés à la création à neuf de bâtiments ayant une surface par animal plus importante et au nombre de porcs produits par place créée ou rénovée. C’est le cas en particulier des bâtiments d’engraissement pour lesquels le coût d’investissement à neuf varie de 15,6 à 21,40 euros par porc pour une surface comprise entre 0,8 et 1,2 m², par rapport à 0,65 m2. Les coûts sont similaires entre un sol en caillebotis partiel et en caillebotis intégral jusqu’à 0,9 m² par porc. Au-delà, le coût plus faible observé sur caillebotis partiel est lié à une surface de préfosse moindre. En rénovation sur caillebotis intégral, l’investissement représente de 20 à 45 % du coût à neuf. Sur caillebotis partiel par contre, la place rénovée coûte 45 à 64 % du coût neuf car l’installation des gisoirs nécessite un réaménagement complet des salles. Pour les truies, l’effet surface est similaire, avec des coûts allant de 2,10 à 8,60 euros par porc entre une verraterie rénovée (passage de stalles à un système de réfectoire-courettes avec 3,5 m2 par truie) et une maternité liberté neuve avec des cases de 8 m² (par rapport à une case standard de 4,5 m2), soit respectivement 25 euros et 220 euros par truie présente.
Passer au sevrage à 28 jours : la moitié des truies concernées
L’Ifip a calculé l’écart de coût en termes de bâtiments entre une conduite en dix bandes avec un sevrage à 21 jours et une conduite en sept bandes avec un sevrage 28 jours. Le nombre de places disponibles en post-sevrage, verraterie et gestante est suffisant. Mais il faut construire des places de maternité et d’engraissement supplémentaires, chiffrées en places conventionnelles. Ces investissements représentent 16 euros par porc, et un investissement global de 525 millions d’euros pour la ferme France, réparti sur la moitié de la production (51 % des truies en France sont conduites en sevrage à 21 jours, selon les données de GTTT (1)).
Impact économique sous-évalué pour les matériaux de nidification.
En dehors de la mise en place de racleurs permettant l’ajout de paille en maternité, les coûts d’investissement pour l’expression du comportement de nidification sont limités. De fait, pour cette pratique, c’est le travail de mise en œuvre (apport des matériaux) et le coût des intrants qui seraient à considérer : pour l’apport de toile de jute par exemple, le coût d’investissement est quasi nul alors que la toile revient à 0,17 euro par porc produit.
De fortes disparités dans les méthodes de réduction de l’ammoniac.
La mise en œuvre du raclage en V n’est envisageable que dans des bâtiments neufs, alors que deux autres techniques (lisier flottant et évacuation fréquente des déjections) sont applicables dans des bâtiments existants, sans coût d’investissement spécifique. Cependant les trois techniques peuvent nécessiter des investissements complémentaires pour le stockage et l’utilisation des effluents : une fraction solide à composter et à épandre (raclage en V), ou une couverture de fosse voire un volume supérieur de fosse extérieure. Les investissements vont de 0,90 euro par porc pour le lisier flottant ou l’évacuation gravitaire fréquente à 10,70 euros par porc pour le raclage en V avec séparation des fractions liquides et solides.

D’autres aspects économiques à prendre en compte
Les coûts d’investissement sont sous évalués dans cette étude. La valeur résiduelle des bâtiments existants, les aléas de chantier, la démolition des vieux bâtiments… sont autant de coûts supplémentaires qu’il faudrait prendre en compte. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement et les conséquences sur les performances techniques comme l’indice de consommation, le TMP, les pertes. À titre d’exemple, la réduction du nombre de porcs produits par truie et par an en augmentant l’âge au sevrage entraîne une dégradation de la marge estimée à 3,40 euros par porc produit. La mise en œuvre et la faisabilité de certaines pratiques seraient également à étudier. Autant d’éléments à prendre en compte lors des discussions sur les possibles évolutions réglementaires.
Valérie Courboulay, valerie.courboulay@ifip.asso.fr
Un calcul basé sur des devis
Les coûts des bâtiments et équipements ont été établis sur la base de devis collectés entre 2018 et 2021 auprès de différents corps de métiers impliqués dans des projets de rénovation et de construction de bâtiments porcins. Ils ont été mis à jour en janvier 2023 sur la base des indices Insee du bâtiment (indice BT). Les coûts par place sont exprimés par porc produit en considérant le coût annuel (charge d’amortissement et frais financiers sur quinze ans), ainsi que les rotations moyennes des truies en maternité, gestante ou verraterie selon le cas. Le calcul à l’échelle de la ferme France a été réalisé en extrapolant ce coût par place à un élevage naisseur-engraisseur de 960 000 truies présentes conduites en sept bandes avec un sevrage à 28 jours et 13 porcelets sevrés par portée.
Valérie Courboulay, Ifip-Institut du porc
« Chiffrer les conséquences économiques du bien-être animal »
L’Efsa est une agence de l’Union européenne qui produit des avis scientifiques dans le domaine de la santé et du bien-être animal. Ses rapports s’intéressent aux pratiques qui peuvent affecter le bien-être des animaux. Ils identifient les dimensions du bien-être concernées et proposent des mesures préventives et/ou correctives. Cependant, les conséquences pour les filières européennes (économie, environnement, faisabilité, travail, …) ne font pas partie du travail demandé à l’Efsa. C’est pour cette raison que l’Ifip a cherché à évaluer l’impact des mesures proposées sur les besoins en investissements pour la filière française (élevage, transport, abattoir). Pour l’élevage, nous avons considéré une rénovation de l’existant (avec construction de places supplémentaires quand il y a augmentation des surfaces) ou une construction à neuf.
Repères
Les mesures de bien-être chiffrées pour le stade élevage
Côté web
Pour en savoir plus sur le rapport de l’Efsa
Implications de l’avis Efsa sur le bien-être des porcs pour les élevages en France