Ouvertures de capital : des expériences contrastées
Le groupe Avril fait un bilan très mitigé du fonds d’investissement Labelliance destiné à aider les jeunes à s’installer. Cependant, Triskalia tente une expérience similaire avec son fond Porc Avenir.
Le groupe Avril fait un bilan très mitigé du fonds d’investissement Labelliance destiné à aider les jeunes à s’installer. Cependant, Triskalia tente une expérience similaire avec son fond Porc Avenir.


« L’ouverture de capital d’exploitations agricoles à des investisseurs extérieurs est une fausse bonne idée », estimait Sébastien Windsor, le président du comité d’engagement de Sofiprotéol, une filiale du groupe Avril, à l’occasion de l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine le 13 juin. Cette opération a pour objectif de diminuer les annuités d’emprunt sur les premières années, et donc de préserver la capacité des jeunes à s’installer. Sofiprotéol a plusieurs fois tenté l’expérience aux côtés du fonds d’investissement Labelliance, où à travers sa filiale Sanders, avec un succès plus que mitigé. « Les éleveurs ne sont pas prêts à avoir un co-investisseur », estime-t-il. D’abord pour des raisons culturelles : « ils ne veulent pas partager leur pouvoir de décision, et sont réticents aux contraintes administratives imposées (compte rendu de trésorerie mensuelle obligatoire chez Labelliance par exemple) ». Sébastien Windsor constate également que les clauses du contrat sont souvent difficiles à respecter. Dans le cas des investissements de Sanders chez quinze éleveurs au travers de maternités collectives, il rapporte qu’il « a toujours fallu renégocier les conditions de sortie ». La raison en est simple : « Les éleveurs cherchent à rémunérer leur travail au travers de la rémunération du capital. Or, une maternité collective est un centre de coût. Elle n’est pas faite pour gagner de l’argent ».
Des taux d’intérêt incompatibles avec la rentabilité des élevages
Par ailleurs, Michel Mingam, le directeur du Cerfrance Finistère, souligne que l’éleveur doit rembourser l’intégralité des intérêts du capital investi en fin d’opération, en plus du capital lui-même. « Or, l’éleveur n’a jamais la trésorerie suffisante à la fin. » Des intérêts qui, par ailleurs, ne sont pas compatibles avec la rentabilité des exploitations porcines. "Les investisseurs cherchent en moyenne des rentabilités de 6 %, quand le secteur agricole en offrirait en moyenne 3 %. "
L’expérience Triskalia
Pourtant Triskalia a décidé de tenter une expérience similaire avec la création de la holding Porc Avenir. « Après avoir vu les limites de Labelliance, comme le fait de tout différer à la fin, nous nous sommes dit que c’était quand même une idée séduisante pour installer un hors cadre familial », rapporte Philippe Le Vannier responsable installation et restructuration. La coopérative a créé une société holding, la SAS Porc Avenir qui investit à hauteur de 5 % du capital aux côtés des jeunes investisseurs. Les éleveurs remboursent lorsque leur EBE atteint un montant fixé à l’avance. Jusqu’à maintenant, cinq jeunes adhérents Triskalia ont bénéficié de ce fond.
Le cédant peut aider le repreneur avec le crédit vendeur
Le crédit vendeur, qui se pratique depuis longtemps dans le cadre familial, se développe aujourd’hui sur les installations hors cadre. L’idée est que le cédant garde une part du capital de l’exploitation (10 % par exemple) pendant une période donnée. Il joue ainsi le rôle de banquier auprès du repreneur. Ce crédit est remboursé à une échéance et à un taux d’intérêt fixés à l’avance. « C’est une bonne solution, à condition qu’elle ne surenchérisse pas le prix de vente de l’exploitation au-delà de sa vraie valeur économique », met cependant en garde Philippe Le Vannier. Les Jeunes agriculteurs proposent de leur côté un outil fiscal proche de cette idée, la dotation pour transmission installation (DPTI) : le cédant place de l’argent pendant les cinq dernières années de sa carrière sur un compte défiscalisé. Une partie lui revient, l’autre est mise à disposition du repreneur qui peut la rembourser sans intérêt, au bout de dix ans. Depuis 2011, cette solution a déjà été présentée deux fois en loi de finances, en vain jusqu’ici.