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La propagation du virus est hors de contrôle
L’épizootie de la fièvre porcine africaine décime le cheptel chinois

Entre 30 et 50 % de la production de porc chinoise aurait disparu. L’efficacité des mesures de biosécurité réclamées par le gouvernement chinois semble limitée.

Du fait d’un manque total de transparence dans les informations transmises par les autorités chinoises, il est difficile de connaître exactement le nombre précis des élevages infectés ainsi que le nombre d’animaux morts ou abattus. Mais tous les fabricants d’aliment rencontrés dans différentes zones concernées s’accordent pour dire, au vu de leur baisse de tonnage d’aliment porc, qu’entre 30 et 50 % de la production porcine chinoise a disparu ! Sur 430 millions de porcs en place en 2016 (1re production mondiale), cela fait beaucoup ! Les informations recueillies sur place précisent qu’une large part de la production locale, les petits élevages de basse-cour, a été anéantie. Tandis que le cheptel truie de 39 millions de têtes aurait été réduit de 5 millions, ce qui est probablement loin de la réalité. Le gouvernement chinois presse les autorités locales de prévoir « aussi vite que possible » des plans de subventions pour redémarrer la production. Mais aujourd’hui impossible de savoir quelles seraient ces mesures : le flou est total sur leur montant et sur leur délai de mise en œuvre. Ce manque d’informations génère souvent pour les éleveurs des comportements de « sauve-qui-peut ». Dès l’apparition des premiers symptômes de la maladie chacun s’empresse de transporter ses animaux vers l’abattoir. Et comme chaque région est susceptible d’avoir sa propre cotation, les animaux malades peuvent parfois voyager loin pour bénéficier d’un meilleur tarif de vente.

Des vecteurs de la maladie nombreux et variés

La dernière enquête épidémiologique chinoise indique que la nourriture des porcs avec des eaux grasses (déchets organiques issus de la préparation ou des restes de repas), serait responsable de près de 34 % des cas de contamination. L’utilisation de ces déchets est donc formellement interdite, mais se trouve probablement à l’origine de l’élimination des petits élevages familiaux. Les transports (camions d’abattoirs, d’animaux, camions d’aliment…) seraient responsables de 19 % des contaminations. Les fabricants d’aliment sont encouragés à équiper leurs usines de postes de décontamination avec pulvérisation de solutions antiseptiques, pédiluves et fumigation des personnels entrant et sortant de l’usine. Le reste de la contamination (46 %) provient de véhicules et de personnels d’élevage non désinfectés.

Un virus extrêmement résistant

La très forte résistance du virus est probablement responsable de cette épizootie. Sa présence aurait été détectée dans des lisiers, sur des sols et même sur des maïs récoltés. La contamination par l’eau des fleuves ou des rivières pouvant charrier des animaux morts ou par les matières premières rentrant dans la composition des aliments a été prouvée. La pratique courante en Chine, de faire sécher les récoltes sur le bord des routes où circulent des camions d’abattoirs ou d’équarrissage contaminés favorise la dispersion du virus par les matières premières. Tous les acteurs de la production porcine sont donc confrontés à des situations compliquées. Les fabricants d’aliment n’ont aujourd’hui à leur disposition que d’augmenter les températures de fabrication lors de la granulation. Mais cette solution est évidemment très insuffisante pour détruire le virus.

Vers une grande mutation de la production chinoise

Pour beaucoup de chinois dont la culture reste largement empreinte de confucianisme, cette épizootie dramatique doit permettre à très court terme de restructurer la production nationale vers des élevages moins nombreux, mais de plus grande taille, appliquant les méthodes les plus modernes de production. Ils seront mieux situés à proximité des zones de consommation pour limiter les transports. Ils permettront surtout la mise en place de mesures de biosécurité renforcées afin de limiter dans le futur l’impact de ce type d’épizootie.

La FPA redistribue les cartes du commerce mondial

En raison de la propagation rapide du virus, la production porcine chinoise devrait fortement diminuer… Avec des conséquences mondiales. Les explications de Jan Peter Ferneij, économiste de l'Ifip.

Si les abattages de porcs sont restés élevés en Chine, l’augmentation actuelle des prix semble indiquer que l’offre est en baisse. Selon les statistiques chinoises, en février 2019, le nombre de truies a diminué de 19 % par rapport à février 2018 alors que les exportations vers la Chine bénéficient d’un commerce plus dynamique, à la fois en volume et en prix. Cependant, la situation est extrêmement floue, notamment en ce qui concerne la situation réelle de l’offre et les stocks. La réaction des consommateurs est une autre inconnue, pour ce qui est de la maladie et des augmentations de prix des produits carnés dans le commerce de détail. Des analyses très différentes circulent sur ces éléments. La différence entre l’offre et la demande sera probablement comblée dans un premier temps par les importations, et ce jusqu’à une certaine mesure, qui dépend fortement des disponibilités et des hausses de prix sur les marchés mondiaux. En effet, chaque pourcentage d’écart entre production et consommation chinoise équivaut à environ 550 000 tonnes annuelles de porc. Il est très possible que la hausse du prix à la consommation se traduise par une demande accrue des autres produits carnés, en Chine et dans le monde.

Le commerce international de la viande va changer

En 2018, la Chine importait deux millions de tonnes, tous produits à base de viande de porc confondus. Selon les données des douanes les plus récentes, les viandes (congelées) gagnent en importance : elles sont en hausse de 4,2 % entre janvier 2018 et janvier 2019 et de 14 % depuis 2016. L’UE dispose des meilleurs atouts pour approvisionner la Chine, à condition bien sûr que la situation en Belgique reste sous contrôle et que la maladie ne se propage pas en Europe occidentale. L’UE fournit les deux tiers des volumes importés. Le commerce entre les États-Unis et la Chine reste sous tension, suite à la guerre commerciale. Le prix du porc en Amérique connaît la même remontée récente qu'en France. Les prévisions de production y sont en hausse pour 2019. La bonne conjoncture peut même accélérer cette croissance. Le Brésil s’est fortement développé en Chine l’année dernière, mais ses disponibilités de viande de porc sont relativement restreintes. La Russie pourrait potentiellement faire partie des fournisseurs de la Chine, si cette dernière accepte d’importer en provenance de pays touchés par la FPA. Le commerce mondial risque d’évoluer. En fonction de l’accès au marché et des prix pratiqués, les entreprises vont privilégier certaines destinations. Selon le principe de vases communicants, les marchés délaissés peuvent être repris par d’autres exportateurs. Les pays importateurs où le pouvoir d’achat est faible en subiront également les conséquences, car les produits deviendront trop chers à acheter.

La fièvre porcine africaine fait tache d’huile en Europe et en Asie

Présent en Russie depuis 2007, le virus de la FPA s’est depuis propagé dans l’ouest du pays et en Ukraine. La Pologne a été diagnostiquée positive en février 2014, suivie par les États Baltes, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie. La maladie sévit dans les Ardennes belges depuis septembre 2018. La Chine a déclaré à ce jour quelque 114 foyers à l’OIE. La Mongolie est officiellement touchée depuis le deuxième semestre 2018. Le Vietnam est aux prises avec le virus depuis janvier 2019 suivi du Cambodge en mars.

J.P.V.F.

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