« La prévalence des arthrites a fortement baissé en post-sevrage grâce à la sociabilisation précoce des porcelets»
À l’EARL Les Grands vergers, la sociabilisation des porcelets a permis de franchir une nouvelle étape dans la productivité de l’élevage. Les performances en post-sevrage ont fortement progressé.
À l’EARL Les Grands vergers, la sociabilisation des porcelets a permis de franchir une nouvelle étape dans la productivité de l’élevage. Les performances en post-sevrage ont fortement progressé.
Sélectionneurs Large-White pour Axiom à Portbail dans la Manche, Jean-Michel Roulland et Sébastien Delabarre sociabilisent leurs porcelets en maternité avec succès depuis février 2019. À l’origine, cette méthode avait été mise en place sur les conseils de leur vétérinaire sanitaire, Dominique Marchand, pour tenter de limiter le nombre d’arthrites en post-sevrage. Cette pathologie était directement liée aux bagarres qui survenaient après le sevrage et provoquaient des blessures. « Nous arrivions à traiter cette pathologie, mais au prix d’une injection d’antibiotique. » Ces conflits qui se prolongeaient pendant les deux jours qui suivaient le sevrage entraînaient aussi des retards de croissance. Depuis que les porcelets sont mélangés en maternité, le nombre d’arthrites a fortement chuté et les traitements antibiotiques en post-sevrage sont devenus quasiment inexistants. La croissance s’est nettement améliorée. Les porcelets atteignent désormais un poids de 30 kilos à 77 jours de vie. « Comme ils ne passent plus leur temps à se bagarrer, ils s’intéressent désormais à l’aliment dès le jour du sevrage, » constate Jean-Michel Roulland.
Cinq groupes de 24 portées
Les éleveurs disposent d’une unique salle de maternité de 120 places pour une conduite en cinq bandes. Elle est constituée de dix rangées de douze places. Les cases sont accessibles par un couloir arrière commun à deux rangées dont le sol est en caillebotis béton. « C’est une chance d’avoir un sol ajouré. L’hygiène aurait certainement été plus difficile à maîtriser s’il avait été plein », fait remarquer Sébastien Delabarre. Cette configuration leur permet de constituer cinq groupes de 24 portées, soit environ 360 porcelets par groupe, puisque les truies ont sevré en moyenne quinze porcelets par portée sur les cinq dernières bandes. Les cloisons arrière des cases sont relevées entre 7 et 8 jours d’âge, une fois tous les soins terminés. Avec un système de deux crochets à chacune de l’extrémité des cloisons, les éleveurs peuvent les surélever pour que les porcelets puissent passer dessous sans avoir à les stocker à l’extérieur de la salle. « Cet aspect est très important pour éviter trop de manutention », souligne Jean-Michel Roulland. Les porcelets font alors connaissance, sans aucune agressivité. Par ailleurs, les éleveurs et leur vétérinaire n’ont pas constaté de dégradation du sanitaire digestif. Les porcelets reçoivent un anticoccidien associé au fer en injectable. « Il n’y a pas eu de recrudescence de diarrhées « mayonnaise » avec la sociabilisation », constate Sébastien Delabarre. Quelques cas de diarrhée colibacillaire apparaissent avant la mise en lot, mais pas après.
La plupart des porcelets restent sous leur mère
Sur la première bande, les éleveurs avaient marqué des portées de porcelets de couleur différente, afin de visualiser leur comportement. « Quelques-uns migrent vers d’autres truies pour la tétée, mais la plupart reste sous leur mère, du moins au début. » À l’occasion de la perte d’une truie en cours de lactation, ils ont pu constater que ses porcelets se répartissaient sous des mères adoptives sans trop de difficulté, malgré la productivité élevée du troupeau et l’absence de sevrage précoce. « Le nombre de tétines est un élément essentiel au succès de cette conduite. » Jean-Michel Roulland tient à préciser que lors du tri des futures reproductrices, seules les cochettes ayant 16 tétines minimum sont sélectionnées. Par ailleurs, tous les porcelets sont sociabilisés, y compris les plus petits, que les éleveurs tentent de limiter par la gestion alimentaire des truies en gestation et aussi par une sélection génétique orientée vers l’amélioration de la qualité des porcelets à la naissance. « Nous avons entamé avec Axiom une démarche de sélection qui consiste à réformer rapidement les truies produisant des porcelets trop légers à la naissance. Ces porcelets n’ont pas de valeur économique, cela ne servirait à rien de tenter de les sauver par un traitement particulier. » Les éleveurs mettent aussi en avant l’importance d’une alimentation et de conditions d’ambiance adaptées à cette productivité élevée. « La croissance des porcelets se fait essentiellement grâce au lait maternel. Il faut donc que les truies reçoivent une alimentation de qualité, avec une distribution de précision qui permet d’adapter les apports en fonction de leurs besoins. » Grâce à cette stratégie, 100 % des porcelets sont sevrés sous leur mère à 21 jours. La production laitière des reproductrices est suffisante pour satisfaire leur appétit. Des nourrisseurs sont ajoutés dans les couloirs quand les porcelets sont libérés. Mais ils consomment relativement peu : pas plus de 400 kilos d’un aliment 1er âge fabriqué à la ferme pour 1 800 porcelets par sevrage, soit à peine plus de 200 grammes par porcelet. Ce qui ne les empêche pas d’ingérer rapidement cet aliment dès qu’ils sont sevrés et de bien démarrer en croissance.
Une personne en moins au sevrage
Les éleveurs mettent aussi l’accent sur le gain de temps permis par la sociabilisation des porcelets. « Les interventions sanitaires en post-sevrage qui demandaient beaucoup de temps de surveillance, de manutention et d’injection aux porcelets sont désormais très limitées. » Mais le gain de temps le plus important se situe au sevrage. Pour les 120 portées, il se fait désormais avec une personne de moins. « Pas besoin d’aller chercher les porcelets dans les cases, ils sortent seuls dans le couloir, puis en dehors de la salle. » Malgré tous ces points positifs, Jean-Michel Roulland et Sébastien Delabarre ne considèrent pas la sociabilisation comme une baguette magique qui répond à tous les problèmes, mais plutôt comme une évolution positive de leur conduite d’élevage, dans un objectif d’amélioration des résultats techniques et du bien-être des animaux et des éleveurs.