Comprendre le comportement du porc qui mord pour agir
Les cochons qui mordent le font pour agresser leurs congénères… ou pas. Certaines morsures ont une origine non agressive, prolongement de comportements de succions ou d’exploration non assouvis. Comprendre l’origine des morsures permet d’agir en conséquence.
La plaie étant le résultat d’un comportement de morsure, il semble important d’essayer de comprendre les motivations des porcs à se mordre à la queue, mais aussi au niveau des flancs, des pattes ou aux oreilles.
Des chercheurs ont identifié plusieurs origines aux morsures, et plus particulièrement à celles au niveau de la queue. Les morsures d’agression sont d’abord liées à la mise en place de la hiérarchie et à son maintien dans un groupe de porcs. Ceci est particulièrement vrai lorsque certaines ressources sont limitées, accès réduit à l’aliment ou à l’abreuvement par exemple. Les combats et les morsures sont favorisés lorsque les porcs sont mélangés, et qu’une nouvelle hiérarchie doit se construire dans le groupe. Les plaies sont situées souvent sur la partie avant du porc, mais aussi vers la queue ou la vulve pour les truies.
Lorsqu’il s’agit d’une morsure d’agression, le porc victime réagit et engage souvent un combat réciproque. Typiquement, ce sont les morsures qui peuvent être observées en engraissement, résultat par exemple de la mise en place de la hiérarchie ou d’une restriction alimentaire. D’où la nécessité d’être très vigilant pour éviter toute perturbation de l’ambiance, des conditions d’alimentation et de conduite qui peuvent déranger les animaux. Les morsures non agressives sont moins visibles au départ. Elles résultent de l’incapacité pour le porc d’exprimer son comportement de mâchonnement, de fouissage. Le porc peut rediriger son comportement vers les matériaux disponibles dans la case… ou vers la queue de son congénère. La phase de morsure en tant que telle est souvent précédée d’une période prélésionnelle, pendant laquelle un porc prend dans sa gueule la queue d’un autre animal sans réaction de sa part. La réaction de la victime, au moins au début, est faible et peut se limiter à un simple évitement. On observe aussi des porcs à queue basse, probablement victimes de morsures prélésionnelles. Ce type de morsures est fréquent chez les jeunes animaux en début de post-sevrage.
Stress social et perturbations environnementales
De nombreux paramètres d’élevages peuvent influencer le comportement du porc à mordre ou pas la queue de ses congénères. Tout ce qui peut engendrer un stress social au sein du groupe (mélanges des porcs), ou des perturbations environnementales ou métaboliques (courant d’air, accès réduit à l’alimentation ou modifications de la composition de l’aliment…) peut entraîner des morsures. L’absence d’accès à des matériaux manipulables peut quant à elle favoriser le développement des morsures non agressives. L’âge et le poids des porcs, les conditions de logement et de conduite en maternité impactent également la prédisposition des animaux à mordre. Comprendre pourquoi les porcs mordent permet de jouer sur les différentes origines des morsures avant de s’engager vers un arrêt de la caudectomie. On comprend plus facilement pourquoi avec des queues non coupées les morsures que nous observons dans nos essais de porcs logés sur caillebotis à la station de Crécom ont lieu d’abord en post-sevrage. Il s’agit probablement au départ de morsures non agressives de la part de jeunes animaux qui ont évolué vers de la morsure nette. Lorsque les queues sont coupées, ce comportement est réduit compte tenu de l’absence de queue. Réalisé rapidement, l’apport de nouveaux matériaux de manipulation est un moyen pour tenter de réorienter le comportement de l’animal. Ce que nous avons mis en évidence lors de nos précédents essais.
Motivations comportementales
L’origine des morsures est à comprendre du côté de l’environnement du porc, mais aussi des motivations comportementales. Le seuil de déclenchement des morsures est aussi variable entre les animaux. Certains commenceront à mordre suite à une faible perturbation, d’autres attendront une perturbation forte. Un porc mordeur dans une case peut être à l’origine de nombreuses morsures. Dans nos essais en cours en post-sevrage, 17 % des cases concentrent 75 % des porcs victimes de morsures sévères et les deux tiers des cases ne présentent aucun porc victime sévère. Identifier les facteurs de risques des morsures permet de se mettre dans les meilleures dispositions en termes d’aménagement du bâtiment et de conduite des porcs pour permettre l’élevage des porcs à queue non coupée. Reste cependant la troisième origine des morsures à la queue, celles liées au mordeur obsessionnel. Les motivations du porc sont alors difficiles à expliquer pour quelques mordeurs qui se focalisent rapidement et brusquement sur la queue des autres animaux. Dans ce cas, il n’y a plus grand-chose à faire, sauf à écarter le porc mordeur.
Yannick Ramonet, yannick.ramonet@bretagne.chambagri.fr
Plus de morsures en post-sevrage qu’en engraissement
Les résultats obtenus à la station des Chambres d’agriculture de Bretagne à Crécom, dans les Côtes-d’Armor, montrent systématiquement que les épisodes de morsures sont plus importants en post-sevrage qu’en engraissement. Sur près de 600 porcs ayant gardé leur queue depuis le début de l’année 2023, 12 % présentent des plaies avec du sang en fin de post-sevrage contre 3 % en fin d’engraissement. Des griffures ou des plaies plus légères et, sans gravité sont également observées sur 6 à 8 % des animaux. Ce constat est vérifié pour toutes les bandes. Les queues blessées en post-sevrage guérissent pour la plupart d’entre elles, après une intervention des techniciens de la station. Les cas les plus graves peuvent conduire à l’isolement de l’animal victime en infirmerie ou du mordeur s’il est identifié. Faire attention aux morsures de queue en post-servage est contre intuitif pour de nombreux éleveurs qui connaissent du cannibalisme dans leur élevage avec des porcs à queue coupée. Dans ce cas, les morsures sont généralement plus fréquentes en engraissement. Les causes identifiées et les moyens d’action à mettre en place en cas de morsure ne sont pas les mêmes et faire le parallèle entre les morsures avec des queues coupées et queues non coupées est donc risqué.