Aller au contenu principal

Bâtiment porcin : mieux comprendre le comportement des éleveurs face au changement

L’Ifip a défini six profils d’éleveurs selon leurs motivations ou leurs réticences au changement. Ils se différencient sur les types de bâtiments qu’ils choisissent et leur rapport au bien-être, animal ou humain.

<em class="placeholder">La construction d’un bâtiment peut souvent être l’occasion de changer ou de tester un nouveau système d’élevage ou une nouvelle pratique.</em>
La construction d’un bâtiment peut souvent être l’occasion de changer ou de tester un nouveau système d’élevage ou une nouvelle pratique.
© Ifip

Face à un changement de pratique ou de bâtiment, tous les éleveurs ne raisonnent pas de la même manière. Avec une meilleure connaissance de leurs attentes ou de leurs appréhensions, il peut être plus facile de les accompagner dans leur projet ou dans leur évolution de carrière. Pour ce faire, l’Ifip a conduit une étude auprès de vingt-deux éleveurs de porcs répartis sur toute la France.

Lire aussi : Bâtiment d'engraissement en porc : quels choix techniques pour quelle conception ?

L’objectif était de recueillir leur perception du changement et leur vision des bâtiments d’élevage et des enjeux qui gravitent autour. À la suite de ces entretiens, six profils types d’éleveur ont pu être déterminés.

 

 
<em class="placeholder">Le bien-être et la manière de penser le bâtiment déterminent les profils-type.</em>
Le bien-être et la manière de penser le bâtiment déterminent les profils-type. © Ifip

Deux critères permettent de différencier ces profils : leur positionnement relatif au bien-être des animaux ou des hommes et leur manière de penser l’évolution de leur bâtiment (plus ou moins conservateur ou précurseur). Ces profils types sont volontairement très différents les uns des autres et un éleveur peut se reconnaître dans un ou plusieurs d’entre eux. Et vous, dans quels profils vous situez-vous ?

Jeanne Cottet et Yvonnick Rousselière, yvonnick.rousseliere@ifip.asso.fr

Côté web

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Casdar BâtiPorc C4E piloté par l’Ifip. L’objectif est d’imaginer une nouvelle génération de bâtiment d’engraissement et d’accompagner les acteurs de la filière intéressés par ce type de démarche. Sur le volet plus technique, retrouvez des fiches techniques abordant ces sujets en flashant le code.

 

 

1 Les réglementaires conformistes : « Je ne vais pas au-delà des exigences réglementaires »

 

 
<em class="placeholder">Les éleveurs sur caillebotis de ce profil disposent de case assez classique : entre 12 et 15 animaux et 0,65 m²/porc</em>
Les éleveurs sur caillebotis de ce profil disposent de case assez classique : entre 12 et 15 animaux et 0,65 m²/porc © Ifip

Ces éleveurs se réfèrent à la réglementation lors des changements et s’y conforment. On y retrouve les trois principaux modes de production : conventionnel sur caillebotis intégral, litière accumulée ou biologique. Concernant leur état d’esprit, ils estiment qu’il faut aller au plus simple et ne pas chercher à se compliquer la tâche. Ils insistent sur le fait qu’il existe déjà énormément de lois encadrant le monde de l’élevage sur l’environnement ou le bien-être animal. Pour les éleveurs sur caillebotis intégral, le mode de production standard est déjà vertueux et compétitif. Ils ne voient pas pourquoi il faudrait prendre le risque de tout changer. De plus, ils soulèvent le problème du financement des investissements supplémentaires : qui paye la différence ? L’éleveur, l’abatteur ou le consommateur ? Ils ne trouvent pas normal que ces montants soient attribués uniquement au maillon de l’élevage. D’un point de vue communication, il s’agit généralement d’éleveurs discrets qui ne souhaitent pas beaucoup communiquer sur leurs pratiques dans les médias ou auprès du grand public. Ils ne sont pas à l’aise dans cet exercice et sont parfois usés de devoir systématiquement justifier leurs pratiques. Côté bâtiment, les élevages sur caillebotis concernés sont généralement en maternité bloquée et ont une densité animale en engraissement très proche de 0,65 m²/porc. Pour les éleveurs sur paille, il s’agit de bâtiments d’engraissement ou de truies gestantes sur litière accumulée avec un mode de gestion très basique (filet brise-vent manuel et ventilation statique). Les élevages biologiques ont des bâtiments anciens ne disposant généralement pas de courette à tous les stades physiologiques. Ils sont en réflexion concernant la mise aux normes demandées d’ici 2028.

2 Les ergonomes efficaces : « Mes investissements sont axés sur l’humain »

 

 
<em class="placeholder">La qualité de vie au travail est primordiale et cela passe souvent par des couloirs larges, propres et très bien éclairés.</em>
La qualité de vie au travail est primordiale et cela passe souvent par des couloirs larges, propres et très bien éclairés. © Ifip

Leurs motivations aux changements sont davantage liées à leur volonté d’améliorer leurs conditions de travail et de diminuer leur charge mentale qu’aux attentes sociétales. Leurs choix sont également motivés par la difficulté de recruter des salariés. Ils ont donc organisé leur élevage pour réduire la pénibilité des tâches, se libérer du temps et faciliter sa transmission éventuelle. Ces éleveurs sont en effet parfois proches de la retraite et n’ont pas trouvé de repreneur. Cela explique, en partie, pourquoi ils restent raisonnables dans leurs investissements et qu’ils ne révolutionnent pas leur élevage ou leurs bâtiments. Ce ne sont pas des éleveurs qui communiquent énormément avec le grand public et les consommateurs. Ils s’appuient plus sur leur réseau professionnel, notamment en réalisant des visites ou en discutant avec leur encadrement technique. Ces éleveurs sont conscients des demandes de la société mais ne sont pas en phase avec celles-ci. Ils estiment que l’humain est trop souvent oublié au détriment du bien-être animal. Pour se justifier, ils argumentent sur leur bien-être qui se répercute souvent sur le confort des animaux. Leurs animaux sont principalement logés sur caillebotis intégral pour des questions zootechniques. Néanmoins, ils modifient volontiers leurs bâtiments pour apporter davantage de lumière naturelle aussi bien dans les salles que dans les couloirs. Dans l’optique de décloisonner les salles et de limiter la sensation d’enfermement, ils installent aussi des hublots sur les portes et des fenêtres entre les salles. Par ailleurs, ils privilégient le grand volume lorsque cela est possible. Ils mettent également un point d’honneur à avoir des locaux agréables : sas d’entrée, salle de pause, couloir d’intervention large…

3 Les soigneurs prudents : « Le confort de mes animaux est ma priorité »

 

 
<em class="placeholder">La paille est généralement présente dans ces bâtiments dans l’optique de permettre une meilleure expression de comportement naturel des animaux</em>

Ces éleveurs sont passionnés par le contact avec les animaux et la gestion de leur troupeau. Pour eux, le « bon éleveur » est celui qui connaît ses animaux et passe du temps à les observer. En regardant les évolutions sur les dix dernières années, ils ont remarqué que le bien-être animal prenait de plus en plus de place. Ils continuent donc à faire évoluer leur élevage dans le but d’arrêter les mutilations, d’augmenter l’apport de lumière naturelle et d’améliorer le confort des animaux. Ces modifications sont progressives, car ils sont obligés de composer avec les bâtiments existants. En revanche, dès qu’ils ont l’opportunité d’intégrer quelques éléments, comme lors d’un projet de construction, ils essaient de les ajouter dans leur plan si leur trésorerie le permet. Ces éleveurs ne sont pas des grands communicants. Ils sont même très critiques par rapport aux attentes sociétales : ils ne comprennent pas qu’on leur reproche de maltraiter leurs animaux alors que, pour eux, le métier d’éleveur est indissociable du soin apporté à leur troupeau. Côté bâtiment, ils ont conscience des plus-values des logements sur paille (distribution en petite quantité sur un sol plein ou litière accumulée) en termes de confort des animaux. Ils disposent généralement de bâtiment de ce type, assez ancien, pour les truies gestantes ou les porcs charcutiers dans lesquels les conditions de travail peuvent être difficiles. Le confort des animaux prend alors le pas sur les conditions de travail. Pour eux, la paille procure d’autres avantages (fertilisation des sols, relation différente avec les animaux…). Mais ces éleveurs ne sont pas forcément impliqués dans des cahiers des charges spécifiques.

4 Les testeurs diversifiés : « Je recherche un système optimisé en tous points »

 

 
<em class="placeholder">Pour ces éleveurs, il y a des bonnes idées à prendre dans tous les systèmes (paille ou caillebotis par exemple) donc il faut réussir à les combiner.</em>
Pour ces éleveurs, il y a des bonnes idées à prendre dans tous les systèmes (paille ou caillebotis par exemple) donc il faut réussir à les combiner. © Ifip

Ces éleveurs recherchent des innovations améliorant les différents enjeux entourant l’élevage porcin, sans pour autant dégrader leur condition de travail. Ils reconnaissent que l’élevage de porcs sur caillebotis intégral avec des petites cases possède certains avantages. Malgré tout, ils ont conscience que ce type de bâtiment correspond moins aux attentes sociétales. Ils ont voulu, lors de leurs projets de construction, expérimenter de nouvelles choses sur un « bâtiment test » ou un « élevage test ». Ils n’hésitent pas à revenir en arrière si ces changements ne leur semblent pas optimaux. Leur réflexion a été influencée par le contexte dans lequel ils évoluent (contraintes de voisinage et/ou environnementales, réaménagement d’un ancien bâtiment…). Ce sont des éleveurs qui ont une volonté forte d’avoir une autonomie décisionnelle pour rester maître de leurs choix. Globalement, ils sont satisfaits de leur bâtiment mais ne souhaitent pas généraliser un concept sur l’ensemble de leur exploitation : pour eux, il s’agit d’une preuve qui leur permet de montrer que cela est possible mais sous certaines conditions. Ainsi, les innovations mises en place peuvent porter sur l’environnement (avec des laveurs d’air ou des trackers solaires par exemple), sur le bien-être animal (avec des grands groupes et différents types de sol) ou encore sur l’amélioration des conditions de travail (distribution de la paille, alimentation, tri des porcs). Il n’existe donc pas de bâtiment type ou de système d’élevage précis pour ce profil. Ces éleveurs aiment communiquer sur leur métier, mais principalement à destination de leurs collègues éleveurs pour montrer que d’autres manières de travailler et de produire sont possibles.

5 Les stratèges leaders : « Il faut réfléchir au business model des nouveaux modes d’élevage »

 

 
<em class="placeholder">Pour répondre aux attentes des consommateurs, il faut des bâtiments très ouverts, spacieux et offrant des zones de vie très différentes. </em>
Pour répondre aux attentes des consommateurs, il faut des bâtiments très ouverts, spacieux et offrant des zones de vie très différentes. © Ifip

Ils effectuent leur changement à partir d’une stratégie à laquelle ils ont réfléchi en amont. Ces éleveurs sont les premiers à penser à ces innovations et sont amenés à argumenter avec leurs accompagnants techniques pour les faire avancer avec eux. Ils se considèrent comme des investisseurs ou des bâtisseurs. Ils sont capables de comprendre et d’analyser les attentes du moment, et de proposer un modèle d’élevage qui y répond. De plus, ils mettent tout en œuvre pour créer leur propre débouché. Pour ce faire, ils analysent les tendances du marché (habitudes de consommation, marketing, prix…) pour y répondre au mieux. Leur prise de risque peut paraître importante, alors qu’en réalité tout a été raisonné. Ils aiment communiquer sur leur métier à travers des visites sur leur exploitation. De plus, une fois que leur projet voit le jour, ils sont capables d’argumenter auprès des financeurs, des acteurs de la filière ou du grand public sur les principaux avantages de leur système en termes de bien-être animal. Côté bâtiment, contrairement au testeur diversifié qui expérimente une solution sur une petite partie de son exploitation, le stratège leader applique son concept sur l’ensemble de son exploitation. Il s’agit d’un raisonnement global et souvent sans retour en arrière possible. Les bâtiments sont généralement ouverts, spacieux (maternité liberté avec des cases de 7 à 10 m², surface par porc en engraissement comprise entre 1,0 et 1,5 m²) et disposent de différents types de sol visant à mieux identifier les zones de vie (caillebotis, gisoir, paille). Chaque bâtiment est également réfléchi pour être visitable depuis l’extérieur sans nuire à l’organisation ou la biosécurité de l’élevage.

6 Les conteurs communicants : « Il faut réfléchir la production de porcs autrement »

 

 
<em class="placeholder">Quelques éleveurs de ce profil estiment que le bâtiment doit pourvoir s’ouvrir sur des parcours extérieurs</em>
Quelques éleveurs de ce profil estiment que le bâtiment doit pourvoir s’ouvrir sur des parcours extérieurs © Ifip

Ce sont des éleveurs citoyens avant tout, et leurs convictions personnelles priment dans leur choix. Ils se sentent responsables de leur territoire et de son dynamisme. Ils perçoivent ce métier comme un mode de vie avant tout, avec une fonction sociale et environnementale. Ils se sont installés parce qu’ils sont passionnés par les animaux et la nature. Pour eux, le bâtiment ne doit brider en rien l’expression du comportement naturel du porc. L’animal doit pouvoir vivre et grandir dans les meilleures conditions possibles. Ces éleveurs ont donc conçu des bâtiments plus ouverts, voire avec un accès sur un parcours extérieur, avec plus de surface par animal (souvent très proches des critères demandés en élevage biologique) et avec une quantité importante de matériaux manipulables pour une bonne expression du comportement de fouissage. La plupart du temps, chaque concept ou chaque bâtiment est très différent d’une exploitation à une autre, car il est le fruit de réflexions très personnelles. Ils aiment communiquer sur leur élevage ou leur métier au travers de visites sur leur exploitation. Certains acteurs de la filière considèrent leur concept comme inadapté et inefficace, tandis que pour les consommateurs, ils apportent généralement une idée assez réconfortante de l’élevage de porc, même si cela concerne des volumes très restreints. En effet, ces éleveurs disent comprendre les inquiétudes de la société concernant l’élevage, et les trouvent légitimes. Ils souscrivent à beaucoup d’attentes sociétales, qui correspondent à leurs propres convictions. Concernant les débouchés, ils ont très vite compris que la viande de ce type d’élevage se destine à un marché très précis (restaurants, marchés, labels fermiers, vente à la ferme…) et peut difficilement se généraliser à l’ensemble de la production porcine.

Les plus lus

<em class="placeholder">L’animation d’ateliers participatifs avec des éleveurs a permis d’imaginer et de se projeter dans une nouvelle génération de bâtiment.	IFIP</em>
Bâtiment d'engraissement en porc : quatre nouveaux concepts imaginés par les éleveurs 

Quatre concepts de bâtiments d’engraissement visant des performances axées sur l’environnement, le travail et le bien-être…

 Etienne Legrand
« J’investis pour redonner du souffle à mon élevage de porcs »

Étienne Legrand a investi dans un second site pour restructurer et moderniser son élevage de porcs. Par cette nouvelle…

<em class="placeholder">La construction d’un bâtiment peut souvent être l’occasion de changer ou de tester un nouveau système d’élevage ou une nouvelle pratique.</em>
Bâtiment porcin : mieux comprendre le comportement des éleveurs face au changement

L’Ifip a défini six profils d’éleveurs selon leurs motivations ou leurs réticences au changement. Ils se différencient sur les…

<em class="placeholder">Attention aux cases maternité liberté trop petites pour les truies</em>
Attention aux cases maternité liberté trop petites pour les truies

Le gabarit des truies ne doit pas être négligé dans la conception des cases maternité liberté.

<em class="placeholder">« Une réglementation sur la biosécurité non adaptée aux élevages de porc plein air »</em>
« Une réglementation sur la biosécurité non adaptée aux élevages de porc plein air »

La Confédération paysanne voit d’un mauvais œil le déploiement d’audits PigConnect sur la biosécurité dans les élevages de…

Incendie criminel chez Evel’Up : la profession porcine vent debout

Le siège de la coopérative Evel’Up, situé à Plouédern, près de Landerneau (Finistère), a été la cible d’activistes. Des actes…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Version numérique de la revue Réussir Porc
2 ans d'archives numériques
Accès à l’intégralité du site
Newsletter Filière Porcine
Newsletter COT’Hebdo Porc (tendances et cotations de la semaine)