Quels pays dépensent le plus pour leur agriculture dans le monde ?
La fondation FARM a mis en place un observatoire pour analyser les mesures de soutien à l’agriculture et à l’alimentation mises en œuvre aujourd’hui par les Etats. Un premier constat se dégage : plus les pays dépendent de l’agriculture, moins ils la soutiennent.
La fondation FARM a mis en place un observatoire pour analyser les mesures de soutien à l’agriculture et à l’alimentation mises en œuvre aujourd’hui par les Etats. Un premier constat se dégage : plus les pays dépendent de l’agriculture, moins ils la soutiennent.
Afin d’offrir une vision globale des mesures utilisées pour développer l’agriculture, l’Observatoire de FARM agrège différentes sources de données (OCDE, BID, MAFAP-FAO) pour 44 pays à revenu élevé, 36 pays à revenu intermédiaire et 8 pays à faible revenu sur une longue période de temps. Ces pays représentent environ 90 % de la production agricole mondiale. Trois indicateurs clés sont comparés. Les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation, le soutien des prix du marché, c’est-à-dire les mesures qui contribuent à créer un écart entre le prix intérieur et celui des marchés internationaux, et enfin le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation.
ɪɴғʀᴏɢʀᴀᴘʜɪᴇ - ᴏʙsᴇʀᴠᴀᴛᴏɪʀᴇ ᴅᴇ ғᴀʀᴍ : ᴛʀᴏɪs ɪᴅᴇ́ᴇs ғᴏʀᴛᴇs ᴀ̀ ʀᴇᴛᴇɴɪʀ
— Fondation FARM (@FondationFARM) December 8, 2022
Découvrez l'Observatoire de FARM. Il permet de suivre/analyser/comparer le soutien octroyé par les gouvernements à l’#agriculture et à l’#alimentation. https://t.co/se10r2ZlOY pic.twitter.com/ih9D4SRg2s
L'Europe et l'Amérique du Nord en tête
Abdoul Fattath Tapsoba et Matthieu Brun, les auteurs qui ont rédigé le premier compte rendu de l’observatoire expliquent qu’il existe au niveau mondial de très grands écarts en matière de soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation. Globalement, plus un pays a des revenus élevés, plus il dépense pour soutenir ses agriculteurs et ses agricultrices (en proportion de la valeur de la production agricole) alors que l’agriculture ne fournit plus chez lui qu’une partie mineure de l’emploi et de la croissance économique.
Ainsi, dans les pays à revenu élevé, l’intensité de ces dépenses est plus de deux fois supérieure à celle des pays à revenu intermédiaire (9 %) et à faible revenu (10 %). L’Europe et l’Amérique du Nord, qui sont les deux premières régions exportatrices de produits agricoles bruts et transformés, sont aussi celles qui dépensent le plus pour leur agriculture et leur alimentation. Cela représente entre 22 et 25 % de la valeur de la production agricole, un chiffre particulièrement élevé en comparaison avec les autres pays et régions, à l’exception de l’Inde (24 %).
L’Afrique subsaharienne ne soutient quasiment pas ses producteurs
L’observatoire a mis en exergue de fortes variations au sein de chaque catégorie de pays et explique que ces écarts tiennent principalement aux différences dans le montant des transferts budgétaires aux producteurs. Ces derniers représentent la majeure partie des dépenses de soutien dans les pays à revenu élevé et intermédiaire. Au contraire, dans les pays à faible revenu, alors que les producteurs occupent le plus souvent une place capitale dans l’économie et l’emploi, ils sont bien moins soutenus. Les transferts budgétaires aux producteurs sont 14 fois plus importants dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu. L’Afrique subsaharienne arrive très loin derrière avec un soutien aux producteurs inférieur en moyenne à 1 % de la valeur de la production agricole. En Éthiopie, par exemple, les transferts budgétaires aux producteurs sont presque 100 fois plus faibles qu’au sein de l’UE (en pourcentage de la valeur de la production agricole).
Un agriculteur américain reçoit près de 3000 fois plus d’aides publiques qu’un Ghanéen #Économie 💶 https://t.co/hm5ke98NwM
— Le Figaro Économie (@Figaro_Economie) December 12, 2022
De fortes subventions pour l’achat d’intrants
Les auteurs font remarquer qu’à la différence des pays à revenu élevé dans lesquels une grande partie des soutiens prend la forme de transferts budgétaires aux producteurs, en Afrique, ces dépenses demeurent très faibles. Elles sont d’ailleurs affectées à plus de 90 % aux subventions à l’achat d’intrants, au détriment d’autres actions qui pourraient bénéficier tout autant, sinon plus, aux producteurs comme les subventions à la production, des soutiens aux revenus, etc. Ils écrivent : « Au regard des niveaux de productivité agricole de la région, ce constat soulève de nombreuses questions quant à l’efficacité de ces subventions aux intrants (principalement des engrais) et quant à la justification de leurs poids dans les aides à la production. »
Le poids de l’aide extérieure
Les auteurs insistent sur le fait que les budgets agricoles dépendent beaucoup de l’aide extérieure. Ainsi au Rwanda, plus de la moitié des budgets agricoles provient du soutien des bailleurs de fonds. Ce taux dépasse les 30 % dans plusieurs pays comme le Burkina Faso, le Malawi, le Mali ou encore le Sénégal, selon les données du MAFAP. Ils soulignent aussi l’existence de différences dans le niveau d’exécution des budgets d’un pays à l’autre. Des écarts sont observés entre les budgets prévisionnels et effectivement décaissés en Ouganda, en Zambie ou encore au Ghana.
L’observatoire met en avant un chiffre à retenir : les dépenses de soutien à l’agriculture et à l’alimentation, en Afrique subsaharienne sont deux fois moins importantes qu’en Europe et en Amérique du Nord. Les auteurs concluent : « Derrière ces écarts de soutiens, une question demeure prégnante : les politiques agricoles, en Afrique subsaharienne en particulier, peuvent-elles contribuer à l’émergence de systèmes agricoles et alimentaires durables, et plus généralement à l’atteinte des objectifs de développement durables fixés par l'ONU à l’horizon 2030 ? ».