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Un métier pas comme les autres en voie de normalisation

Devenir berger n’est pas un choix anodin. Il entraîne pour une ou plusieurs saisons un mode vie hors du commun. Dans cette rupture avec la vie d’en bas, les contraintes sont plus nombreuses que prévues.

Passer l’estive en alpage, c’est se couper de monde et des commodités de la vie de tous les jours. Le berger se retrouve livré à lui-même. C’est aussi une façon de se ressourcer et de relativiser les petits tracas quotidiens.

Apprécier l’isolement et combattre la solitude

Si l’isolement est recherché par le berger, la solitude peut devenir pesante, car parler à une brebis ou à son chien ne remplace pas une bonne conversation avec un proche. Sans compter les nombreux inconvénients de travailler en situation isolée. Le téléphone a certes diminué la solitude des bergers mais, en montagne, il faut parfois faire quelques kilomètres pour trouver un endroit avec du réseau. Les bergers échangent alors plutôt par SMS qui passent mieux. Dans certains massifs, la radio HF permet aussi des échanges réguliers avec des collègues des environs et ils se créent ainsi un réseau social de proximité. Ils peuvent aussi accueillir des proches courageux, prêts à grimper à l’alpage et à vivre rustiquement. Pour maintenir une vie de famille, certains bergers viennent ainsi à l’alpage en couple et avec leurs enfants pour une partie de l’estive.

Une vie au rythme du troupeau

En apparence le berger est libre et sans contrainte dans son alpage, mais la réalité du métier est bien moins bucolique. Salarié sous contrat qui le lie à un patron, il doit se soumettre au rythme du troupeau, se lever tôt pour faire les soins aux brebis, conduire le troupeau sur l’alpage, planter des kilomètres de filets pour faire des parcs, et rester à l’affût d’une attaque de loups, même la nuit. Mais, entre-temps, il peut aussi profiter, aux heures les plus chaudes de la journée d’une sieste bien méritée.

Berger : intermittent de l’élevage

Le métier de berger d’alpage est saisonnier. Un contrat d’une estive, de juin à octobre, représente entre 100 et 150 jours de travail. Nombre de bergers exercent donc un ou plusieurs autres métiers le reste de l’année. Les bergers sont les intermittents de l’élevage ovin. C’est un métier précaire où il faut chaque année faire ses preuves pour garder sa place. Pour défendre les droits des bergers salariés il existe, depuis peu en Isère, un Syndicat des gardiens de troupeaux. Le collectif de travail éleveurs-bergers s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail et les employeurs ont tout intérêt à améliorer les conditions de travail et de vie de leurs bergers alpage. Il en va sans doute de l’avenir du métier.

En savoir plus

Composer avec les moutons, lorsque des brebis apprennent à leurs bergers à leur apprendre, Vinciane Despret et Michel Meuret. Éditions Cardère, collection Hors Les Drailles, 2016, 154 pages, 12 euros.
Petit manuel du berger d’alpage : un guide à l’usage des bergers débutants ou non. Réalisé par l’association Aspir et La Maison du Berger. Éditions Cardère, collection Hors Les Drailles, 2015, 240 pages, à télécharger gratuitement sur http://cardere.fr.
L’alpage au pluriel : ouvrage collectif proposant différents regards sur l’alpage. Dirigé par Guillaume Lebaudy, Bruno Msika et Bruno Caraguel. Éditions Cardère, collection Hors Les Drailles, 2015, 264 pages, 20 euros.

Guillaume Lebaudy, ethnologue et directeur de la Maison du Berger

"Le téléphone est devenu aussi important que le bâton"

Guillaume Lebaudy - "Le retour du loup entraîne des contraintes techniques et augmente le temps de travail des bergers. Dans les alpages victimes de prédation on estime que les journées de travail ont augmenté d’au moins deux heures. La contrainte technique la plus importante est le retour au parc pour la nuit. Le problème n’est pas de devoir rassembler le troupeau - un bon berger le fait rapidement -, mais que les moutons dorment dans un endroit où les conditions sanitaires se dégradent au cours de l’estive. Il ne faut jamais oublier que les bêtes sont gestantes. Devoir les rentrer impacte les résultats zootechniques. Ce retour a aussi entraîné l’arrivée de deux nouveaux acteurs : le chien de protection et l’aide-berger sur certains alpages.

Quelle est la conséquence de l’arrivée de ces nouveaux acteurs ?

G. -L. - Si l’arrivée du patou peut être bénéfique pour la protection du troupeau, elle n’est pas toujours bien vécue par les bergers et les autres usagers de l’alpage. Les patous ont compris que les touristes étaient des pourvoyeurs de nourriture et les suivent. Certains commencent l’estive avec quatre patous et qui, 15 jours après, n’en ont plus qu’un. Ils ont parfois des comportements agressifs et peuvent être sources d’ennuis juridiques. En cas de morsure, la responsabilité est relativement floue. Quant à l’aide-berger, son rôle est de soulager le berger quand il y a des prédations sur le troupeau. Il peut relayer le berger à certains moments de la journée pour lui permettre de se reposer."

Le téléphone est-il important ?

G. -L. - C’est l’outil principal des communications dans le métier, il est indispensable pour la bonne santé du pastoralisme. Il est devenu aussi emblématique et important dans le métier de berger que le bâton. Il sécurise les bergers sur le terrain. Il faut qu’ils soient en mesure de prévenir les éleveurs assez rapidement s’il y a un souci. Les bergers échangent aussi entre eux des renseignements vétérinaires. Ce sont des travailleurs isolés et saisonniers et donc qui doivent organiser l’après-estive. Le téléphone leur permet de faire des démarches administratives. Ils appellent aussi leurs amis ou leurs familles mais ils ne sont pas pendus au téléphone."

Cléopâtre : un numéro contre la solitude

Pour accompagner les bergers, l’association Aspir (Association de soutien aux projets d'interprétation et de recherches sur les activités pastorales) et les membres de la Maison du Berger on eut l’idée de créer Cléopâtre : un numéro renvoyant vers une ligne d’écoute. L’objectif est qu’ils y trouvent une oreille empathique et attentive. Ils pourraient ainsi se confier sur toutes sortes de problèmes du simple souci technique à la détresse psychologique. Cléopâtre devrait être opérationnelle pour l’estive 2017.

Avis de bergère

« Le métier de berger est très enrichissant mais peut vite vous isoler »

"À tout juste 18 ans, j’ai voulu devenir bergère. Je ne venais pas du tout du milieu agricole. J’ai donc trouvé des places dans des exploitations qui m’ont permis de me former. À 19 ans, j’ai fait une formation en Ariège pour apprendre le métier de berger d’alpage. Depuis près de 10 ans, j’enchaînais les estives, les agnelages et le travail en exploitation. Je ne m’arrêtais jamais vraiment. J’adore ce métier et le contact avec les animaux mais, en mai dernier, j’ai fini par faire un burn-out. Je n’ai donc pas fait d’estive cette année. Ça m’a manqué mais j’avais besoin de prendre du repos. Le métier de berger est un métier passionnant mais aussi très dur. Durant les estives et le travail en bergerie, on a du mal à prendre des jours de congé, même si c’est stipulé dans le contrat. En étant salarié agricole toute l’année, en plus d’être bergère, je me suis isolée. Là, je me retrouve à 29 ans avec peu de vie sociale et ça me manque. Je ne sais pas si je retournerais en estive l’année prochaine." Aurore Girardot, Bergère d’alpage et salarié agricole pendant 10 ans

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