Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine
Quel rôle à jouer pour les femmes dans le renouvellement des agriculteurs ?
Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO), montre à travers son expérience d’éleveuse et d’élue l’importance de prendre la place en tant que femme dans un milieu encore majoritairement masculin.
« Le secteur ovin fait preuve d’ouverture d’esprit quant à la répartition des rôles entre les hommes et les femmes dans les exploitations. Avant, les agricultrices avaient trois vies à faire tenir dans une journée : elles travaillaient à l’extérieur pour dégager un revenu supplémentaire, puis elles rentraient aider leur mari sur l’exploitation et s’occuper des tâches ménagères et des enfants.
En élevage ovin, la petite taille des animaux a permis de rapidement déléguer davantage de tâches agricoles aux femmes. On a 32 % de cheffes d’exploitation en ovin, contre moins de 20 % en élevage bovin allaitant par exemple.
Malgré tout, quand j’ai voulu m’inscrire à la MSA [Mutualité sociale agricole] en 1986, il a fallu ruser et faire tous les papiers en double pour être cheffe d’exploitation sans être chef de famille. Heureusement il y a eu beaucoup d’avancées à ce niveau-là, même s’il reste des progrès à faire.
Un parcours atypique
Non issue du monde agricole et sans formation initiale, je suis entrée très jeune dans le syndicalisme. Tout au long de mon parcours, j’ai toujours perçu une grande ouverture d’esprit dans le syndicat, où l’on ne raisonne pas en « agricolo-agricole ».
Bien sûr, comme dans tous les milieux professionnels, j’ai vécu des situations que les femmes connaissent toutes. Lorsqu’on nous demande « Où est le patron ? », ou que l’on ne nous donne pas la parole, par exemple. De manière générale les femmes ont peu droit à l’erreur. Les regards sont braqués sur nous et les attentes sont fortes, car nous sommes peu nombreuses.
Prendre la place
Les femmes ne doivent plus craindre de prendre la place qui leur est due. Cela passe par ne plus culpabiliser de laisser les enfants à leur père, qui doit lui aussi se rendre disponible, afin de se dégager du temps pour son engagement professionnel ou pour soi-même.
Il est vrai qu’on mène une double vie quand on a des enfants. La politique actuelle soutient la maternité, mais aux dépens de l’activité des femmes. Nous faisons encore face à un écart de salaire de 25 % à formations et postes égaux et à des retraites plus faibles. Il faut revoir la politique familiale et casser le mythe de l’homme qui ramène l’argent à la maison. »