« Nous concilions production ovine et biodiversité »
Sébastien Blache et Elsa Gärtner, pour réensauvager leur ferme sans laisser de côté le volet économique, ont fait le pari de connecter les habitats, implanter les haies, diversifier les cultures et introduire de l'élevage sur une exploitation précédemment en céréales.
Sébastien Blache et Elsa Gärtner, pour réensauvager leur ferme sans laisser de côté le volet économique, ont fait le pari de connecter les habitats, implanter les haies, diversifier les cultures et introduire de l'élevage sur une exploitation précédemment en céréales.
« Il y a une régression de la biodiversité dans les systèmes agricoles. Nous voulons renverser la vapeur et montrer que c’est possible pour une ferme d’être à la fois productive et réserve naturelle », ont expliqué Sébastien Blache et Elsa Gärtner, associés du Gaec du Grand Laval, lors d’une visite organisée par Solagro* sur leur exploitation. Le couple concilie au quotidien productions agricoles et réensauvagement des surfaces à Montélier dans la Drôme sur une quarantaine d’hectares où ils élèvent 120 brebis mères et 100 pondeuses.
« Une grande règle en écologie est la circulation, la connectivité des habitats, expose Sébastien Blache. Or ils font défaut sur les exploitations. Si la traversée d’une parcelle n’est pas possible, il faut réfléchir aux manières de la contourner. Nous recréons des zones de partage, sans gaspiller les surfaces. »
S’adapter aux fragilités
L’aventure débute en en 2006 alors que Sébastien Blache était ornithologue à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il a l’opportunité de reprendre des surfaces familiales. Il se lance, en double actif. La sole de départ était incluse dans l’exploitation de grandes cultures de son oncle, en maïs principalement. 10 ha qu’il convertit en bio et sur lesquels il débute des plantations d’arbres fruitiers. « J’étais conscient de la technicité nécessaire pour un verger palissé. Alors j’ai essayé de travailler autrement. »
Le Gaec du Grand Laval a évolué depuis, avec l’arrivée d’Elsa Gärtner en 2020 notamment, et se déploie sur 40 hectares, dont 3 d’arbres fruitiers, avec 100 poules pondeuses et 120 brebis. Toute la production est commercialisée en vente directe. « Nous travaillons au maximum en autonomie, tout fonctionne ensemble, témoignent Sébastien Blache et Elsa Gärtner. Cela a du sens pour nous, c’est une façon de s’adapter à nos fragilités aux aléas : neige en novembre, gel au printemps, maladies, ravageurs, grippe aviaire… Et travailler l’autonomie alimentaire ça nous parlait. Les brebis valorisent par exemple des zones de biodiversité non fauchées dans les parcelles. Si la performance de ces surfaces à l’hectare est moindre, les coûts aussi. Le pâturage des vergers, lui, répondait au départ à une problématique ravageur (campagnols). » Aujourd’hui les vergers sont une ressource alimentaire à part entière et les brebis font partie de l’exploitation.
Pâturage des vergers
Le troupeau se compose de 120 brebis Shropshire (en sélection), Solognotes et Noires du Velay. « Si nous voulons être autonomes et gérer l’exploitation à deux, il ne faut pas plus d’animaux ni de surfaces. » Elles pâturent les prairies naturelles, mais aussi les repousses dans les céréales en été et les dérobés l’hiver. Les Solognotes ont une autre source de fourrage : le verger de pommes et poires. « Chaque année, un tiers du verger n’est pas pâturé au printemps pour préserver les habitats. Les brebis y rentrent trois fois pour des périodes d’un mois. Sur 12 mois, elles pâturent deux fois sur la totalité des surfaces en verger. »
La vente de viande représente 16 % du chiffre d’affaires. Les avantages de ce système sont nombreux selon les éleveurs : économie de la ressource fourragère, entretien et maîtrise de l’enherbement, apport organique des déjections animales, élimination des fruits contaminés donc limitation de l’inoculum primaire pour les maladies ou des populations hivernantes de ravageurs… En complément des prairies multi-espèces pour le foin, les éleveurs cultivent cinq hectares de méteil grain et un hectare d’orge pour les brebis, leurs agneaux et les poules pondeuses.
Des parcelles de 1 ha pour diversifier les productions
Les premières plantes cultivées par Sébastien ont été le tournesol, la luzerne et le blé. Ensuite, il a introduit des légumes secs : lentilles, pois chiches… « J’ai divisé les parcelles pour faire des essais sur les légumes secs notamment. Et cela m’a plu de travailler des surfaces d’un hectare. Il n’y a pas besoin de gros matériel. » Les cultures se sont de plus en plus diversifiées : légumes secs, céréales, blé pour farine, méteil pour les brebis (triticale, avoine orge pois féverole) et orge pur, avoine, millet, oléagineux (colza, tournesol), fourrages (sainfoin, luzerne, prairies multi-espèces). Après une culture principale, une dérobée est systématiquement implantée, par exemple du sorgho pâturé par les brebis derrière l’orge.
Une ferme paysanne et sauvage
À sa création en 2006, 20 espèces d’oiseaux étaient présentes sur la ferme du Grand Laval. Aujourd’hui, 40 ont été recensées. « Nous sommes partis de champs de maïs, avec très peu de haies, la présence d’une faune de milieu ouvert et l’absence, par exemple, d’alouettes, caractéristiques de milieux fermés. Tout cela a beaucoup évolué avec la création des haies et l’installation de nichoirs en haute densité. Même si les effectifs restent modestes, les individus qui se sont implantés ici sont toujours présents et plus diversifiés. »
Nichoirs en haute densité
Sébastien Blache et Elsa Gärtner ont planté de nombreux arbres pour constituer des haies et augmenter les effectifs de rossignols, fauvettes à tête noire… entre autres. « Ce qui compte, c’est de planter des arbres dans différents états : haies, arbres isolés, vergers… et avec différentes strates, c’est clé pour la biodiversité. De plus, je ne plante que des espèces locales et je n’arrose pas. Les ronciers ont une connotation négative, mais ils lancent une dynamique et accompagnent le développement des haies avant de régresser ensuite. Pour composer des habitats en pied de haie, nous y déposons les déchets de tailles, des tuiles… » Au-delà des arbres, Sébastien et Elsa créent des mares afin d’enrichir encore la présence de faune et de flore sur leur ferme. 17 sont en cours d’implantation.