L’éleveur ovin est responsable de ses chiens
Les récentes affaires de patous, symptômes de conflits d’usages des espaces et d’une judiciarisation de la société, font peser sur les éleveurs des charges supplémentaires. Deux types de responsabilités peuvent être engagés à l’égard de l’éleveur.
Les récentes affaires de patous, symptômes de conflits d’usages des espaces et d’une judiciarisation de la société, font peser sur les éleveurs des charges supplémentaires. Deux types de responsabilités peuvent être engagés à l’égard de l’éleveur.
La divagation d’animaux domestiques est interdite, mais n’engage la responsabilité pénale de l’éleveur que si l’animal est susceptible de présenter un danger pour des personnes. Par contre si l’animal divagant est dangereux pour d’autres animaux, le maire peut imposer des mesures préventives à son propriétaire, voire procéder à l’euthanasie de l’animal. Un chien est considéré en état de divagation s’il n’est plus sous surveillance, se trouve hors de portée de voix, de tout instrument sonore permettant son rappel ou à plus de 100 mètres de son responsable. Toutefois, il existe une dérogation pour les chiens de garde ou de protection au travail, donc à proximité du troupeau.
La responsabilité pénale
Dès lors, la seule responsabilité pénale pouvant leur être reprochée est générale : « le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail » (articles 222-19 et suivants du Code pénal). Selon la durée de l’incapacité et si l’infraction a été commise par un chien, de surcroît s’il a subi de mauvais traitements, la peine est plus lourde.
Cette faute d’imprudence ou de négligence est appréciée par le tribunal selon les circonstances. Les juges évaluent indirectement le comportement du maître et de son animal en fonction des lieux (estive, à la ferme, en dehors de l’exploitation). La jurisprudence parle de « diligences normales compte tenu des missions ou des fonctions, des compétences, du pouvoir et des moyens » dont le gardien de l’animal dispose pour éviter le dommage. C’est le degré de gravité de la faute d’imprudence ou de négligence, tout autant que son lien direct avec le dommage causé qui justifiera les poursuites pénales. Par exemple dans l’affaire de Ceillac (tribunal judiciaire de Gap, le 18 octobre 2021), de l’été dernier, suite à des incidents précédents, le vétérinaire avait évalué le risque comportemental (1) de deux chiens, respectivement d’un quart à trois quarts, et préconisé l’éloignement de deux des quatre chiens. L’éleveur, condamné pour quatre blessures en l’espace d’un mois, reconnaissait avoir des difficultés à dresser ses chiens et la bergère à les contrôler.
Autrement dit, la mise en cause de la responsabilité pénale du propriétaire ou du gardien est limitée à des utilisations anormales et un manque de surveillance avéré. À l’inverse, les juges ont pu relaxer un éleveur dans d’autres circonstances (cour d’appel de Douai, le 2 juin 2005).
Par contre, même si la responsabilité pénale n’est pas retenue, une autre responsabilité peut quand même être engagée.
La responsabilité civile
Comme pour tout autre animal domestique (abeille, cheval, vache, etc.), son propriétaire ou gardien, le berger salarié par exemple, peut voir sa responsabilité civile engagée pour les dommages causés par l’animal, même si son gardien n’a commis aucune faute. C’est à la victime d’apporter la preuve que l’animal est la cause de la blessure qu’elle a subie. La responsabilité est partagée quand la victime s’expose excessivement à un risque potentiel, en traversant un troupeau, en voulant caresser le chien, par exemple, ; d’où l’intérêt de panneaux d’information. La difficulté réside dans le fait que le gardien du troupeau de prouver que la victime a commis une erreur.
L’éleveur pourrait se dégager de sa responsabilité civile, en cas de force majeure, c’est-à-dire par un évènement à la fois « irrésistible, imprévisible et extérieur » qui s’avère la seule cause du dommage. Le cas le plus souvent jugé est celui du dommage causé par l’animal effrayé par un bruit soudain (orage, tir de chasseur), imprévisible et qui dans sa fuite, cause un dommage à autrui.
Cette responsabilité civile est assurable. En pratique, l’assurance dite « responsabilité civile de l’exploitation » prend en charge ces dommages-intérêts.