à Rodez, du 18 au 20 avril
Le film de l’année ovine retracée par la FNO
Le congrès de la Fédération nationale ovine a permis de faire le tour des dossiers de la profession et notamment la PAC, les prix et la prédation.
Pour sa 71e assemblée générale, la Fédération nationale ovine (FNO) s’est fait son cinéma du 18 au 20 avril à Rodez, en Aveyron. En effet, les débats avaient lieu dans une vaste salle de cinéma, capable d’accueillir les 300 congressistes et de projeter les nombreuses vidéos qui ont dynamisé les interventions. La région Occitanie, première région ovine de France, qui organisait le congrès a notamment montré un très beau film (à voir sur patre.reussir.fr) sur le tour de force des éleveurs de brebis qui allient productions de qualité et préservation des environnements fragiles du Larzac aux pentes des Pyrénées en passant par les causses arides et les garrigues méditerranéennes.
La FNO s’est aussi servie de la vidéo pour présenter son rapport d’activité d’une année jugée décevante par Michèle Boudoin, éleveuse du Puy-de-Dôme et présidente du syndicat, entre « une aide ovine dénaturée, des brebis exclues des zones défavorisées, un dossier prédation en totale régression et un brexit obscur et des discussions engagées avec l’Océanie dans le même temps ».
Les brebis sont le dernier rempart avant la friche
Au sujet de la diminution de l’aide ovine, passant de 119 à 114 millions d’euros, Brigitte Singla, secrétaire générale adjointe de la FNO, trouve « inadmissible cette déstructuration de l’aide ovine puisque cette aide avait été initié pour structurer la filière, inciter à la production et encourager les jeunes producteurs ». La réforme de zones défavorisées a aussi un impact important pour la filière puisque 80 % des brebis sont sur ces zones. « Ça risque d’avoir un impact très négatif sur certains départements puisque, sur ces zones intermédiaires, les éleveurs ovins ne peuvent pas faire autre chose », craint l’éleveuse de l’Hérault qui rappelle que les brebis sont souvent les derniers remparts avant la friche… Dans la nouvelle PAC qui se construit, la FNO veut avoir son mot à dire et maintenir une aide couplée « orientant réellement vers la restructuration, la production et la performance technique ». Le syndicat rappelle aussi le bien public généré par l’élevage ovin (biodiversité, souveraineté alimentaire, entretien des territoires et des paysages…) et entend bien être rémunéré pour cela.
Avec le Brexit, les éleveurs ovins demandent la déconsolidation des contingents d’importations entre l’Union européenne à 27 et le Royaume-Uni. « Messieurs les Anglais, reprenez votre part… » ironisait Michèle Boudoin qui demande aussi la création d’un contingent pour les importations de viande venant du Royaume-Uni. Et tant que tant que les conditions de sortie du Royaume-Uni ne seront pas connues, inutile de précipiter le traité en cours de négociation entre l’Union européenne et les pays d’Océanie. « De grâce, ne mettons pas la charrue avant les bœufs : Brexit d’abord, Océanie ensuite… » exhorte Michèle Boudoin qui appelle à inscrire la viande ovine comme un produit sensible qui ne serait pas concerné dans les négociations.
Remettre l’élevage ovin dans le panier des porteurs de projet
Patrick Soury, secrétaire générale de la FNO, est lui revenu sur le plan de filière ovin, lait et viande, qui tourne autour des attentes sociétales et de la recherche de valeur avec des objectifs ambitieux de doubler les agneaux produits en agriculture biologique et en démarche qualité. « Le plan de filière veut aussi redéfinir la contractualisation avec une contractualisation inversée qui part du coût de production de l’agneau et intègre le coût des différents maillons de la filière » indique l’éleveur charentais. Dans la continuité de ce plan, la FNO a mis en place un groupe prix, notamment pour prendre en compte l’arrivée des agneaux laitiers sur le marché. « Nous devons développer de nouveaux marchés, notamment auprès des jeunes consommateurs, et pourquoi ne pas imaginer une journée de l’agneau dans certaines cantines scolaires. »
Jean-Roch Lemoine, éleveur de l’Aube et secrétaire générale de la FNO, a pour sa part rappelé que le renouvellement des générations est un travail de tous les instants. « De même que la viande ovine ne fait pas parti de la liste de course de la ménagère, la production ovine ne fait pas parti des productions que l’on met en avant pour installer un jeune. Nous devons être présents sur les forums, les foires, des manifestations pour promouvoir l’élevage ovin et donner l’envie à des porteurs de projets ». Pour cela, la profession peut s’appuyer sur le programme Inn’ovin porté par les régions, le site internet www.inn-ovin.fr remis à jour l’an dernier et le kit technique avec des fiches pratiques pour expliquer l’élevage ovin.
En colère contre les bobos qui nous imposent une vie du Moyen Âge
Enfin, Claude Font, secrétaire général adjoint de la FNO, a eu la lourde tâche d’évoquer la prédation par le loup et l’ours. Un sujet qui a divisé les éleveurs lors du huis clos du 19 avril mercredi ; les régions touchées depuis longtemps par le loup demandant le même traitement que les zones en cours de colonisation. « Dans le nouveau plan loup, la garantie de zéro attaque n’est pas assurée et il y a fort à parier qu’en 2023, à la fin du plan loup, il y aura toujours autant d’attaques et de victimes à déplorer dans nos élevages », se désole l’éleveur de Haute-Loire qui rappelle la position de la FNO, contre la conditionnalité des aides en fonction de la mise en place des moyens de protection et contre les inégalités de traitement entre région et donc entre éleveurs.
Dominique Fayel, éleveur aveyronnais et représentant de la FNSEA, rappelait qu’une étude de l’Inra dans 45 communes du sud Aveyron a montré que les troupeaux étaient protégeables en dépensant 25 à 30 millions d’euros, soit l’équivalent du plan loup national, en embauchant une centaine de temps plein et en s’équipant de 2 500 chiens de protection… « La plus forte démonstration par l’absurde de la connerie de la gestion du loup par l’État... ». Très remontée contre le loup, Michèle Boudoin s’est dite « en colère contre les pouvoirs publics qui n’ont pas le courage de dire stop à cette hémorragie de crédits publics, contre tous ces bobos urbains qui nous imposent une vie du Moyen Âge, envers les décideurs politiques qui font le choix de l’ensauvagement de nos territoires. Ce choix n’est pas le nôtre ni celui de nos élus qui nous soutiennent ! »
Le loup n’étant plus une espèce menacée, le travail de lobbying se fait maintenant au niveau européen. « De plus en plus d’États membre sont concernés et c’est par l’Europe qu’on remettra notre pays sur une position beaucoup plus raisonnable » explique Dominique Fayel. « On va profiter des élections européennes pour tenter de passer le loup de 'strictement protégé' à 'protégé' dans la convention de Bern », indiquait Michèle Boudoin en marge du congrès. La réintroduction de deux ourses dans les Pyrénées est aussi ressentie comme une provocation de plus pour le monde de l’élevage avec une vision très urbaine de la biodiversité.
Pour conclure le rapport d’activité, le bureau de la FNO a scandé son slogan « Des brebis sur tous les territoires, des agneaux dans toutes les assiettes ! ». Et ça, ce n’est pas du cinéma !
Le loup, la PAC et les prix au menu du congrès
Du rab d’agneaux dans les cantines
La filière ovine a des opportunités à saisir dans la restauration collective. À condition de fournir de la viande de qualité, pratique à préparer et pas trop cher…
La table ronde du congrès s’est interrogée longuement sur les opportunités de la consommation de viande ovine dans la restauration collective. « Environ 10 000 tonnes équivalent carcasse de viande ovine, soit 6 % de la consommation française, seraient servies dans les restaurants et cantines des hôpitaux, écoles ou entreprises » rappelait Maris Carlier de l’institut de l’élevage en introduction de la table-ronde. Mais seuls 16 % de cette viande serait d’origine française, la grande majorité viendrait de pays européen (43 %) et de pays tiers (41 %).
Pour redonner une couleur locale aux assiettes des jeunes, certaines collectivités locales essaient de privilégier les achats de proximité. Il faut alors ruser avec le code des marchés publics pour inclure des critères de proximité dans les appels d’offres. Le département de l’Aveyron a par exemple lancé un groupement de commande en 2012. « Nous avons découpé le territoire aveyronnais en cinq zones et alloté les différents types de produit afin que même les petites structures puissent répondre aux appels d’offres » explique Daniel Gueldry du conseil départemental qui travaille avec les filières et la chambre d’agriculture pour approvisionner 1,2 million de repas par an dans les collèges. « Pendant le salon de l’agriculture de Paris, nous avons lancé une opération nommée l’Aveyron dans l’assiette qui nous a coûté un euro de plus par repas, poursuit Jean-Claude Anglars, vice-président du conseil départemental de l’Aveyron. Cette opération, reconduite depuis, a montré qu’il fallait convaincre le principal, l’intendant et surtout le cuisinier… » Ainsi, sur les 21 collèges du département, seuls dix ont participé. Récemment, le département a adhéré à la plateforme Agrilocal, une plateforme internet qui met en relation fournisseur et acheteur avec un système de géoréferencement. Pour Gilles Bernat, éleveur ovin et adhérent à la coopérative Unicor, « le local, ce n’est pas forcément que de la vente directe ». Il rappelle ainsi que les coopératives sont aussi capables de faire du cousu main et proposer par exemple, des agneaux venants de moins de 30 km de Saint-Affrique.
Des produits calibrés, réguliers, en nombre et pas trop cher
Une des difficultés de l’approvisionnement local vient aussi des quantités demandées. « Comment trouver de l’agneau bio pour les 34 000 couverts de la cuisine centrale de Toulouse ? », interroge par exemple André Belloc de RestauCo, le réseau qui anime la restauration collective en gestion directe. Il faut aussi savoir s’adapter à un public cible diversifié qui va de l’appétit d’oiseaux des maternelles à celui plus voraces des adolescents. Là encore, Gilles Bernat d’Unicor rappelle que « nous avons la capacité industrielle de fournir régulièrement et en quantité des agneaux lacaune, calibrés au gramme prés comme nous le faisons pour nos côtelettes destinées à Picard ».
La question du coût est aussi importante. Certaines collectivités locales sont prêtes à faire cet effort financier. Si « la gastronomie est une valeur essentielle de l’Aveyron », selon Jean-Claude Angars de l’Aveyron, il n’empêche que « mettre 16 centimes de plus sur un coût matière d’environ deux euros sur 25 millions de repas, cela commence à compter », rappelle Vincent Labarthe du conseil régional de l’Occitanie.
Du jeune agneau dans les assiettes, pas de la vieille brebis !
Autre exigence de la restauration collective, les produits doivent être faciles à préparer. Les cuisiniers apprécient alors les boulettes, les merguez, les morceaux précuits ou congelés ou le haché. « Le haché représente la consommation de demain », estime Gilles Bernat d’Unicor en rappelant que plus de la moitié de la viande bovine est consommée en haché. Il faut cependant dépasser les verrous du coût, de l’équilibre matière et les contraintes sanitaires et réglementaires qui imposent d’avoir un haché assaisonné. « Il nous manque un maillon pour que l’on puisse fournir les cantines avec des pièces ou des mijotés élaborés » note Jean-Paul Rault, éleveur en Vendée et membre du bureau de la FNO.
Cependant, tous les intervenants se sont accordés pour ne pas servir n’importe quoi en restauration collective. En effet, si 80 % de la viande servie est de l’agneau, 20 % seraient de la viande d’adulte, meilleur marché. Or, pour séduire les consommateurs de demain, il faut présenter un agneau de qualité et bien cuisiné. « Il faut qu’on arrête de perdre des consommateurs en leur faisant manger du mouton » s’exaspère Jean-Paul Rault. La FNO se dit d’ailleurs prête à accompagner la préparation et la dégustation des agneaux pour œuvrer à l’éducation aux goûts. Oui à de l’agneau de 4 à 6 mois dans les assiettes mais non à de la brebis sans goût qui dégoûte les jeunes palais !