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CHIENS DE CONDUITE
Le berger de Crau, une race rustique à redécouvrir

Les éleveurs de la plaine de la Crau, dans les Bouches-du-Rhône, se mobilisent autour de la sauvegarde de leur chien de berger « local », le chien de Crau.

Deux bergers de Crau mâles, Loustic et Zoom.
Deux bergers de Crau mâles, Loustic et Zoom.
© lgeffroy

«Nous sommes à un moment clef de l’histoire de la race. Soit elle s’écroule, soit elle survit », résume Jean-François Courreau, professeur de zootechnie à l’école vétérinaire de Maisons- Alfort.D’abord alertée par un éleveur canin d’Isère Pierre Trolliet, la Société centrale canine (SCC) fait une première constatation en 2008: il existe un chien de berger original en Crau, dans les Bouches-du- Rhône, qu’il devient urgent de sauvegarder.
« Il y a au mieux quelques petites centaines de ces chiens, c’est très peu, on est à la limite de l’effectif avant que la race ne disparaisse. Ce sera le cas d’ici quinze à vingt ans, si rien n’est fait » explique l’expert de Maisons-Alfort,missionné par la SCC. Venu vérifier l’existence de cette race du berger de Crau et entamer un travail de reconnaissance, le zootechnicien visite alors une dizaine d’élevages avec l’aide de la Maison de la Transhumance et de son directeur Patrick Fabre.Un an plus tard, lors de la foire ovine de Saint-Martin-de- Crau, un début de recensement est effectué avec la présence de 23 chiens de dixhuit propriétaires différents. Jean-François Courreau commence à élaborer un standard de la race.

Lié à la pratique de la transhumance, ce chien à la robe généralement noire et frisée, se trouve principalement en Crau, dans les Bouches-du- Rhône, mais aussi dans les Alpes. Il accompagne souvent les troupeaux de Mérinos d’Arles, parfois de chèvres du Rove. « C’est un outil de travail pour l’éleveur et un patrimoine de la transhumance » explique Patrick Fabre.Mais il est difficile d’établir un inventaire précis auprès des éleveurs, et encore plus auprès des bergers salariés. Pour faciliter l’exercice, au printemps 2010, il a été décidé de créer une association de sauvegarde de la race. C’est chose faite puisque le 30 novembre dernier s’est déroulée l’assemblée générale constitutive avec la nomination de Françoise Simian au poste de présidente, éleveuse à Saint-Martin-de-Crau.

COMPLÉMENTAIRE DU BORDER

Le berger de Crau est à 100 % un chien de travail, que seuls des éleveurs ovins possèdent et se transmettent de génération en génération. « C’est l’analyse génétique qui déterminera le degré d’originalité, note Jean-François Courreau. Mais si ces chiens sont encore là, malgré l’essor du border collie, ce n’est pas pour rien.

« Les bergers français travaillent plus facilement par euxmêmes, à la différence des border collies qui travaillent en forte relation avec leur maître, explique Jean-François Courreau. Certains éleveurs ici souhaitent une alternative au border pour la conduite des troupeaux. Ce n’est pas la même utilisation ni le même plaisir ». D’après les témoignages des éleveurs, le chien de Crau est long à dresser, car il possède un caractère affirmé, ce qui demande de l’investissement et de la présence. « Le chien de Crau garde devant tandis que le border est plutôt sur les cotés, remarque Maurice Roux, éleveur utilisateur des deux races à Saint-Martinde- Crau. Sur un troupeau qui a faim, il avance et pour le travail au filet, il est bon. Les brebis adoptent un comportement différent, elles ne bougent pas avec le chien de Crau. » En fait, ces deux chiens se complètent bien et ne se gênent pas.

ÉPREUVE DE TRAVAIL

 Le chemin vers l’inscription d’une race au livre des origines est long. Pour être une race reconnue par la SCC, il faut faire acte de candidature. Comme pour le border collie, la sélection s’opérera avant tout sur l’aptitude au travail. « Le comportement du chien de berger est inscrit dans sa génétique, il n’est ni prédateur, ni indifférent. Il est nécessaire de voir le chien devant le troupeau », explique Jean-François Courreau. L’idéal étant qu’une épreuve de travail soit alors mise en place pour valider la confirmation.
En attendant, pour ceux qui souhaitent acquérir un berger de Crau, il faut être patient. Cairey Remonay, bergère à Saint-Martin-de-Crau, a dû attendre plus d’un an pour en avoir un. Il y a peu d’éleveurs qui en proposent, et à raison de sept ou huit par portée, ils sont tous très facilement placés. L’action de la nouvelle association devrait aider ceux qui le souhaitent à acquérir ce chien de troupeau et permettre de limiter la consanguinité en gérant les accouplements.

Prochaine étape pour l’association du chien de Crau: faire identifier tous les individus afin de pouvoir commencer un pré-livre généalogique de la race. Le 9 février 2011, lors de la foire de la Saint-Valentin de Saint-Martin-de-Crau, elle a réuni le maximum de chiens, procédé sur place à leur identification à l’aide d’une puce électronique, ainsi qu’à des prélèvements cellulaires buccaux pour obtenir leur empreinte génétique. Cette opération, gratuite pour les propriétaires car prise en charge par la Société centrale canine, est indispensable pour établir les relations de parenté entre les chiens du cheptel actuel et pourrait permettre de déterminer les races à l’origine du berger de Crau. Si vous connaissez un chien de Crau qui n’a pas encore été répertorié, prenez contact avec la Maison de la Transhumance : tél. 04 90 47 99 54 ou maison.transhumance@yahoo.fr.

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