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Race laitière
La relance de l´élevage de la Rouge du Roussillon est en marche

Prolifique, bonne laitière, rustique, cette brebis rouge voit son élevage relancé. Son adaptation aux régions sèches et chaudes explique son succès.


Depuis deux siècles, une population rouge issue de l´immigration, est présente sur le littoral languedocien, puis catalan : c´est la Rouge du Roussillon. Son histoire est peu documentée, mais on peut en esquisser deux périodes. Les moutons à robe rouge et queue grasse sont communs dans tout le Proche-Orient, depuis l´Iran jusqu´en Tunisie où la population a reçu le nom de Barbarine. Les premières importations de ces brebis dans le Languedoc ont eu lieu à la fin du 18e siècle. Un noyau de sélectionneurs organisera régulièrement des concours jusqu´à la fin du 19e. De cette race, on appréciera surtout sa fécondité et sa valeur laitière. Puis elle va se fondre dans le paysage et pénétrer jusqu´au Larzac pour y être progressivement absorbée, mais la tradition de conserver des brebis rouges dans les troupeaux laitiers perdure.
En Roussillon, on trouve mention de populations métis mérinos mais les premiers écrits décrivant une population rouge ne datent que des années trente. Ces moutons proviennent probablement d´importations de troupeaux algériens appelés « moutons oranais ». Par rapport à la Barbarine sa couleur rousse est plus prononcée, son modèle plus réduit, il est aussi plus lainé, à queue fine, avec un fanon qui rappelle celui des mérinos. Mais dès l´après-guerre, l´élevage de la région littorale décline rapidement.
Assez prolifique, la Rouge valorise parcours et sous-bois. ©D. R.

Démarrage du programme de conservation
Lorsqu´en 1981, M. Marty de Saint Hippolyte (Pyrénées Orientales) arrête l´élevage, son troupeau est considéré comme le dernier authentiquement Rouge du Roussillon. Grâce à l´insistance d´une communauté de néo-ruraux venus d´Allemagne, le troupeau est racheté in extremis. Les organismes d´élevage tentent alors de redéfinir le standard de la race et de dresser l´inventaire des derniers troupeaux ayant des brebis rouges. Heureusement, il reste quelques transhumants andorrans. Dans un passé assez proche, ces éleveurs avaient largement adopté la brebis rouge. Ces troupeaux s´infiltrent dans les anciens fiefs de la Barbarine, d´où la confusion entre les deux populations, la queue fine et la queue grasse. C´est dans ces troupeaux que l´on peut retrouver des troupeaux certes métissés, mais où le phénotype rouge domine. Au final, l´inventaire réalisé en 1980 permet d´estimer à quinze le nombre d´éleveurs détenant des brebis de type rouge pour un cheptel de 1100 animaux. Douze ans plus tard, le Parc naturel régional des Grands Causses est sollicité par des éleveurs aveyronnais attachés à leur ancienne Barbarine.
Il finance un premier inventaire en 1993, puis, de 1994 à 2001, un véritable programme de conservation : cryoconservation de semences de béliers, aide à l´achat et à l´élevage de femelles, actions de communication. Une association, fédérant également les éleveurs de Caussenardes des Garrigues et de Raïoles, est créée en 1994. D´autres organismes sont impliqués : Languedoc Roussillon Elevage assure l´encadrement administratif et gère le programme « tremblante » et les chambres d´agriculture des départements concernés participent aux tournées d´inscription. Au plan national, France Upra Sélection et l´Institut de l´élevage valident les programmes.
La Rouge du Roussillon est une brebis de format moyen, plutôt enlevée, dont la caractéristique principale est la couleur rouge des parties non lainées, avec parfois des tâches blanches et en particulier des listes en tête. Les animaux sont dépourvus de cornes. Tête, dessous du cou, ventre et pattes sont découverts de laine. Sa toison est d´une bonne finesse. L´agneau naît souvent couvert d´un poil roux de couleur intense.
Chaque bélier est utilisé au plus sur deux campagnes dans un même élevage. ©D. R.

Une brebis rustique, bonne mère et prolifique
L´objectif premier de la sélection est de conserver les principales qualités d´élevage : très laitière sur les premiers mois, agneau correctement confor-mé, rusticité (adaptation à la ressource très développée) et désaisonnement naturel. Ces animaux sont adaptés à une conduite typique d´arrière-pays méditerranéen. Le système classique comprend deux périodes d´agnelage, avec des agneaux broutards au printemps, l´utilisation de parcours et de sous-bois cinq ou six mois de l´année. Dans les troupes où la ressource alimentaire est bonne, la prolificité oscille entre 150 et 160. Ce n´est pas un objectif du programme de la race de l´augmenter : c´est largement suffisant pour les systèmes de production où elle est utilisée. Ce n´est pas une race de garrigues et de transhumance.
Le plein air est pratiqué par les deux tiers des éleveurs, en particulier par tous ceux qui vendent en circuit court. Ces éleveurs cherchent à étaler leurs ventes. Une complémentation au pré est mise en place à partir de deux mois, en basse énergie le plus souvent. Après le sevrage, les agneaux sont gardés en bergerie et rapidement rationnés. On peut, dans un contexte « sud », pratiquer ce système sans recourir aux races lourdes classiques. Les autres éleveurs sont adhérents à des OP qui demandent de l´agneau de bergerie (agneau léger pour le marché « Perpignan », classique pour les filières Tarn ou Aveyron).
Très roux, les agneaux sont élevés en plein air. ©D. R.

Un programme de conservation actif et bien géré
L´objectif premier a été de trier et récupérer des femelles sur le phénotype dans les troupeaux du Pardailhan (arrière pays de Béziers) sur lequel des béliers des origines Pyrénées-Orientales ont été utilisés exclusivement (souche Marti surtout). Le noyau initial comportait un peu moins de 500 brebis. Puis, à partir de ces troupeaux, des béliers ont été créés et diffusés via un centre de béliers. De la semence a été également cryoconservée : 11 béliers prélevés par Ovi-Test sont stockés en Cryobanque Nationale. L´action majeure de l´association a été la gestion du centre de béliers : à ce jour, 217 jeunes mâles ont été diffusés. Pour gérer la variabilité génétique de la race, tous les jeunes mâles doivent passer par le centre et le cahier des charges impose un renouvellement rapide : deux campagnes au plus, par bélier, dans un même élevage. La contrepartie de l´effort de renouvellement exigé, important, est la modicité du prix de vente. L´association prend en charge le déficit réalisé par la pépinière. Pour autant, le schéma est loin d´être en phase de croisière : trois éleveurs fournissent encore près des trois quarts des jeunes mâles, les autres adhérents étant surtout utilisateurs.
Cela s´explique surtout par l´historique des troupes : beaucoup sont encore en phase d´absorption. Enfin, le programme tremblante a eu un impact certain puisque, fin 2001, le premier génotypage fait apparaître 40% de mâles sensibles. Le choix du renouvellement s´est trouvé délicat : il a été convenu d´utiliser une forte majorité de mâles hétérozygotes, sans privilégier à tout prix les résistants homozygotes, trop peu nombreux. Ces derniers progressent : ils représentent 45 % des jeunes vendus en 2005.
Le programme est un succès démographique : l´association compte, début 2006, 34 éleveurs pour 3500 brebis inscrites. Les qualités maternelles et la rusticité sont là. La croissance et la conformation des agneaux conviennent très bien à la plupart. L´effort à poursuivre porte avant tout sur le maintien de la variabilité génétique et la création de béliers associant phénotype rouge et conformation régulière. Néanmoins, tous ces efforts restent fragiles et dépendent principalement du futur que les politiques voudront bien accorder à l´élevage en contexte méditerranéen.

Pour en savoir plus
 Association des éleveurs de brebis de races Raïole, Caussenarde des garrigues, Rouge du Roussillon - Hubert Germain - Le Barry - 12540 Saint Beaulize
Tél . 05 65 99 32 15.
 Noëlle Tourrier - Mas de Saporta - 34970 Lattès
Tél. 04 67 06 23 64.

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