La grande incertitude du Brexit
Devant les incertitudes du Brexit, les éleveurs gallois développent des stratégies souples basées sur le local, le bio ou la qualité. En attendant la suite…
Il n’y a pas de raisons logiques pour que les éleveurs gallois aient voté pour le Brexit… et pourtant ! » Ce sont par ces mots d’incompréhension que Dewi Jones, le directeur d’Innovis, résume la situation. Et la plupart des éleveurs rencontrés restent inquiets des conséquences du Brexit.
Le Pays de Galles rassemble 6 % de la population mais 30 % des ovins du Royaume-Uni. « C’est un business important pour nous, explique Owen Roberts, en charge de la communication de Meat Promotion Wales. Pour nous, le pire serait une absence d’accord car les taxes renchériraient notre viande déjà haut de gamme ». La filière galloise commence à envisager des plans B comme la congélation de la viande ou un renforcement de la consommation intérieure, via les cantines scolaires. « Mais, depuis notre IGP ‘welsh lamb’en 2003, notre stratégie est vraiment tournée vers la qualité et le haut de gamme, explique Rhys Llywelyn en charge du développement du marché. Ce sera difficile d’aller dans les cantines car nos produits sont assez chers ».
Sortie précipitée des agneaux
D’autant que « si un acheteur de viande d’agneau gallois est déçu, il n’y reviendra pas avant longtemps ! », renchérit une technicienne de Hybu Cig Cymbru, le nom gallois du Meat Promotion Wales, en insistant pour que chaque maillon de la filière soit coresponsable de cette qualité.
En attendant, les premières conséquences du Brexit se font sentir. Par exemple, avec l’échéance de sortie initialement prévue au 31 octobre, la plupart des éleveurs gallois ont vendu tous leurs agneaux en début d’automne. Les cours sont donc descendus au plus bas et il n’y aura que très peu d’agneaux disponibles pour le printemps 2020, période de l’année où les cours sont au plus haut.
« Les subventions rendent feignants ! »
Du côté des éleveurs, certains, comme Patrick Loxdale, misent sur la production en agriculture biologique et l’amélioration des performances économiques. D’après lui, « les subventions rendent feignants ! ». Face à la probable perte des subventions, il se prépare à être plus performant sur ses pratiques d’élevage. Pour le moment, il n’y a pas de marché pour la viande d’agneaux bio. Il n’est payé que 0,05 £ (0,06 €) de plus au kilo carcasse. Mais ils pensent que ce marché va se développer et conserve ses débouchés actuels en misant sur l’avenir.
D’autres éleveurs s’orientent vers des marques locales, à l’exemple de Cambrian Mountain Lamb (marque collective valorisant les agneaux élevés dans les montagnes cambriennes) ou Welsh Mountain Lamb (marque individuelle valorisant les agneaux welsh élevés en montagne). Ils souhaitent valoriser la bonne image de leurs territoires, leurs pratiques et développer la vente directe.
La fin des aides européennes
« Le Brexit c’est la grande incertitude, explique James Ruggeri, responsable du développement de la filière à Hybu Cig Cymbru. L’élevage ovin gallois bénéficie de subventions de la PAC. Si nous quittons l’Union européenne, le gouvernement devra compenser la perte de ses aides. Mais ils doivent aussi subventionner tous les autres secteurs activités, les hôpitaux, les écoles… Honnêtement, je ne pense pas que l’agriculture sera priorisée ». La filière aimerait s’orienter vers une augmentation des performances économiques des troupeaux pour ne plus dépendre des subventions.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, la date du Brexit est encore repoussée, au 31 janvier 2020. Les incertitudes demeurent et les éleveurs cherchent encore des solutions pour y faire face !