Du numérique dans les pâtures des ovins
Depuis quelques années, un nombre croissant d’éleveurs optent pour l’utilisation de colliers GPS afin de suivre la localisation de leurs brebis. Certains s’équipent de drones et d’autres aimeraient investir dans une clôture virtuelle. Qu’apportent réellement ces technologies dans la gestion des troupeaux au pâturage ?
Depuis quelques années, un nombre croissant d’éleveurs optent pour l’utilisation de colliers GPS afin de suivre la localisation de leurs brebis. Certains s’équipent de drones et d’autres aimeraient investir dans une clôture virtuelle. Qu’apportent réellement ces technologies dans la gestion des troupeaux au pâturage ?
La surveillance des animaux au pâturage demande beaucoup de temps et constitue une charge mentale importante, notamment dans un contexte de prédation. C’est pourquoi des technologies numériques se développent pour appuyer les éleveurs dans cette tâche.
Des colliers GPS pour suivre les brebis
Dans le cadre du projet Pacapit déployé en Provence-Alpe-Côte d’Azur, la maison régionale de l’élevage teste de nombreuses innovations. L’objectif est de mettre en commun les connaissances acquises sur le terrain pour en faire profiter les éleveurs intéressés.
Rémi Leconte, un des animateurs du projet, nous explique le principe d’utilisation des colliers GPS : « Ils permettent de connaître la localisation de ses animaux en temps réel. Depuis son portable, l’éleveur peut repérer où se situe son troupeau et ainsi gagner en tranquillité d’esprit et retrouver plus facilement des lots qui se seraient égarés. C’est un vrai gain de temps ».
L’éleveur peut recevoir une alerte pour retrouver les animaux rapidement. Il est également possible d’analyser a posteriori le parcours de ses brebis ou d’équiper ses chiens de protection pour mieux comprendre leur comportement au sein du troupeau. Quelques précautions doivent néanmoins être prises avant d’investir dans ce matériel.
« Il faut du réseau sur son parcellaire, ce qui n’est pas possible partout », avertit Rémi Leconte. Mais des solutions existent. « Certaines marques, dont Digitanimal, le leader du marché français, proposent un mois d’essai, ce qui permet de vérifier que l’on n’est pas en zone blanche », explique-t-il. Les marques utilisant des réseaux différents, les éleveurs peuvent en tester plusieurs. Si aucune d’entre elles ne fonctionne, il est possible d’installer une antenne qui crée un réseau local.
« Nous sommes en train d’essayer des GPS satellitaires qui permettraient de s’affranchir du réseau mais pour l’instant leur coût est plus élevé », rapporte Rémi Leconte. Le projet Clochète, porté par l’Institut de l'élevage, a permis d’apporter des éléments de réponse sur le nombre de brebis à équiper et lesquelles : le plus efficace est de mettre des colliers GPS aux brebis exploratrices, celles qui entrent en premier dans de nouvelles zones, et aux brebis leaders, celles qui commencent des déplacements.
Pour une bonne représentativité du troupeau, il faut compter un collier pour cent animaux. Un collier coûte de 150 € à 900 € auquel il convient d’ajouter 5 € à 30 € d’abonnement annuel. Selon Adrien Lebreton, ingénieur en numérique à l’Institut de l’élevage, l’investissement initial n’est pas énorme par rapport à l’amélioration de la qualité de vie apportée par cette technologie, ce qui explique son succès. « Les colliers GPS sont une vraie success story, observe-t-il. 8 % des éleveurs ovin viande interrogés lors d’une enquête nationale sont équipés. Cette technologie est déjà une réalité sur le terrain. »
Une clôture virtuelle prometteuse
Une solution alternative aux clôtures physiques émerge grâce aux colliers GPS : la clôture virtuelle. Elle consiste à tracer sur son ordinateur les limites d’un parc et lorsqu’un animal la franchit, celui-ci reçoit des avertissements sonores puis électriques. Le système est particulièrement intéressant pour le pâturage tournant dynamique. Testé au Ciirpo, sur la ferme d’innovations et de recherches du Mourier avec l’entreprise norvégienne Nofence, le système fonctionne très bien.
Les brebis apprennent rapidement à respecter les limites, notamment grâce à leur comportement grégaire. Néanmoins, le coût du dispositif est un vrai frein car il faut équiper tout le troupeau en clôture virtuelle ! « À ce jour, aucun fournisseur n’a souhaité commercialiser de système de clôture virtuelle en France », alerte Adrien Lebreton. Pour l’instant cette technologie n’a pas trouvé de modèle économique solide malgré un intérêt fort des éleveurs français et européens, recueilli dans le cadre du projet SmartElevage. Il faudra attendre un peu avant de voir des moutons parqués virtuellement.
Le drone, un allié volant
Les drones peuvent être utilisés pour simplifier la surveillance de son troupeau au pâturage. Ils permettent de localiser les animaux dans des zones vastes ou difficiles d’accès, de détecter des comportements anormaux, de vérifier les ressources et l’état des clôtures.
« Le drone c’est comme une super paire de jumelles », souligne Adrien Lebreton qui pilote les travaux français du projet Icaerus dont l’ambition est d’évaluer les risques et intérêts de l’usage des drones en système herbagers. « Selon la réglementation, on doit le faire voler à vue, c’est-à-dire pouvoir surveiller son drone à tout moment. Impossible, par exemple, d’observer ses animaux à plusieurs kilomètres depuis chez soi. »
Utiliser un drone est accessible, comprendre les bases de la réglementation l’est également avec des formations en lignes gratuites proposées par l’État. Appréhender toutes les subtilités de la réglementation et les contraintes locales demandera un peu plus de temps.
Par ailleurs, le drone ne remplace pas un berger en zone de prédation et ne permet pas d’apporter les croquettes aux chiens de protection. « Il faut compter entre 500 euros et 1 000 euros pour un drone simple, entre 2 000 euros et 3 500 euros pour un drone équipé d’une camera avec zoom et 4 500 euros pour une caméra thermique », estime Adrien Lebreton.
Dans un futur plus ou moins proche, le drone pourrait être couplé avec des outils d’intelligence artificielle. Par exemple, le projet Icaerus cherche entre autres à automatiser le comptage des moutons en faisant survoler un drone au-dessus d’un passage que les animaux franchiraient.
« Le drone n’est pas révolutionnaire pour les éleveurs mais reste un outil pratique qui peut alléger la surveillance des brebis au pâturage », récapitule Adrien Lebreton. Certains éleveurs, comme Nicolas Schneidermann, auteur de la chaîne Youtube « Berger du ciel », en profitent pour prendre de jolies photos de leur territoire : une belle manière de partager son quotidien.
Côté web
Consultez les aspects essentiels de l’utilisation des colliers GPS dans la vidéo élaborée dans le cadre du projet Pacapit : mrepaca.fr/pacapit-interet-des-gps-dans-les-troupeaux-ovins/
Le saviez-vous ?
L’utilisation d’un drone nécessite le respect de certaines règles dont :
Ne pas survoler des personnes et respecter la vie privée.
Ne pas dépasser 120 m par rapport au sol (sauf en zones de restriction qui sont nombreuses dans les zones pastorales).
Ne pas voler la nuit.
Ne pas survoler les espaces publics en agglomération.
Ne pas voler à proximité des aérodromes.
Respecter la législation des drones, se former et s’assurer.
« J’utilise des colliers GPS et je ne pourrais plus m’en passer »
Julien Giraud, éleveur dans les Alpes-de-Haute-Provence, a équipé quinze de ses brebis en colliers GPS suite à la perte d’un certain nombre de ses animaux.
Le troupeau de Julien Giraud, composé de 1 500 brebis, est divisé en petits lots qui pâturent des parcelles éloignées les unes des autres, compliquant sa surveillance. De plus, il habite sur le plateau de Valensole et amène ses brebis en estive dans la haute vallée de la Bléone, où les attaques de loup sont récurrentes. En 2019, l’éleveur perd plusieurs de ses animaux à cause de la prédation. Au-delà des brebis tuées, beaucoup d’entre elles se sont égarées. C’est pourquoi il décide de se tourner vers les colliers GPS. Il investit dans quinze colliers de la marque Digitanimal. Julien Giraud est satisfait du rapport qualité/prix et du service après-vente de l’entreprise. Dans le cadre du projet Pacapit, il teste deux autres modèles dont un satellitaire.
Moins de stress et une meilleure gestion
« Le matin, avant la levée du jour, je regarde où sont mes brebis sur l’application et je commence par vérifier les lots dont les colliers ont peu ou pas bipés », explique l’éleveur ovin. En effet, une partie de ses aires pâturées est en zone blanche, ce qui est une limite de la technologie. « Les colliers fonctionnent très bien avec la 4G et moyennement avec la 3G », observe l’exploitant.
Le mauvais réseau impact également l’autonomie des batteries. L’éleveur doit changer trois à quatre fois par an les batteries contre une à deux fois selon les prévisions du constructeur. « Les colliers GPS sont particulièrement intéressants quand les brebis sont dans les champs car toute fuite provoque des dégâts sur des parcelles qui ne sont pas forcément les miennes », ajoute l’éleveur. Il les utilise aussi en estive mais il relève la nécessité de se mettre d’accord avec les bergers car certains d’entre eux se sentent surveillés.
Au-delà de la surveillance en temps réel, Julien Giraud tire parti du suivi a posteriori du parcours des moutons. Cela lui permet d’optimiser le pâturage en faisant revenir ses bêtes là où elles n’ont pas beaucoup pâturé.
Transmission d’expérience
Convaincu de l’efficacité des colliers GPS, Julien Giraud partage son expérience avec d’autres éleveurs, contribuant ainsi à leur diffusion. « J’en parraine certains pour les aider à mettre en place les colliers GPS sur leur exploitation », se réjouit-il. Il compte, dans son secteur, une petite dizaine d’éleveurs qui s’y sont mis au cours de la dernière année. Globalement, l’adoption de cette technologie a considérablement allégé sa charge mentale, offrant une gestion plus efficace et sécurisée de son troupeau.