Races ovines
D´origine cevenole, la Raïole est résistante et facile à désaisonner
Races ovines
Cette race de brebis transhumantes fournit de l´agneau léger ou un agneau cornu et plus lourd pour l´Aït. Elle s´adapte à une alimentation rustique et son format s´est agrandi au fil du temps.
On dit que c´est parce que les Cévenols se voulaient directement dépendants de la couronne qu´on les appelait sujets royaux, « raïols » en langue d´oc. Ce qui leur était propre était aussi appelé raïol, c´est donc ce nom qui désigne la race de brebis cévenole, entre Alès, Florac, et le Vigan.
Elevée jadis en toutes petites unités dans un système de polyculture élevage, pour ne pas dire de pluriactivité, elle est menacée d´extinction au début des années 60. Les éleveurs, de moins en moins nombreux, croisaient leurs brebis avec le bélier fourni par le maquignon, sans sélection aucune, ni maintien de la race mère : le court terme était la règle, dans des circonstances socio-économiques particulières.
Une grande brebis cornue et bonne marcheuse
Seuls quelques éleveurs, pour la plupart bergers transhumants et regroupant pour l´été, sur les estives du mont Aigoual, ces petits troupeaux en un grand de 1500 têtes, ont su conserver la race. Ils étaient ainsi à même de faire, lors de saisons difficiles, la comparaison entre les croisées et la raïole : cette dernière s´avérait alors beaucoup plus résistante et meilleure marcheuse.
Ils étaient sans doute aussi désireux de maintenir ces grandes brebis à l´allure si particulière, à la tête longue et au chanfrein quelque peu busqué, aux cornes ouvertes, enroulées autour d´oreilles plus longues que celle des cousines Caussenardes ; à la toison fermée et aux mèches tassées portant bien les grands ciseaux utilisés ici pour cette tonte tout à fait particulière, dite « coutellade », qui est en fait de la sculpture sur mouton. C´est la seule race restée cornue dans le Massif central où toutes les autres ont été « désarmées » dès la fin du XIXe siècle.
Si presque toutes les brebis sont blanches, les toisons plus brunes ne sont pas exclues, de même que des colorations rousses ou noires des parties non lainées. Cette diversité, au moins pour quelques individus, contribue à maintenir le plus de variabilité possible au sein d´une race à très petit effectif. Si elle a gardé sa silhouette longiligne de marcheuse, ce n´est plus pour autant la petite brebis d´autrefois. Son format varie de moyen à lourd : un bélier de trois ans peut atteindre les 100 kilos.
Aptitudes rustiques et production d´agneaux jeunes
Adaptée au schiste et à l´arène granitique méditerranéenne, la Raïole valorise tout l´hiver châtaignes et glands de chêne vert, trouvant la fibre nécessaire pour ruminer dans les pousses de genêts à balai. Mais elle ne dédaigne pas, l´été, l´herbe des sommets de l´Aigoual ou du Mont Lozère.
Les regains d´automne, dans les rares prés cévenols, sont mis à profit pour assurer la lactation : l´essentiel des mises bas ont lieu en toute fin d´été, au retour de transhumance.
Le désaisonnement naturel de la race est en effet un de ses atouts. La prolificité, elle, n´est pas très importante, 1,2 en moyenne, mais suffisante pour des brebis conduites en extensif, qui ne sont vraiment complémentées qu´au moment de la lactation, et doivent trouver l´essentiel de leur vie dehors.
Si la valeur laitière peut atteindre plus de 300 g de GMQ pour certains agneaux simples (Dedieu B., 1982), elle est trop variable selon les individus, et reste à améliorer.
Mais la sélection, que ce soit pour la conformation ou la production laitière, n´est pas encore le souci principal des éleveurs : il faut d´abord et avant tout maintenir les 2000 brebis du cheptel, et ce avec un typage génétique « tremblante » des béliers qui ne facilite pas la tâche. En effet, comme pour la plupart des races rustiques, si l´allèle d´hypersensibilité (VRQ) est absent, en revanche la fréquence initiale de l´allèle de sensibilité, ARQ, atteignait 60 % au départ du programme. Il faut donc réussir à remonter le taux d´ARR sans diminuer la variabilité génétique de la race, tout en conservant des béliers de conformation correcte. Au départ, cela relevait presque de la gageure !
Les éleveurs sont généralement naisseurs et conduisent un troupeau de près de 200 brebis dans des pâturages difficiles. Certaines brebis vivent hors berceau et leur rusticité s´accommode même de la garrigue calcaire et d´un agnelage de printemps.
Les agneaux d´automne, pour la plus grande partie, sont commercialisés jeunes, soit pour l´engraissement soit pour l´export sur l´Espagne. Les agneaux nés au printemps sont souvent conduits jusqu´à l´Aït el Kébir : leur cornage favorise la vente.
Si, au départ du programme de conservation, les agneaux Raïoles étaient clairement moins conformés que les agneaux Rouge du Roussillon ou Caussenarde des Garrigues, la différence s´estompe peu à peu : la sélection mais aussi les efforts du programme pour augmenter la variabilité génétique de la race, en particulier en incitant les éleveurs à ne pas conserver les béliers plus de deux ans, prouvent ainsi leur efficacité.
Associer productivité et préservation de la diversité
Le Syndicat des éleveurs de brebis Raïole veille sur la race depuis 1977. Créé à l´initiative d´une poignée d´éleveurs, il fut soutenu à l´origine par le Parc national des Cévennes, déjà soucieux de biodiversité et du maintien des espaces ouverts par le mouton et la transhumance : la plupart des estives est en zone centrale du Parc. Le syndicat adhère à l´association créée en 1994 avec les éleveurs de Rouge du Roussillon et ceux de Caussenarde des Garrigues, autres races à petits effectifs du Sud Massif central.
Les mâles destinés à devenir des béliers sont repérés assez tôt, sur leur croissance sous la mère et leur conformation, génotypés dans le cadre du programme « tremblante », puis rentrent au centre d´élevage. Le premier souci du schéma est de diversifier les origines : chaque adhérent doit devenir à la fois fournisseur et acheteur de béliers, et il est clairement stipulé de ne pas conserver un mâle plus de deux ans, voire un seul dans les petites troupes, afin de limiter la descendance directe de chacun. Ces orientations, rompant les habitudes des éleveurs, ont pu générer quelques tensions, et certains ont toujours du mal à s´en accommoder ; mais globalement, la plupart joue le jeu.
Le syndicat regroupe aujourd´hui 10 membres et 2000 brebis. Parmi les trois races de l´association, ce fut longtemps celle dont l´avenir paraissait le plus précaire, à la fois en raison de ses performances zootechniques, modestes, et du devenir des bergers, en moyenne assez âgés et sans succession. Néanmoins, l´amélioration sensible de la qualité des animaux et l´installation de quelques jeunes éleveurs permettent d´envisager l´avenir plus sereinement
En savoir plus
Association des éleveurs
de brebis de races Raïole, Caussenarde des garrigues, Rouge du Roussillon
- Noëlle Tourrier
Languedoc-Roussillon Elevage, Mas de Saporta 34970 Lattes
Tél. 04 67 06 23 64
- Catherine Binot
Mas de Gervais
34380 Causse de la Selle
Tél. 04 67 73 11 58