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" Il faut donner la priorité à l'élevage ovin dans un projet agrivoltaïque "

Attendu depuis plusieurs mois, le décret fixant le cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme est paru le 9 avril. En plus de la loi, il définit un cadre réglementaire et prend en partie en compte les demandes des professionnels de la production ovine.

« Donner la priorité à l’élevage, dans un projet d’agrivoltaïsme ». André Delpech, éleveur ovin dans le Lot et membre de la Fédération nationale ovine (FNO) en charge du dossier agrivoltaïsme, appuie ainsi sur l’objectif premier du syndicat agricole dans la rédaction du décret fixant le cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme, paru le 9 avril.

Schéma : Les règles d'application de l'agrivoltaïsme ©Idele

Prévu par la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables de mars 2023, ce texte pose le cadre de l’agrivoltaïsme « qui désigne des installations associées à des pratiques agricoles (culture et élevage) permettant le maintien de la production et apportant un bénéfice agronomique » et le développement de « projets photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, qui ne sera quant à lui possible que dans des zones incultes ou non cultivées », rappelle un communiqué du gouvernement. La FNO se dit favorable à l’agrivoltaïsme, « il y a une bonne complémentarité entre les systèmes ovins pâturant et une centrale agrivoltaïque », souligne l’éleveur lotois.

Maintien du rendement agricole

Le texte précise aussi que le rendement agricole doit être maintenu pour l’ensemble de l’installation agrivoltaïque. Ce critère fera l’objet de contrôles spécifiques auprès des porteurs de projets, et les sanctions en cas de non-respect pourront aller jusqu’au démantèlement de l’installation agrivoltaïque avec remise en état de la parcelle. En cas de fraude avérée, la suspension ou la résiliation du contrat de rachat de l’électricité pourra être mise en œuvre. Un arrêté ministériel précisera dans les prochaines semaines les modalités de contrôle des installations.

La fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) accueille avec satisfaction ce matin ce décret paru après huit mois de retard. « Comme nous le réclamions, la réglementation ne restreint pas l’agrivoltaïsme à une culture, à une technologie ou à une taille de projet », se satisfait la fédération dont la présidente Audrey Juillac, estime que « la lecture du décret montre que les agriculteurs sont au cœur des projets agrivoltaïques ». La FFPA se satisfait aussi de l’absence de rétroactivité des décrets pour tous les projets agrivoltaïques déjà en cours d’instruction.

Un taux de couverture de 40 %

« Le décret va permettre d’harmoniser la politique sur l’agrivoltaïsme à l’échelle nationale, reprend André Delpech, là où avant le positionnement pouvait varier du tout au tout d’un département un autre. » À noter tout de même que l’arbitrage des dossiers sera réalisé par la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF), laissant ainsi encore une marge de manœuvre à un niveau plus local.

André Delpech, éleveur dans le Lot et membre FNO

Le taux de couverture – à savoir la surface totale de sol recouverte par les panneaux photovoltaïques – ne devra pas excéder 40 % pour les futurs projets. « C’est une contrainte d’avoir fixé un seuil au niveau national, explique André Delpech, qui aurait préféré l’application d’une fourchette pour le taux de couverture. Entre les climats différents dans les régions de France, les topographies, les besoins de production énergétique ou d’ombre pour les animaux ne sont pas forcément les mêmes. »

Mise à jour de la charte FNO

Mobilisés autour de la parution de ce décret tant attendu, les élus de la FNO vont travailler sur une mise à jour de la charte de bonnes pratiques en agrivoltaïsme. « Devant l’engouement des éleveurs ovins pour ces projets, la FNO essaye de les accompagner au mieux et d’éviter les écueils. » André Delpech rappelle ainsi qu’un certain nombre de développeurs de projets agrivoltaïques sont signataires de la charte. « Cela dresse une liste positive des entreprises qui sont prêtes à travailler dans les conditions souhaitées par la profession », rappelle l’éleveur ovin.

Moutons et pannneaux solaires

Dans le document mis à jour, il sera notamment question de hauteur minimale des panneaux, afin de faciliter la surveillance du troupeau et la possibilité de mécaniser pour semer ou ramasser l’herbe. La charte envisage l’agrivoltaïsme comme un levier d’attractivité à l’installation de jeunes porteurs de projet, notamment pour celles et ceux non issus du milieu agricole.

Des objectifs technico-économiques de production

« Nous rappelons également aux éleveurs qu’il s’agit bien d’élevage et non d’écopâturage. Ils sont tenus de produire des agneaux, au regard de leur niveau des années passées ou bien des références technico-économiques départementales pour les nouveaux installés, pointe André Delpech. De même, la gestion du pâturage doit être réfléchie, on ne va pas lâcher un tout petit troupeau dans un immense parc. On va se positionner sur du pâturage tournant, au fil avant – fil arrière, afin de maximiser la production d’herbe. »

Panneaux solaires dans un champ

Pour France Agrivoltaïsme « la question du rendement agricole pour l’élevage constitue une grande faiblesse du décret, car celui-ci ne définit ni les objectifs ni la méthodologie de calcul ». « Ce manque laisse la porte ouverte à des effets d’aubaines avec le développement potentiel de projets basés sur la seule activité énergétique au détriment de l’activité agricole », prévient l’association qui souhaiterait qu’un indicateur de calcul de rendement pour l’élevage herbivore comprenne la production fourragère associée au taux de chargement et aux taux de productivité numérique et que la baisse de ce rendement ne puisse excéder 10 %.

Environ 1 % de la surface agricole utile française pourrait être recouverte de panneaux photovoltaïques à terme. « C’est une bonne chose car les besoins en électricité grandissent sans cesse, néanmoins il est de notre devoir de rester vigilants pour le maintien des activités pastorales et d’élevage ovin », conclut André Delpech.

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