Conflits de voisinage
Quand les néoruraux ne supportent plus le bruit et les odeurs de leurs voisins animaux
Les querelles de voisinages entre agriculteurs et néoruraux font parfois sourire tant elles paraissent absurdes. Mais quand les histoires s’enveniment, plus personne ne rit. Faudra-t-il instaurer des lois pour protéger le patrimoine sonore des campagnes ?
Les querelles de voisinages entre agriculteurs et néoruraux font parfois sourire tant elles paraissent absurdes. Mais quand les histoires s’enveniment, plus personne ne rit. Faudra-t-il instaurer des lois pour protéger le patrimoine sonore des campagnes ?
Les coqs chantent trop fort, les cloches des églises sonnent trop tôt et les crapauds dérangent à l’heure de l’apéro… Sans parler des odeurs. La chaleur estivale échauffe sans doute les esprits. En 2019, le rififi est à son comble. Les histoires se multiplient, grossissent et se transforment en véritable bagarre judiciaire.
En juillet, ce sont des habitants de Pignols, dans le Puy-de-Dôme, qui se plaignent des déjections d’abeilles qui collent aux volets et autres tables de salon de jardin. Le pollen rejeté par les insectes producteurs de miel d’un couple d’apiculteurs du village fait tâche. Le maire de la commune de 320 habitants est en colère et appelle à « un peu de tolérance », peut-on lire dans Capital.
Lundi 5 août, France Bleu relate l’affaire d’un gérant de camping en Vendée qui attaque son voisin éleveur car l’odeur des canards fait fuir ses clients. L’aviculteur a huit jours pour trouver une solution. Alors, il installe des diffuseurs d’huile essentielle. Et désormais une bonne odeur de framboise plane au-dessus des vacanciers.
Dans le Cantal, ce sont les vaches Salers d’un éleveur de Lacapelle-Viescamp qui incommodent le voisin de la ferme. L’histoire dure depuis une dizaine d’années et est de nouveau retracée dans La Montagne en décembre 2018. Le propriétaire des vaches n’en peut plus. Première décision clémente, procédure d’appel du plaignant… Le jugement définitif impose une mise en conformité impossible sur cette exploitation ancienne datant de 1802. Une pétition est mise en ligne en 2017 et vient d'être relancée. Bruno Dufayet, président de la FNB, la Fédération nationale bovine, a lui-même signé. L’interprofession appelle les producteurs à suivre le mouvement dans un élan de solidarité.
En 2018, c’est un élevage de poules pondeuses qui dérangeait les 700 habitants du petit village de Lescout dans le Tarn. « Ca pue », commentait un riverain dans un reportage de France 2.
En réalité, ces conflits ne datent pas d’hier. Sans doute remontent-t-ils aux années 70, à l’époque où de jeunes citadins ont opéré un « retour à la nature », comme l’explique un reportage télévision archivé par l’INA. La difficulté est cette « rencontre entre deux univers », analyse le journaliste. Ces néoruraux sont parfois perçus comme des « envahisseurs » aux « notions sur la propreté qui sont un peu en marge », s’amuse M. Mortimort, maire de Fontanes dans l’Aude en 1979.
Et si habiter à la campagne nécessitait de pouvoir s'y accoutumer ? D'apprendre à vivre avec elle. Faut-il vraiment empêcher les coqs de chanter et les cloches de sonner ? Celui que l'on surnomme parfois le « député de la ruralité » répond clairement non et va plus loin. Pierre Morel-À-L'Huissier, élu Les Républicains de la Lozère, a eu l’idée d’inscrire ces traditions sonores et sensorielles propres à la campagne au patrimoine de chaque département. Il a préparé une proposition de loi pour « protéger » ces sons ruraux à l’origine de conflits entre riverains, rapporte Le Parisien. Sera t-il entendu ou fait-il trop de bruit ?
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