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Canicule 2022 : pourquoi le scénario de l'été 1976 se rapproche, selon Serge Zaka

La France connait cette semaine un exceptionnel épisode de canicule précoce après un début de printemps très chaud et sec. Un scénario proche de la sécheresse de 1976, explique Serge Zaka, agroclimatologue chez ITK.

Serge Zaka agroclimatoloque météo
Serge Zaka, agroclimatologue chez ITK, ce 14 juin aux LFDays à Paris.
© Nathalie Marchand

En quoi ce printemps 2022 est-il particulier sur le plan météo ?

Serge Zaka : Il y a beaucoup de choses à dire sur ce printemps. Il s’agit du 3e printemps le plus sec à l’échelle de la France et le plus sec pour le sud-est de la France. On a aussi eu un mois de mai 2022 exceptionnel. C’est le plus chaud jamais observé après plusieurs semaines d’excédent thermique. Donc c’est l’un des printemps les plus chauds et l’un des plus secs jamais observé en France.

S’oriente-t-on vers un nouvel été 1976 ?

Malheureusement on n’est pas très loin des chiffres de 1976 et de 2011. Tout dépend de ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines. La pointe de chaleur qui s’annonce va avoir des conséquences sur la température au niveau du sol. On se rapproche aussi de l’année 1921 où il y avait eu de la sécheresse sur tous les mois de l’année. Ce qui avait provoqué des millions de morts en Union soviétique. Mais pour l’instant nous n’en sommes pas là mais nous sommes proches de 1976 et 2011.

Dans le Sud-Est de la France, nous sommes sur un niveau hydrique catastrophique

Que faudrait-il pour s’éloigner du scénario de sécheresse de 1976 ?

Pour empêcher un scénario de sécheresse, il ne faut surtout pas d’orages. Ce qu’il faut c’est une baisse des températures et des pluies efficaces ce que l’on appelle des perturbations de flux d’ouest. C’est ce que l’on a observé la semaine dernière du Nord de la France mais avec la canicule qui arrive, ce qui est tombé comme eau va être perdu. Dans le Sud-Est de la France, il n’y a pas eu de pluie. Nous sommes sur un niveau hydrique catastrophique, avec un impact sur l’agriculture mais aussi sur les feux de forêts, les insectes et les oiseaux.

Blé : risque d'échaudage dans le Nord

Le pic de chaleur qui débute ce mercredi 15 juin au soir présente le plus de risque pour quelle production agricole ?

Nous sommes sur l’épisode de canicule le plus précoce depuis la création du thermomètre. On pourrait atteindre les 40 à 42°C de Nantes à Biarritz, atteignant ainsi des records annuels. Nous serons autour de 40°C sur la Méditerranée et de 35-39°C sur le reste de la France, on sera très proches des records de juin. Cela aura des conséquences très importantes sur les écosystèmes et sur l’agriculture. Les prairies vont être touchées : la pousse de l’herbe va s’arrêter sous l’effet de la chaleur et du manque d’eau, ce qui fera moins de foin. Pour les céréales, les blés sont très en avance, à l’exception du Nord où il y a un petit risque d’échaudage. Mais nous sommes déjà sur une production en recul de 15% en moyenne sur les céréales à cause de la sécheresse.

Il va commencer à y avoir un impact sur la vigne et l’arboriculture

Et puis il va commencer à y avoir un impact sur la vigne et l’arboriculture qui ont des racines plus profondes surtout au niveau de la Méditerranée. Dans les élevages, il risque d’avoir une évolution sévère de THI (indice de température et d’humidité) sur la façade atlantique et le sud-est ce qui peut conduire à des problèmes de bien-être animal, des pertes de rendement en lait ou des taux de reproductions moindres, surtout si la canicule se poursuit en juillet et en août.

Attention aux volailles, il y a un risque de mortalité accrue

J’ai aussi une inquiétude, peut-être injustifiée, par rapport aux volailles. Dans l’ouest de la France, elles sont confinées et si les bâtiments ne sont pas suffisamment aérés il y a un risque de mortalité accrue. Je m’inquiète particulièrement pour la Vendée, le sud de la Bretagne et le Sud ouest de la France. Il va falloir faire évoluer les bâtiments.

Des grosses chaleurs suivies d’orages intenses avec de la grêle : les agriculteurs doivent-ils se préparer à ces épisodes de plus en plus fréquemment du fait du changement climatique ?

Des épisodes de chaleur ? Oui, on ne peut pas le contredire. Le Giec l’a montré beaucoup de fois. Les canicules s’étendent de plus en plus sur juin et septembre. Pour les orages c’est plus compliqué, les indices de fiabilité sont plus faibles. Pour l’instant, il n’est pas prévu d’accentuation. Ce que l’on sait c’est qu’il y a plus de pluies lors des orages. Sur la grêle, nous n’avons pas de tendances fiables pour l’instant.

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