Les exosquelettes se développent en viticulture
Plusieurs firmes proposent des exosquelettes sous forme de harnais, visant à soulager les douleurs lombaires lors d'opérations répétitives telles que la taille, le liage ou encore l'épamprage de la vigne. Le point sur ces équipements.
Plusieurs firmes proposent des exosquelettes sous forme de harnais, visant à soulager les douleurs lombaires lors d'opérations répétitives telles que la taille, le liage ou encore l'épamprage de la vigne. Le point sur ces équipements.
1 Objectif protection lombaire
Dans le secteur viticole et sur l’année 2020, les troubles musculosquelettiques, ou TMS, ont provoqué 22 929 jours d’arrêt de travail chez les non-salariés et 201 645 chez les salariés, indique la MSA. Des chiffres à peu près stables d’une année sur l’autre, mais qui montrent bien l’ampleur du problème dans notre profession.
Ces TMS « touchent principalement les membres supérieurs (épaule, coude, poignet) et le rachis », stipule la MSA sur son site. Cette dernière zone est d’ailleurs celle qui vient spontanément à l’esprit des vignerons lorsqu’on les questionne. Taille, pliage, épamprage, expédition de cartons sont autant de tâches qui nécessitent une posture courbée et sollicitent le dos, provoquant des lombalgies. D’où l’idée de recourir à des exosquelettes pour soulager les lombaires.
2 Deux grandes familles d’exosquelettes
Selon Le Robert, un exosquelette est un « appareil motorisé fixé sur un ou plusieurs membres du corps humain pour lui redonner sa mobilité ou en augmenter les capacités ». En pratique, ou par déformation du langage, on estime qu’il existe deux types d’exosquelettes : les actifs et les passifs. Comme leur nom l’indique, les premiers utilisent la puissance et l’énergie d’un moteur pour soulager le corps. À l’inverse, les exosquelettes passifs emploient des systèmes de sangles, ressorts, élastiques, ou autres résistances, afin d’augmenter les capacités des utilisateurs. En viticulture, les exosquelettes proposés sont majoritairement passifs.
3 Une offre encore confidentielle
Plusieurs entreprises proposent des modèles adaptés aux vignerons : Auxivo, Corfor, Gobio, Ergosanté et bientôt RB3D. Certaines MSA, à l’instar de celle de Charente, proposent des prises en charge financières, notamment au niveau de la location longue durée afin de pouvoir tester ces équipements. Pour l’instant il n’y a pas d’aide spécifique au niveau national.
- L’helvète Auxivo propose le modèle Liftsuit, « un exosquelette textile léger et compact, qui soutient les muscles du dos et des hanches lors du levage d’objets ou du travail en position penchée vers l’avant », indique l’entreprise. Selon elle, la réduction de la charge est de 28 % au niveau des lombaires, pour une position debout à 60° d’inclinaison. Pesant 900 grammes, ce harnais est constitué d’éléments élastiques qui « stockent l’énergie pour soutenir l’utilisateur et réduire la charge de travail ». Une seule taille est disponible au tarif de 800 euros TTC.
- De son côté, Corfor dispose du Corfor V2, un harnais textile à base de sangles et d’élastiques. « Ces derniers se comportent comme des muscles synthétiques, et ont une puissance de 10 kg », met en avant Yves Labbe-Laine, président de l’entreprise. Cet exosquelette passif, qui ne pèse que 400 grammes, assiste toute la chaîne musculaire allant des épaules aux ischio-jambiers, en passant par les lombaires et les fessiers. Il se compose de bretelles, d’une ceinture et de genouillères et est facilement débrayable. La firme propose un modèle standard valant 125 euros HT, mais réalise aussi du sur-mesure pour les gabarits moins standards.
- Ergosanté commercialise le Hapo, un harnais passif de 1,4 kg. « Grâce à la présence de deux tiges latérales, 30 % de la tension et de la charge du dos est redirigée vers les cuisses et les fessiers », annonce Julien Louis, responsable commercial de la firme. Autre atout du modèle : il est débrayable, ce qui permet de changer d’activité sans avoir à ôter l’ergosquelette. Par ailleurs, « deux sangles permettent de régler l’assistance du Hapo, afin d’avoir une résistance plus ou moins grande », poursuit-il. Trois tailles sont au catalogue : S, M et L pour un prix, sans option, de 1 090 euros HT.
- La firme Gobio distribue l’IP13, une ceinture motorisée étirant la colonne vertébrale et ôtant la pression entre les disques lombaires. Cet exosquelette, qui pèse dans les 2 kg, est surtout destiné aux opérations de manutention. Il vaut dans les 6 500 euros HT.
- De son côté, l’entreprise bourguignonne RB3D devrait lancer une version viticole de son Exoback cet été. Actuellement en test, le prototype nécessite encore quelques ajustements, selon Olivier Baudet, responsable commercial de l’entreprise. Il fonctionne sur la base d’une assistance active lombaire, afin de faciliter la taille, le liage, l’épamprage, ou encore les opérations de mise en bouteille ou de manutention.
4 Des retours terrain positifs
La demande pour ce type d’équipement est en hausse constante en viticulture. « Pour garder des salariés jusqu’au bout, et recruter des jeunes qui refusent la pénibilité, les exosquelettes sont une solution », avance Béatrice Dalvozo, CEO d’HBR Innovation, spécialiste de la prévention des risques. Néanmoins, l’acceptation de ces harnais ne va pas toujours de soi. Auxivo propose donc « un accompagnement dans la phase de test et forme par la suite des référents produits internes à l’entreprise utilisatrice pour dupliquer l’information ». Corfor insiste également sur la phase d’apprentissage, « nécessaire pour acquérir les bons réglages et obtenir l’effet préventif souhaité ».
De son côté, la MSA signale plusieurs points de vigilance et insiste entre autres sur le fait qu'« au niveau physiologique se pose la question de contraintes exercées par l’équipement sur l’ensemble du corps et notamment sur le rachis (poids, encombrement) ». Il faut aussi surveiller « les effets d’un surdéveloppement de certains muscles, certaines articulations au détriment d’autres », poursuit l’organisme. Et de conclure qu' « au niveau de la prévention des TMS, il n’y a pas de solutions miracles. Il faut mettre en place une stratégie de prévention durable agissant sur les trois niveaux de prévention ».
Côté modèle, Béatrice Dalvozo, qui distribue toutes les marques, constate que le Liftsuit d’Auxivo est le mieux accepté dans les vignes. « Il ne se voit pas et est moins invasif que l’IP13 de Gobio, rapporte-t-elle. Il est aussi plus confortable que le Hapo, dont les tiges métalliques appuient sur la poitrine, ce qui est douloureux notamment pour les femmes. » Elle attend également beaucoup de l’Exoback : « le robotisé de RB3D est génial, c’est l’avenir, s’exclame-t-elle. Mais il pèse actuellement dans les 9 kg, c’est trop lourd ».
voir plus loin
Sans aller jusqu’à développer des exosquelettes complets, des entreprises planchent sur l’allègement des travaux et la réduction de la fatigue.
C’est le cas de Lecad Systèmes, avec son Cobosystème. Il s’agit d’un mécanisme visant à soulager le bras du poids du sécateur. Démontable, il se compose d’une tige courbée passant au-dessus de l’opérateur assis. Au bout, pend un dérouleur tenseur de câble, dont la plage de réglage s’étale de 400 à 1 000 g. À l’extrémité du câble, une dragonne vient supporter au choix le sécateur, la main ou le poignet. Cet outil est disponible en différentes versions selon le chariot, et vaut au maximum 195 euros HT, frais de port inclus.
De son côté, MDP Team propose le porte-cagettes Sherpa. Visant à remplacer la hotte pour les vendanges en cagettes, il se compose d’une armature en plastique de 3,2 kg, chevauchant les épaules du porteur. Ce dernier y clipse une cagette à l’avant et une à l’arrière, répartissant ainsi l’équivalent des 60 kg de vendange devant et derrière. Les épaules et le bas du dos sont rembourrés avec de la mousse, afin d’éviter tout frottement. Petit plus, le plastique contient des sarments bourguignons recyclés. L’entreprise vient de finir sa campagne de tests et compte lancer la version finale pour 2022, à un tarif d’environ 400 euros HT.
Enfin, Gobio expérimente l’Ironhand. « Il s’agit d’un gant bionique, visant à faciliter la taille », introduit Benoît Sagot-Duvauroux, responsable commercial de la firme. Des capteurs sont situés à l’extrémité de chaque doigt et dans la paume, et reliés à un boîtier électrique de 3 kg, situé dans le dos.
Lorsque les capteurs s’actionnent, des sortes de tendons artificiels aident les doigts à se fermer. Il s’emploie donc avec un sécateur manuel et vaut environ 6 500 euros HT. Les cyborgs ne sont plus très loin !