L’Ifip et Porc'spective testent trois protocoles de décapage du biofilm dans les canalisations d’eau des élevages de porcs
Les protocoles de décapage du biofilm présent dans les canalisations d’eau sont efficaces mais pas toujours suffisants s’ils ne sont appliqués qu’une seule fois.
Les protocoles de décapage du biofilm présent dans les canalisations d’eau sont efficaces mais pas toujours suffisants s’ils ne sont appliqués qu’une seule fois.
Le biofilm présent dans les canalisations d’eau peut encrasser l’ensemble du circuit (abreuvoirs, compteurs d’eau, pompes doseuses…) et héberger des agents pathogènes (SDRP, circovirus, Actinobacillus…). Il existe aujourd’hui des indicateurs pour facilement démontrer la présence d’un biofilm en élevage et évaluer l’efficacité de différents protocoles de décapage. Des essais ont été menés sur des circuits d’eau en post-sevrage, dans des salles de 30 élevages volontaires localisés en Bretagne et en Normandie. Dans ces élevages, il apparaît tout d’abord que la quantité de biofilm augmente le long de la canalisation : les bactéries revivifiables à 22 et 37 °C sont plus nombreuses en fin de ligne qu’en début de ligne. Cela s’explique par les fragments de biofilm qui se détachent régulièrement et qui contaminent l’aval du circuit dans le sens de la circulation de l’eau. Cette contamination est inévitable car l’eau circulante n’est pas stérile, même si elle vient du réseau public : elle contient des germes qui vont s’ancrer et se multiplier dans les tuyaux. De même, l’eau circulante contient toujours des particules (fer, manganèse, calcium, parfois des médicaments…) qui servent de supports voire de nutriments pour ces germes.
Protocoles de décapage efficaces mais inégaux
Trois protocoles physico-chimiques proposés dans le commerce ont été testés chacun dans dix élevages : Flushpipe (injection d’eau et d’air sous pression), Hydrocare (peroxyde d’hydrogène stabilisé par des chélates d’argent) et le protocole Base-Acide avec Alcanete (détergent alcalin) puis Cid 2000 (peroxyde d’hydrogène - acide peracétique). Après application, tous les indicateurs testés ont montré une baisse significative de la quantité de biofilm : dans sept élevages sur neuf qui avaient une eau colorée (surtout orange car riche en fer), la couleur a disparu. La couche de biofilm qui colorait l’eau a donc bien été décapée. Le nombre de bactéries revivifiables à 22 et 37 °C et la mesure d’ATPmétrie (une méthode rapide de mesure de la contamination biologique des surfaces) ont également significativement diminué d’un facteur 10 après l’application du protocole. De même, l’intérieur des canalisations, inspectées par caméra endoscopique, est devenu plus propre. En revanche, aucun des trois protocoles de décapage testés n’est ressorti statistiquement meilleur que les autres. Et surtout, les taux de réussite des protocoles ont été variables selon les indicateurs. Par exemple, le protocole Flushpipe a réussi à diviser par 10 le nombre de bactéries revivifiables à 37 °C dans seulement 40 % des cas, contre 71 % pour Hydrocare et 71 % pour le protocole Base-Acide. De même, l’examen par caméra endoscopique a montré que le protocole Base-Acide avait amélioré la propreté des canalisations dans 62 % des cas, contre seulement 22 et 20 % pour les protocoles Flushpipe et Hydrocare. Finalement, après analyse de tous les indicateurs, le protocole Acide-Base semble le plus efficace. Flushpipe a eu un effet mécanique intéressant pour commencer à déstructurer le biofilm. Mais il pourrait être complété par un protocole chimique pour obtenir un résultat optimal. Hydrocare a montré des résultats moins réguliers selon les indicateurs.
Un biofilm résiduel persistant
Cependant, même en cas de réussite du protocole, le biofilm persiste. Cela peut s’expliquer par l’efficacité seulement partielle des protocoles appliqués sur un biofilm ancien et incrusté dans une canalisation jamais ou peu décapée. En effet, seuls quatre élevages sur 30 (13 %) avaient réalisé un décapage ponctuel du biofilm sur les deux dernières années. Par ailleurs, dans certains élevages, l’eau était déjà chargée en bactéries en début de ligne, si bien que le biofilm a continué à s’installer malgré l’application d’un protocole. Dans une prochaine étude, il serait intéressant d’évaluer la faisabilité d’une élimination totale du biofilm en renouvelant plusieurs fois les protocoles dans un même circuit et en s’assurant de l’absence de bactéries dans l’eau en début de ligne.
La présence du biofilm évaluée par cinq indicateurs
Le taux de réussite des protocoles a été évalué pour chaque indicateur qui permet de mesurer la présence d’un type de biofilm :
ATP = Niveau de contamination biologique par tout type de microbes (bactéries, levures, moisissures…) au niveau de la surface interne de la canalisation.
END = Niveau de propreté de l’intérieur des canalisations par caméra endoscopique : note 0 = propre ; note 1 = léger dépôt à la surface ou présence de traces laissées sur le passage de la caméra ; note 2 = dépôt important obstruant rapidement la caméra.
COUL = Niveau de coloration de l’eau prélevée dans un pédisac : note 0 = eau claire ; note 1 = eau colorée
La réussite d’un protocole a été définie de la façon suivante : pour G22, G37 et ATP, il fallait atteindre un résultat après protocole qui soit inférieur au résultat avant protocole dans un rapport de 10. Ce rapport de 10 est celui qui est utilisé pour démontrer une variation significative de la contamination en G22 et G37 dans les eaux destinées à la consommation humaine. Pour END et COUL, l’objectif était de passer d’une note de 2 à 1 ou 0 ou d’une note de 1 à 0.
À retenir
Dans une étude récente, seuls 13 % des éleveurs avaient décapé le biofilm durant les deux dernières années.
Un seul protocole de décapage peut ne pas être suffisant pour éliminer tout le biofilm du premier coup : il faudrait répéter le protocole pour décoller les couches anciennes et incrustées.
Plusieurs facteurs de risque de développement du biofilm
L’origine de l’eau était un puits ou un forage pour 24 élevages sur 30 (80 %) et le réseau public pour six élevages. L’âge des canalisations était compris entre 19 et 33 ans pour dix élevages (33 %), 9 et 18 ans pour 12 élevages (40 %) et 1 et 8 ans pour huit élevages (27 %). La désinfection de l’eau était faite par du chlore pour 16 élevages (53 %), du peroxyde d’hydrogène pour quatre élevages (13 %), du dioxyde de chlore pour quatre élevages, du PHMB pour un élevage. Il n’y avait pas d’utilisation de biocide dans cinq élevages (17 %). La purge du circuit de post-sevrage n’était jamais pratiquée pour 12 élevages (40 %), rarement pour six élevages (une seule fois à l’entrée de la bande) et régulièrement pour 12 élevages (les premiers jours après l’entrée). Enfin, seuls quatre élevages (13 %) avaient réalisé un décapage de biofilm sur les deux dernières années. L’analyse statistique des données a montré qu’aucune de ces pratiques de gestion de l’eau n’est ressortie comme un facteur de risque de la présence de biofilm. Cela pourrait s’expliquer par un effectif d’élevages insuffisant ou par le caractère multifactoriel et complexe du processus de formation du biofilm.