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L’herbe pâturée : l’aliment pour les ovins le moins cher sur le marché

Que le prix des matières premières agricoles s’emballe ou non, l’herbe reste toujours l’aliment le moins coûteux du marché pour l’alimentation des ruminants. Sa valeur nutritionnelle et son faible coût de production en fait un atout à privilégier dans sa conduite d’élevage.

Au stade feuillu, l’herbe affiche 1 unité fourragère et 200 grammes de matières azotées totales par kilo de matière sèche, et 1 centimètre d’herbe fraîche représente 100 kg de matière sèche par hectare, un vrai aliment complet et qui n’a pas besoin d’être distribué. Lorsque la conjoncture s’emballe sur les coûts des aliments et de la mécanisation, optimiser l’utilisation de l’herbe et multiplier les opportunités de pâturage permet d’alléger la facture.

Rendre accessible le pâturage en toute saison

Afin d’agir sur son niveau de charges, une solution complète – notamment en matière de mécanisation – est un recours plus important au pâturage, quelle que soit la saison. Cela nécessite de revoir l’utilisation de son parcellaire et peut nécessiter de faire pâturer des surfaces qui jusqu’alors ne l’étaient pas.

Les prérequis à une optimisation du pâturage passent par disposer d’un parcellaire suffisamment regroupé, facilement accessible, proche de la bergerie et aux sols suffisamment portants toute l’année. Il faut pouvoir assurer un abreuvement sur l’ensemble des parcelles pâturées. Dans certains cas, il sera nécessaire de réaliser des échanges parcellaires ou même de prévoir des investissements fonciers de long terme, comme l’aménagement de chemins d’accès, ou encore la pose de clôture et éventuellement des opérations de drainage.

Cette quête d’optimisation du pâturage est menée afin de valoriser au maximum la consommation par les animaux d’herbe sur pied, si les conditions climatiques le permettent. Cette durée d’allongement du pâturage aura pour conséquence un hivernage en bergerie beaucoup plus court. Si les brebis passent moins de temps en bergerie, cela aura un effet sur la quantité d’aliments et de fourrage distribués. En contrepartie, des effets se feront également sentir sur les quantités de paille utilisée et de fumier disponible.

Valoriser l’herbe partout où elle se trouve

Le pâturage tournant permet d’exploiter la ressource en herbe de façon optimale, les animaux bénéficient d’une alimentation de qualité, il n’y a pas de gaspillage à condition d’avoir un chargement assez élevé et en faisant avancer régulièrement le troupeau, on évite de dégrader le potentiel de la surface. Il existe toute une gamme de techniques, depuis le pâturage tournant « traditionnel », avec un chargement instantané 80 brebis par hectare pour un temps de séjour de l’ordre d’une semaine, jusqu’au pâturage cellulaire, avec 1 000 brebis par hectare pour un jour ou deux.

En complément de la surface fourragère principale ovine, les troupeaux ovins peuvent pâturer sur tout type de surfaces agricoles : des prairies bovines, des intercultures, des vignes, des vergers, etc. Les projets Brebis_Link et Poscif ont montré que la ressource présente dans les vergers, les vignes ou dans les intercultures était équivalente à une herbe de printemps. Toutes ces surfaces additionnelles sont accessibles de la fin de l’été jusqu’au printemps. Pour la période estivale, les surfaces pastorales et les estives offrent des ressources très intéressantes.

Attention, si le pâturage de surfaces additionnelles est assez similaire à une conduite en prairie, mieux vaut être bien équipé pour poser les clôtures et abreuver les animaux. Au-delà d’une dizaine de kilomètres de distance de la bergerie, il faut que la quantité d’herbe vaille le déplacement.

Des économies et pas seulement sur le poste alimentation

Gérer le pâturage et trouver des surfaces additionnelles permet de préserver les prairies et de les faire durer plus longtemps. Le pâturage des intercultures permet de diminuer le coût de la destruction. Les céréaliers et les polyculteurs éleveurs interrogés dans les projets Inter-Agit + et Poscif déclarent économiser 30 minutes de tracteur par hectare lors de la destruction des intercultures. Enfin en diluant la pression de pâturage (sur prairie bovine, sur surfaces additionnelles), les éleveurs cherchent à mieux gérer le parasitisme et à diminuer les achats de produits vétérinaires.

Camille Ducourtieux, chambre d’agriculture de Dordogne - projet Brebis_Link

Le pâturage additionnel, une pratique vraiment durable

Camille Ducourtieux, chambre d’agriculture de Dordogne - Projet Brebis_Link
Camille Ducourtieux, chambre d’agriculture de Dordogne - Projet Brebis_Link © DR
« Au-delà de tous les effets bénéfiques d’un point de vue économique, le pâturage de nouvelles ressources fourragères permet de répondre à de nombreux enjeux du monde agricole et ovin en particulier. Tout d’abord, cette ressource supplémentaire allège la charge mentale des éleveurs qui retrouvent de l’autonomie alimentaire. C’est à la fois un levier d’adaptation au changement climatique et une réponse à la flambée des prix de tous les types d’intrants. Cette pratique peut répondre plus largement aux attentes des éleveurs avec des effets sur le travail et surtout, elle est en totale adéquation avec les attentes de la société sur les pratiques agroécologiques. C’est enfin un vrai mouton à cinq pattes. »

Investir pour développer le pâturage et réduire les charges alimentaires

Sébastien Bellec, 490 brebis sur 75 ha, à Plouray (Morbihan), a aménagé  500 m de chemins reliant ses parcelles de pâturage à son bâtiment.
Sébastien Bellec, 490 brebis sur 75 ha, à Plouray (Morbihan), a aménagé 500 m de chemins reliant ses parcelles de pâturage à son bâtiment. © B. Morel
« Installé depuis 2014 sur 74 ha, j’ai développé progressivement mon atelier ovin pour atteindre 450 brebis en 2022. Ce sont majoritairement des brebis croisées, sur une base Romane, pour sa capacité à désaisonner », explique Sébastien Bellec, éleveur de 490 brebis à Plouray, dans le Morbihan. Son système repose sur quatre courtes périodes de mises bas en août, décembre, mars et juin, afin de produire des agneaux en filière label Rouge (Brocéliande) et Bleu Blanc Cœur. « Jusqu’à présent, toutes les lactations (75 jours) se faisaient en bergerie avec des fourrages stockés, principalement sous forme d’enrubannage. Désormais mon objectif est de diminuer la part des stocks récoltés et les concentrés en valorisant au maximum le pâturage. »

Un parcellaire groupé et alimenté en eau

L’éleveur dispose de parcelles portantes, groupées autour de ses bâtiments, bien desservies par un réseau d’adduction d’eau. Ainsi, il pousse la réflexion pour aller plus loin dans son système. « Mon objectif est de faire pâturer toute l’année les différents lots de brebis en lactation en gardant la même conduite pour les agneaux. Le matin, je sépare les brebis des agneaux grâce au cornadis, avant de les mettre au pâturage. Le soir, elles retrouvent leurs agneaux pour la nuitée en bergerie. »

Des chemins pour les brebis

Pour faciliter les déplacements, l’éleveur a réalisé plus de 500 mètres de chemins dédiés uniquement au troupeau, depuis la bergerie principale, pour desservir ses deux sites et l’ensemble du parcellaire. Ces chemins lui permettent de réduire les interventions de parage et les boiteries, grâce à l’usure régulière des onglons sur ce sol dur et compact. « Pour gagner du temps, j’ai également installé un système de tri automatique des différents lots de brebis au retour à la bergerie. Globalement le travail sera un peu moins important (astreinte de la distribution des aliments et du paillage), mais surtout plus agréable. »

Le coût global pour la réalisation des chemins, des clôtures et le système de tri des brebis est de 55 000 euros, duquel il faut déduire 17 000 euros d’aides (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles-PCAE avec volet bien-être animal). Avec cet investissement, Sébastien Bellec espère économiser 70 kilos d’enrubannage par brebis et par an, soit 8 hectares de moins à récolter, ainsi que 20 kilos de céréales. Une réduction de la consommation de paille, de l’ordre de 20 tonnes, est également prévue.

Alain Gouëdard, chambre régionale d’agriculture de Bretagne

Pascal Meulé, éleveur dans la Nièvre (130 brebis, 100 vêlages, 138 ha)

Davantage de pâturage en hiver et moins de concentrés pour les ovins

Pascal Meulé, éleveur dans la Nièvre (130 brebis, 100 vêlages, 138 ha).
Pascal Meulé, éleveur dans la Nièvre (130 brebis, 100 vêlages, 138 ha). © B. Morel
« Sur notre exploitation, lorsque les vaches rentrent en bâtiment, le troupeau ovin reste au pâturage et valorise l’herbe de 51 hectares de prairies permanentes et 9 hectares de ray-grass italien nouvellement semés en automne. Il valorise l’herbe sur pied non consommé par les vaches avec des mises bas dès fin octobre. Avec ce système, les brebis hivernent 50 jours par an uniquement pendant la période d’agnelage et consomment donc peu de fourrages stockés (120 kilos de matière sèche par brebis et par an). Par ailleurs, ce pâturage hivernal réduit les consommations de paille des animaux en bâtiment et donc des achats extérieurs (0,3 kilo de paille environ par brebis et par jour). Au niveau des concentrés, 5,4 kilos sont distribués par kilo carcasse produit en maximisant la conduite à l’herbe. En maîtrisant la pression parasitaire des ovins grâce à la mixité, nous avons réduit les frais d’achat de produits antiparasitaires, c’est toujours une petite économie pour conserver un atelier ovin rentable économiquement. Avec la diversification, nous avons gagné en souplesse et en résilience face aux aléas conjoncturels. »
Propos recueillis par Christophe Rainon, chambre d’agriculture de la Nièvre

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