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On a retrouvé Julien Denormandie, l’ancien ministre de l’Agriculture s'engage pour le climat avec Sweep !

Nous avons retrouvé Julien Denormandie, neuf mois après son départ du gouvernement. L’ex-ministre de l’Agriculture répond à nos questions sur sa nouvelle vie, au sein notamment de la start-up Sweep.

Julien Denormandie, ex-ministre de l'Agriculture
Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture, désormais chief impact officer de la start-up Sweep.
© Nathalie Marchand

Le 5 septembre 2022, la start-up Sweep, spécialisée dans le conseil en réduction des émissions de carbone pour les entreprises, se félicitait d’avoir recruté l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie comme chief impact officer. Il a accepté un entretien cette semaine, dans un espace de coworking parisien, pour qu’il nous parle de ses nouveaux engagements.
 

Depuis votre arrivée chez Sweep vous travaillez à des solutions concrètes pour réduire les émissions CO2 des entreprises, dans quelle mesure l’agriculture s’intègre dans ces solutions ?

Le changement climatique c’est un défi générationnel. Le dernier rapport du Giec montre à quel point le compte n’y est toujours pas. L’urgence est là et les impacts peuvent être absolument massifs pour les populations partout dans le monde.

Ce changement climatique nous oblige à agir avec force pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et réduire le réchauffement de la planète.

A ce titre, l’agriculture joue un rôle fondamental.

L’agriculture et la chaîne agroalimentaire font partie des secteurs les plus impactés par le changement climatique, qui implique des épisodes de sécheresse, de gels tardifs, des pluies diluviennes venant percuter totalement nos modes de production puis les chaines de transformation. Il y a donc une importante question qui est celle de la résilience de nos modèles agricoles et alimentaires face au changement climatique

L’agriculture et la chaîne agroalimentaire peuvent aussi être indéniablement une partie de la solution. C’est le sol qui, après la mer, capte le plus de CO2 sur la terre, et donc l’agriculture est pourvoyeuse de solutions.

Lutter contre les émissions de CO2 est à la fois une obligation et une opportunité

Au final pour l’agriculture et l’alimentation, lutter contre les émissions de CO2 c’est à la fois une obligation et une opportunité.

Il nous faut, comme dans tout secteur d’activité, réduire nos émissions et on sait que l’on a des défis importants liés au CO2 et au méthane mais aussi au protoxyde d’azote. C’est une obligation de savoir comment on entre dans ces chemins de réduction.

Mais c’est aussi une opportunité car lutter contre le changement climatique peut être un facteur différenciant dans l’alimentation, aujourd’hui et encore plus demain. Au niveau des industriels ou des consommateurs, la demande de baisse des émissions de CO2 va être de plus en plus forte. Ceux qui auront pris ce chemin-là à l’échelle internationale seront ceux qui seront les plus résilients et probablement ceux qui arriveront à créer le plus de valeurs.

Voir l'interview vidéo décalée de Julien Denormandie


Qu’est-ce qui va amplifier ce phénomène selon vous ?

Dans l’alimentation, une nouvelle réglementation au niveau de l’Union européenne va imposer en 2025 (sur les données 2024, directive CSRD, ndlr) aux industriels ou distributeurs de calculer leurs émissions de CO2 y compris de leur Scope 3. Les industriels sont aujourd’hui de plus en plus soucieux de la réduction du CO2 en amont de la chaîne, face parfois à des distributeurs qui ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne se fourniraient au-delà d’une certaine date qu’auprès d’entreprises qui respectent des trajectoires SBTi (de réduction de carbone). Des industriels ont aussi d’ores et déjà pris des engagements de réductions drastiques de leurs émissions sur leurs propres périmètres 1 et 2 mais aussi en amont ou en aval sur le Scope 3.

Par ailleurs, les crédits carbone agricoles, sujet qui me tient ô combien à cœur et qui aujourd’hui connaît une dynamique, intéressent beaucoup d’entités qui veulent limiter et contribuer à la limitation des émissions de CO2. C’est une autre source d’intérêt pour le monde agricole.
 

Et au niveau de Sweep quel est votre rôle dans tout ça ?

Sweep est une entreprise à mission, ce qui est très important pour moi. Dans notre objet social on a cette volonté d’accompagner les acteurs vers cette réduction des émissions carbone et de lutter contre le réchauffement climatique en fournissant l’outil nécessaire aux entreprises pour pouvoir évaluer leurs émissions de manière très précise, établir les chemins de réduction en comparant les scénarii et pouvoir s’assurer que les acteurs atteignent bien ces objectifs de baisse, et puissent communiquer de façon auditable et certifiable. Sweep a une approche collective du carbone. Ce n’est pas qu’une solution à titre individuel, cela permet d’avoir une vision sur la totalité de la chaîne de la valeur. On a une offre spécifique qui s’appelle Sweep for supply chain qui permet d’avoir cette approche-là.

Et Sweep met en contact les entreprises avec les porteurs de projets, qui par exemple font du crédit carbone dans le monde agricole ou dans des domaines forestiers, pour les aider à faire la contribution, c’est-à-dire réduire des émissions mais aussi éviter des émissions mais aussi pouvoir compenser certaines émissions.
 

Dans vos clients j’imagine que vous avez de l’agroalimentaire et dans les porteurs de projets des choses sur la captation du carbone dans le sol…

Exactement, nous avons beaucoup de discussions avec le monde alimentaire qui est très intéressé par ces solutions pour plein de raisons : l’alimentation est une source d’émissions de CO2, les industriels ont pris des engagements très forts mais aussi les distributeurs. La question fondamentale étant vont-ils oui ou non pouvoir tenir leurs engagements ? C’est très important, c’est le respect de la parole donnée, l’attente des citoyens et la réglementation va leur imposer d’être transparents et auditables.

C’est aussi une opportunité pour le monde agricole. Et en France, le monde agricole travaille depuis fort longtemps sur cette question du carbone. Quand j’étais ministre j’avais convié les 26 autres ministres européens en février 2022 à Strasbourg durant deux jours sur la thématique du CO2. Le monde agricole français avait d’ores et déjà une vision bien établie avec une dynamique. Je pense notamment à ce que les Jeunes agriculteurs ont porté sur la captation du carbone, aux diagnostics CO2, au développement de France Carbone Agri. C’est une opportunité pour l’agriculture française face à des pays dont l’agriculture ne se soucie guère du CO2. On a évidemment en tête des importations liés à la déforestation. Et on a cet élevage herbager français auquel je suis tant attaché dont le bilan carbone est bien meilleur que des élevages de bovins qui ne voient pas le jour en Amérique du Sud.

 

Les agriculteurs français sont donc en avance selon vous sur la question de la captation du carbone ?

C’est un fait, quand j’étais ministre, au niveau européen c’était très clairement la France qui était motrice sur le sujet. Ce qui ne veut pas dire qu’on est au bout de la chose. Cela veut dire que les agriculteurs ont lancé cette dynamique sans attendre quiconque, que ce soit sur les diagnostics carbone, la question des émissions des engrais, l’élevage herbager, la recherche dans des fermes d’apprentissage sur la question du méthane ou l’agriculture de conservation, qui a une place significative dans notre pays, ou la constitution d’écosystèmes avec des labels bas carbone.

 

La vente de crédits carbone est-il un revenu d’avenir pour les agriculteurs selon vous ?

Et en terme monétaire, oui je suis persuadé que les crédits carbone peuvent être une source de revenus additionnels pour les agriculteurs. Mais cela nécessite a minima que l’approche perdure au niveau européen. Dès lors que l’Europe va considérer le carbone agricole comme quelque chose qui ne soit qu’une obligation cela ne fonctionnera plus. Je me suis toujours battu pour qu’au niveau européen les crédits carbone agricoles puissent être considérés sur le marché volontaire pour que les agriculteurs puissent vendre ces crédits carbone.

Il ne faudrait pas que les crédits carbone deviennent les nouvelles pénalités logistiques

Mais attention aussi au niveau des négociations commerciales, il ne faudrait pas que les crédits carbone deviennent les nouvelles pénalités logistiques, si vous voyez ce que je veux dire ! Il ne faudrait pas que les crédits carbone deviennent une nouvelle source de revenu pour certains distributeurs qui les intègreraient directement dans le prix sans en faire une rémunération venant s’ajouter à la facture.
 

Quel rôle peuvent avoir les start-up pour structurer ce potentiel marché des crédits carbone ?

Cette dynamique impose d’avoir des outils. La question du carbone est très compliquée donc cela nécessite pour les entreprises d’avoir des outils qui leur simplifient la vie. C’est le rôle de Sweep ! Face à des industriels qui sont dans la complexité de la collecte de la donnée, sa mesure, sa vérification, l’évaluation des bonnes trajectoires de réduction, leur comparaison avec les trajectoires réalisées, notre rôle est de rendre simple cette complexité.

On travaille pour des entreprises qui se situent dans tous les secteurs d’activité (les services, les industrie, l’agriculture, le financier). Le carbone est invisible, avec pourtant des conséquences incroyablement visibles. Comment le rendre réel dans les livres des entreprises ? Eh bien c’est par la donnée. Le pari est que demain la donnée carbone ou plus généralement la donnée extrafinancière va devenir aussi importante que la donnée financière. L’approche par la donnée n’est permise que par une approche comme la nôtre.

Nous relions par les systèmes d’information toutes les entités de l’aval à l’amont ou de l’amont à l’aval. Cette approche collective est très intéressante notamment pour des fédérations, des grands groupes ou pour des chaines de production.
 

Et la finance ? Pourrait-elle devenir l’alliée du climat ? On en est loin non ?

Vous faites référence à une tribune que j’ai publiée dans les Echos il y a quatre mois au titre volontairement provocateur. Non le compte n’y est pas ! Le CDP (Carbone disclosure project, ndlr), entité tutélaire sur le carbone, a publié il y a deux ans une étude qui disait que sur 27 000 milliards d’actifs sous gestion moins de 1% étaient conformes aux objectifs des accords de Paris.

Le changement d’approche de la finance sur cette question climatique doit être plus fort. Chez Sweep, on accompagne les acteurs financiers, de plus en plus intéressés car la réglementation européenne leur impose de le faire, mais je le redis, le compte n’y est pas.

Dans l’approche financière il y a un critère qui n’est jamais pris en compte dans les modèles actuels c’est de savoir si de la création de valeur peut se faire sur une externalité négative. Peut-on dire qu’un modèle qui conduit à gagner de l’argent avec des importations qui créent de la déforestation est faisable ? A l’évidence non, dans le domaine commercial ! Dans le domaine financier, des règles doivent être définies, les choses doivent évoluer dans le même sens.

Tous ceux qui disent qu’il faut arrêter d’utiliser des engrais n’ont jamais mis les pieds dans des champs

Comment faire pour que la protection de l’environnement, la réduction des émissions de CO2 soit un élément reconnu dans le calcul de la valeur ? Ca me paraît absolument essentiel ! Est-il possible aujourd’hui que le capital puisse être rémunéré dès lors qu’il est fondé sur une destruction environnementale….C’est un sujet très complexe car il y a des périodes de transition. On ne va pas s’arrêter du jour au lendemain d’utiliser du pétrole. La question des engrais est aussi incroyablement complexe. C’est la nourriture de la plante. Tous ceux qui disent qu’il faut arrêter d’utiliser des engrais n’ont jamais mis les pieds dans des champs. A contrario, tous les investissements qui permettent d’investir massivement dans la production d’engrais moins émissifs en protoxyde d’azote doivent être rémunérés de manière additionnelle.

La finance doit être un acteur du climat. La grande difficulté c’est que la finance ne sait pas appréhender la finitude des choses. Or il y a une finitude des ressources sur terre.
 

C’est très politique votre discours, la politique ne vous manque pas ? Envisagez-vous d’y revenir ?

Je suis complètement amoureux du monde agricole et alimentaire, je suis personnellement un engagé. J’ai été incroyablement heureux et honoré de pouvoir servir mon pays, j’en suis infiniment reconnaissant au président de la République.

Je pense que l’engagement n’est pas que dans la sphère publique

Mais je pense que l’engagement n’est pas que dans la sphère publique, il peut aussi être dans la sphère associative ou privée. Rejoindre une entreprise à mission, sur cette belle mission de lutter sur les impacts du changement climatique, est pour moi une forme d’engagement incroyablement pertinent et fort. Je le fais avec toute mon énergie et ma conviction.

Après pour le reste, la vie est longue….

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