Allemagne
L’élevage connecté fait une entrée fracassante à Eurotier
Les nouvelles technologies connectées étaient largement présentes au salon allemand. Des solutions concrètes applicables en élevage ont été présentées.
Les nouvelles technologies connectées étaient largement présentes au salon allemand. Des solutions concrètes applicables en élevage ont été présentées.
Avec 2 600 exposants et 155 000 visiteurs, Eurotier justifie une fois de plus le titre de premier salon mondial de l’élevage. Mais ne nous y trompons pas : malgré sa taille impressionnante il ne recèle pas de révolutions, du moins pour l’élevage porcin. Ainsi, quand on voit la liste des innovations primées dans le domaine des équipements, c’est plutôt une déception. On a le sentiment d’assister plutôt à des adaptations qu’à de véritables innovations.
Toutefois, une première impression au détour des allées indique clairement que les technologies connectées se développent fortement. Impression confirmée par la présence fréquente sur les stands des logos NFC (Near Field Communication), RFID (Radio Frequency Identification), bluetooth, wifi… Clairement, Eurotier présente l’image d’un élevage connecté allant d’automates complets comme les Dacs, en passant par des caméras permettant de peser, jusqu’à proposer des ventilateurs intelligents capables de fournir de l’information sur la vitesse de rotation, les problèmes d’usures, etc.
Quand le paiement sans contact donne des idées à l’élevage
Encore peu présent en France, l’Autrichien Schauer, connu principalement par son système d’alimentation Spotmix, disposait d’un stand bien plus conséquent qu’au Space. La principale innovation qui, bien qu’assez peu visible, n’en perd pas moins de l’intérêt, concerne l’identification de l’ensemble des descentes d’aliments (soupe ou sec) par la technologie NFC (Near Field Communication). Cette technologie est un système d’identification sans fil qui nécessite d’être très proche de la puce qui stocke uniquement un numéro d’identification. Elle est identique à celle utilisée pour le paiement sans contact avec les cartes bancaires. Grâce à cette identification, il devient très facile pour l’éleveur d’ajuster ses courbes d’alimentation par exemple. Ainsi lorsque l’éleveur fait ses tournées journalières, s’il s’aperçoit qu’il reste de l’aliment dans l’auge, il a juste à scanner la puce NFC en posant son smartphone contre celle-ci. Le smartphone reconnaît automatiquement la descente et l’éleveur peut réduire les quantités d’aliment affectées à cette case. Il peut aussi indiquer un départ d’animaux pour que la machine à soupe tienne compte du nombre de porcs restant dans la case.
Dans le même registre, Asserva, également présent à Eurotier, propose cette technologie dans le système d’alimentation connecté des truies gestantes : le SMC pour Sow Meal Control (contrôle du repas des truies). Plus besoin de noter sur un carnet ou de retenir les modifications à apporter truie par truie, il suffit de scanner la puce NFC et, via l’application, de modifier directement les apports d’aliment… Asserva utilise également cette technologie dans Smartpharm, une application qui permet d’avoir un carnet de santé électronique. L’éleveur n’a plus à écrire les traitements réalisés, il doit juste scanner la puce NFC du médicament, puis celle de la salle ou de la case pour que le traitement soit enregistré.
PigBrother is watching you
L’autre fait marquant du salon est la très forte présence des technologies d’analyse d’images. Les mots sont faibles, car, si en élevage porcin, les solutions utilisant les caméras sont encore peu fréquentes, les autres espèces, notamment les ruminants, proposaient des dizaines de solutions tournant autour de l’intelligence artificielle et de la prise d’image en élevage.
Présenté sous forme de prototype cette année au Space par Fancom France, l’Eye Grow propose une pesée vidéo des porcs charcutiers. Le dispositif est constitué d’une caméra intégrant une mesure de la profondeur pour faire une prise d’image en relief (proche 3D). L’équipementier annonce une précision de pesée de 97 %. Positionnée en milieu de case elle permet d’obtenir plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de pesées par jour qui sont alors nettoyées et moyennées. En respectant quelques consignes d’installation, la caméra ne nécessite aucune calibration. L’éleveur dispose ainsi de l’information essentielle que constitue l’évolution du poids moyen des porcs de chaque case. Il peut alors mieux gérer l’alimentation et déterminer précisément le bon moment pour changer d’aliment. Avec déjà plus de 30 projets aux Pays-Bas, cette technologie devrait petit à petit se développer sur le marché français. Seule contrainte, la vitre de protection de la caméra nécessite un nettoyage régulier selon le niveau de présence des mouches.
La société canadienne Ro-Main présentait également une suite de solutions associées à l’utilisation de la caméra. En partant du principe que ce qui peut être observé par l’œil humain peut être reproduit par l’analyse d’images grâce à l’intelligence artificielle, l’entreprise, qui commercialise depuis quelques années la technologie Pig-Watch qui détecte le bon moment pour inséminer une truie, a présenté une évolution basée sur l’utilisation d’une caméra. Alors qu’avec la première version PigWatch, il fallait équiper chaque stalle de gestation, une seule caméra analyse maintenant le comportement de 5 à 6 truies en simultané. Selon le fabriquant, les performances de détection des chaleurs sont identiques pour un coût trois fois moindre. Cette technologie est basée sur l’analyse du comportement des truies lorsqu’elles sont en chaleur. Le temps de retour sur investissement annoncé est inférieur à trois ans sur la base d’une réduction de nombre de doses de semences utilisées par truie. Un seul PC peut gérer 100 caméras, soit 500 à 600 truies en attente-saillie.
Pour profiter pleinement du potentiel offert par l’utilisation d’une caméra, Ro-Main propose également un système de comptage des animaux et surtout un dispositif de tracking (suivi des déplacements). Les premières fondations sont posées avec le Pig-Tracking qui permet de suivre individuellement les porcs d’une case. Actuellement, les équipes de la société travaillent à la valorisation des informations collectées par la caméra. Ainsi, Ro-Main annonce qu’à l’avenir, il sera possible d’évaluer le niveau d’activité des porcs d’une case, la distance parcourue, les interactions conflictuelles… Les possibilités offertes sont très larges. Reste, comme pour l’Eye-Grow de Fancom, la contrainte du nettoyage du globe de protection de la caméra. À n’en pas douter, les ingénieurs travaillant sur ces nouvelles technologies trouveront une solution dans les années à venir.
Le bien-être et l’environnement toujours objets d’innovations
L’autre face de cette édition d’Eurotier concernait le bien-être ! La paille était présente sur la plupart des stands présentant une mise en situation d’une case de maternité ou de cases de post-sevrage. Les cases de maternité étaient principalement de type « liberté ». Plusieurs équipementiers présentaient des robots de paillage ou des solutions pour gérer la paille et le lisier.
C’était notamment le cas de Big Dutchman, qui proposait un nouveau robot de paillage plutôt malin. Ce robot reprend le principe de la griffe à paille déjà connue dans le secteur laitier. Il est conçu pour un bâtiment sur litière accumulée et en grand volume. Deux rails sont positionnés sur la longueur du bâtiment. Un troisième rail, positionné perpendiculairement aux deux premiers, supporte le robot de paillage. Le dispositif ainsi complet fonctionne comme une pince à peluche de fête foraine. Le robot peut se déplacer sur l’ensemble des cases et peut précisément pailler chaque zone. On peut imaginer qu’à l’avenir le robot paillera uniquement les zones qui le nécessitent afin d’économiser de la paille sans dégrader la qualité de la litière. Côté environnement, Big Dutchman propose une solution déjà bien connue en France de séchage du lisier ou du digestat. Pas vraiment innovante, elle montre quand même une tendance qui n’est pas réservée aux éleveurs bretons. Clairement, les constructeurs allemands s’interrogent aussi sur les solutions permettant l’exportation d’une partie du lisier.
Un tapis roulant pour séparer les fèces des urines
L’entreprise allemande propose aussi une vraie solution alternative au raclage en V avec le Pig’T (abréviation de pig toilet). Il s’agit d’une case sur tapis roulant permettant aux urines de s’écouler à travers un tapis perforé tout en retenant la fraction solide qui est évacuée sous le couloir de service. Un convoyeur l’achemine ensuite dans un conteneur à l’extérieur du bâtiment. Ce tapis roulant perforé recouvre 50 % de la case. Il fonctionne à une vitesse de 15 cm à l’heure. L’autre moitié du sol est constituée d’un sol plein pour pouvoir mettre de la paille. Big Dutchman positionne les abreuvoirs et les nourrisseurs au-dessus du tapis roulant pour favoriser une utilisation active de la zone par les porcelets. Le concept repose donc sur la capacité des porcs à créer une aire de déjection sur le tapis roulant. Le dispositif est aujourd’hui installé dans la ferme expérimentale de Big Dutchman en Allemagne et fait encore l’objet d’ajustements. Avec un surcoût annoncé de 150 euros par place d’engraissement, cette technologie se place clairement comme solution concurrente au raclage en V. Il peut être installé "assez" facilement dans un élevage existant, dès lors que les pré-fosses font au moins 80 cm de profondeur utile. L’avenir nous dira, après des essais terrains en plus grand nombre, si le Pig’T est une solution efficace et suffisamment robuste.
Michel Marcon, Ifip
« Entre modernité et attentes sociétales »
« Si on considère le salon allemand comme une vitrine de l’élevage moyen européen des 10 prochaines années, il faut s’attendre à de nombreuses évolutions. L’élevage porcin de demain sera totalement identifié et monitoré pour fournir les informations essentielles à l’éleveur, afin de mieux suivre les animaux, leurs performances, et améliorer la traçabilité. En parallèle, ces mêmes animaux évolueront dans des cases qui intégreront la paille, avec de nouvelles solutions pour faciliter les opérations de manutention de ce substrat. Clairement, Eurotier renvoi l’image d’un élevage porcin qui veut à la fois répondre aux attentes sociétales concernant le bien-être des animaux, tout en profitant des dernières évolutions technologiques pour faciliter le travail de l’éleveur, et donc son bien-être… Mais la question qui reste en suspens est : à quel coût seront produits ces porcs ? »
Speedy trough Cleaner nettoie les auges en maternité
Lorsqu’on parle d’innovation il ne s’agit pas toujours d’un automate, d’un robot ou d’un équipement très « technologique ». L’une des médailles d’or d’Eurotier en est la preuve, avec le Speedy trough Cleaner de la société Meier-Brakenberg, un système de nettoyage rapide des auges en maternité. Ce système très simple repose sur l’aspiration des liquides, solides, bouillies, etc par effet venturi et ce, sans avoir besoin d’une prise électrique. Le secret : une lance de lavage haute pression qui bute dans la tête d’aspiration et fait partir l’eau à contresens. C’est là que le phénomène venturi opère : en partant à contresens, l’eau projetée à haute pression aspire le contenu de l’auge. Un système de coude en tuyaux PVC sur lequel une chaussette est fixée permet de rejeter l’eau du nettoyeur haute pression et le contenu de l’auge. La chaussette facilite le passage du dispositif dans les recoins des auges sans être gênée. Le dispositif est relativement léger. Avec un coût annoncé de 249 euros hors taxes, il est bien placé pour être une alternative valable aux auges basculantes. S’il s’adapte bien en élevage possédant un groupe haute pression fixe, il devient cependant moins maniable dès lors que l’éleveur doit faire suivre le compresseur.
Schils propose un système de distribution de lait simplifié
Un éleveur, client des produits Schils (entreprise proposant des solutions alimentaires pour les porcelets) a pensé un système simple pour gérer les porcelets surnuméraires en maternité. Il se compose d’une cuve de 12 ou 20 litres placée sur la cloison séparant deux cases, d’une micropompe et d’une horloge électronique. L’éleveur remplit quotidiennement la cuve. La micropompe est activée toutes les heures pendant 2 à 10 secondes (selon la quantité de lait souhaitée). Cette temporisation permet de limiter les restes de lait dans les augettes, et donc minimise le nettoyage. Ce système s’accompagne d’une logique de conduite. Ainsi pour rentabiliser au mieux l’investissement, l’éleveur répartit la portée d’une truie sur deux autres truies qui peuvent recevoir les porcelets surnuméraires grâce à cet allaitement artificiel. La truie restant sans porcelet devient ainsi une parfaite candidate pour l’adoption d’autres porcelets. Avec ce dispositif coûtant autour de 700 à 1 000 euros hors taxes pour deux cases, Schils annonce un gain de poids moyen de 500 g par porcelet.
Nooyen propose un tapis roulant pour les truies allaitantes
Nooyen fait une tentative timide d’un concept qui doit encore faire ses preuves, avec un tapis roulant disposé sous les truies en maternité pour qu’elles puissent se mouvoir sans avoir à les libérer. Le tapis roulant se met en marche uniquement lorsque la truie se lève. Il est associé à une case balance pour s’assurer de ne pas blesser les porcelets. D’après Nooyen il s’agit juste d’un concept. Il reste un travail important de R & D à conduire pour proposer une solution de tapis roulant qui sera piloté par la truie (vitesse de course, marche et arrêt du tapis). Il faudra ensuite évaluer l’impact du dispositif sur le bien-être de l’animal. Reste à voir comment les consommateurs percevront cette proposition, en comparaison avec une case de maternité liberté.
Schauer lance une case de maternité biologique
Sur le stand de Schauer, une case de maternité composée de séparations en bois massif attire l’œil. En réalité, les séparations sont généralement constituées de matière plastique en élevage. Néanmoins, cette case a entièrement été pensée pour répondre au cahier des charges bio. L’air de vie de la truie est en sol plein paillé. Une astuce réside dans le portillon qui peut être légèrement remonté pour laisser passer les porcelets afin de leur proposer un accès à une augette en fin de période de lactation. De plus, cette case offre un accès extérieur (désormais obligatoire en production biologique) équipé d’un jeu de portillons métalliques complètement amovibles pour permettre à l’éleveur de curer facilement l’ensemble des courettes. La truie a un accès à l’auge et à l’eau en l’obligeant à circuler en sens unique pour limiter les risques d’écrasement des porcelets.