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Covid-19
L’alimentation locale, réel changement ou fausse tendance ?

Alimentation locale, circuit court, mondialisation contre souveraineté alimentaire… Cette tendance s’est-elle réellement installée avec la crise ? Selon les débats lors du dernier webinaire de Planet Food Santé, il semblerait que non. Malgré leur sensibilité accrue, la plupart des consommateurs achètent contraints, par leur budget et par le temps dont ils disposent.

La distribution a saisi son rôle dans le développement des approvisionnements français et locaux.
© Julia Commandeur - FLD

Alimentation locale, circuit court, mondialisation contre souveraineté alimentaire… Les consommateurs sont de plus en plus friands des produits locaux. Une situation qui semble s’être amplifiée avec la crise sanitaire de l’année 2020. Le dernier webinaire de Planet Food Santé (à retrouver gratuitement en replay), animé par Sandrine Doppler et Nathalie Hutter-Lardeau, a fait le point le 27 mai avec Yves Christol (fondateur de Business Magnifier et ex directeur général d’InVivo Food&Tech, InVivo Invest) ; Olivier Dauvers (éditeur et expert de la grande consommation) ; Isabelle Frappat (responsable pôle développement à la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France Feef) ; Eric Guérin (chef une étoile de la Mare aux Oiseaux) ; Olivier Mevel (consultant en stratégie et marketing de la transition alimentaire) ; Sébastien Pelka (CEO et co-fondateur Direct-Market.fr).

Année 2020 : succès pour les PME des territoires

Aujourd’hui, acheter un produit français ou local est perçu comme un geste citoyen, un soutien à l’économie locale et à l’emploi dans les territoires. C’est ce qu’estime Isabelle Frappat (responsable pôle développement à la Feef). « Cette tendance a été accélérée avec la crise de la Covid. En tous cas, pour nos entreprises PME, nous avons observé en 2020 une accélération des ventes. La crise a aussi été une réaffirmation de la résilience et de l’adaptabilité des PME des territoires, avec des transformations très rapides de l’outil industriel ».

Retour au monde d’avant : la théorie de l’élastique

Aujourd’hui, il n’y a pas de chiffres, pas de statistiques officielles montrant que les lignes ont réellement bougé, souligne Olivier Dauvers (éditeur et expert de la grande consommation). « Si les choses ont bougé pendant les confinements, c’était aussi et surtout lié aux contraintes : les Français ont été faire leurs courses au plus près. Ils n’ont pas consommé de fraises espagnoles car les distributeurs n’ont pas référencé la fraise espagnole… »

C’est la théorie de l’élastique : après les “bons” comportements pendant la crise, on revient désormais plus ou moins à la forme initiale de l’élastique, c’est-à-dire nos habitudes de consommation d’avant. « Oui, il y a eu quelques accélérations, quelques petits changements, mais pas en ce qui concerne les circuits courts et locaux selon moi ». Certaines contraintes sont restées, comme le télétravail, ce qui joue sur le maintien de certaines tendances, comme le petit-déjeuner, explique Nathalie Hutter-Lardeau qui précise : « De la même manière, la végétalisation de l’assiette a été surmédiatisée mais ce n’est pas tant que cela une réalité ».

Un nouveau quarté local-sain-bio-équitable, mais le budget reste la vraie contrainte

« Il se passe des choses mais pas pour tout le monde. Le consommateur reste contraint par son budget et le prix », estime Olivier Mevel (consultant en stratégie et marketing de la transition alimentaire). La crise a accéléré la précarité et aujourd’hui ce sont 2,5 Français sur 10 qui recherchent le prix. Les enseignes qui progressent le plus sont celles qui ont la meilleure image prix.

« Mais depuis les deux derniers déciles, selon l’Insee, les ménages se sont intéressés à un nouveau quarté : le local, qui ressort nettement, puis le sain, puis le bio qui patine un peu et enfin derrière l’équitable, précise Olivier Mevel. C’est une 5e transition alimentaire qui se met doucement en place. Mais je le répète, 6 Français sur 10 s’estiment dans la classe moyenne et sont guidés par le pouvoir d’achat ».

Une opinion partagée par le chef étoilé Eric Guérin : consommer local est une question de conscience, de culture et de moyens, que ce soit en budget ou en temps. « La société a repris son rythme d’avant crise ».

Des démarches locales qui s’inscrivent dans le temps

Toutefois, certaines démarches locales mises en place en rencontré le succès et s’inscrivent dans le temps. Les intervenants du débat ont pu expliquer leurs engagements. Le chef Eric Guérin explique être passé il y a des années d’une cuisine du voyage à une cuisine locale en s’approvisionnant chez les producteurs d’à côté, et lorsqu’il cuisine des plats “exotiques”, il substitue les ingrédients lointains par des ingrédients locaux. Des partenariats de confiance sont mis en place, ils ont permis le développement de volumes chez certains producteurs, la valorisation de récoltes qui auraient été perdues (les carottes “moches”) dans des recettes spéciales…

Les entreprises de la Feef sont engagées dans le label PME +. « Au-delà de l’action d’approvisionnement local, les PME participent aussi à la création de filière. Elles ont quand même quelques moyens, et vont chercher des partenariats avec les enseignes de la distribution notamment pour avoir une visibilité sur les volumes. C’est par exemple ce qu’a fait Reitzel en relançant la filière cornichon en France ».

Sébastien Pelka, CEO et co-fondateur Direct-Market.fr, explique que « une salade parcourt en moyenne 2 000 km pour rejoindre le magasin où elle sera vendue » alors qu’avec sa marketplace Direct Market, la moyenne est de 39 km.

Origine France vs import : arrêter l’hypocrisie des mises en avant et de la restauration

Olivier Dauvers a, lui, lancé la démarche #balancetonorigine et réussi à « embarquer tout le monde, la GMS, la Feef, etc. sauf l’Ania, dans un manifeste présenté aux parlementaires. » L’objectif ? « Il faut de la symétrie dans les promesses d’origine et ne pas revendiquer que le vertueux, l’origine France, et taire l’origine quand ce n’est pas français. Il faut aider le consommateur à aider l’agriculteur ».

Le chef Eric Guérin et Olivier Mevel ont dénoncé « l’hypocrisie de la RHD » avec une mise en anonymat de l’origine et les Français qui consomment local dans leur frigo mais qui au restaurant n’osent pas réclamer l’origine locale ou au moins française. « Peut-être la crise aura-t-elle changé quelque chose ?, espère Olivier Mevel. Quatre repas sur cinq en France sont encore pris via la GMS, qui a compris son rôle dans l’alimentation locale et la souveraineté alimentaire des territoires, mais nous assistons à une américanisation de l’alimentation -aux Etats-Unis, seuls deux repas sur cinq le sont via la GMS, le reste étant pris par la RHD- et la restauration gagne toujours plus de parts de marché, en particulier chez les jeunes. »

Enfin, Nathalie Hutter-Lardeau a précisé que local ne rime pas nécessairement avec santé. Sébastien Pelka a souligné que la durabilité d’un aliment ne passe pas que pas les kilomètres parcourus, mais aussi par la façon dont il a été produit.

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