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[TRIBUNE - Réforme de la PAC] : un compromis comme par magie pour l’agriculture européenne ?

Contre toute attente le Parlement européen a voté en une journée une position commune sur la grande majorité des textes encadrant la Politique agricole commune (PAC) qui va s'appliquer sur la période 2022-2027, alors que tout le monde s'attendait à un enlisement. Comment peut-on expliquer ce revirement de situation alors que les groupes politiques et les commissions s'étaient écharpés jusqu'alors ? C'est la magie du compromis à l'européenne.

Cette semaine du 19 octobre 2020 est un tournant pour la prochaine Politique agricole commune qui sera mise en œuvre à partir de 2022. Les vingt-sept ministres de l’Agriculture se sont réunis les 19 et 20 octobre à Luxembourg pour aboutir à une position commune. Et le Parlement européen s’est quant à lui réuni en séance plénière le 20 octobre pour, lui aussi, adopter une position commune sur une grande majorité des textes, en adoptant tous les amendements dits de compromis sur les plans stratégiques nationaux. Ce qui était annoncé comme un long marathon du 20 au 23 octobre a été en fin de compte « plié » en une journée. Pas tout à fait car il reste des amendements à voter d'ici vendredi, mais le cadre général est déjà connu.

Qu’y a-t-il sur la table ? Il s’agit pour ces deux institutions de se prononcer sur les trois projets de règlements, proposés par la Commission européenne, qui encadrent la mise en œuvre, la gestion et le financement de la Politique agricole commune. Une fois ces positions adoptées vont démarrer les réunions en trilogue– conseil de l’Union Européenne, Commission européenne et Parlement européen – pour aboutir à un accord final.

Urgence climatique et Covid 19 : une nouvelle donne pour une nouvelle PAC

Ces trois règlements en discussion reviennent de loin. Ils ont été imaginés par la précédente Commission européenne. Ils ont été proposés en 2018, et ont été approuvés par un vote de la commission Agriculture (Comagri) de l’ancienne mandature parlementaire, mais ils ne sont jamais allés jusqu’à la séance plénière pour un vote final. Mais depuis, bien des choses ont changé. En effet, les sécheresses à répétition, y compris dans les pays du nord de l’Union européenne, ont renforcé l’urgence climatique. Une nouvelle commission s’est installée avec à sa tête Ursula Van der Leyen. Celle-ci a lancé fin 2019 le Green Deal et ses corollaires : la stratégie « de la ferme à la table » et la stratégie pour la biodiversité. Et, surtout, la crise économique qui fait suite à l’épidémie de la Covid-19 a fait ressortir l’urgence à se doter d’outils de gestion de crise bien plus réactifs que ceux qui existent déjà – ce qui ne sera pas difficile puisque actuellement, la Commission ne les déclenche jamais ! Par ailleurs, en France, malgré la loi issue des États généraux de l’alimentation, les agriculteurs souffrent toujours d’une injuste répartition de la valeur entre les différents maillons des filières. Bon nombre d’eurodéputés français considèrent que ces textes sont déjà dépassés avant d’être mis en œuvre sur la période 2022-2027.

Lire aussi : 134 Français tirés au sort pour parler agriculture et Pac

Des conflits sur le budget du premier pilier de la PAC

Les groupes politiques et les commissions Agriculture et Environnement du Parlement se sont déchirés pendant des mois pour fixer le pourcentage du budget du premier pilier de la Pac qui sera consacré aux éco-régimes sans définir vraiment ce que recouvriront ces nouveaux outils, et quelles seront les contraintes environnementales à respecter pour les agriculteurs, au niveau de chaque Etat membre. Ce temps passé par les Eurodéputés et le Conseil à débattre sur les éco-régimes ne l‘a pas été sur des sujets qui semblent pourtant primordiaux pour l’avenir de l’agriculture européenne : renouvellement des générations, gestion des crises climatiques et économiques, organisation de filières et revenu des agriculteurs, systèmes assurantiels… Pour autant, les principaux groupes politiques (PPE, Socialistes et Renew) avaient voté des amendements de compromis sur la majorité des articles, ce qui fait qu'en votant une quarantaine d'amendements de compromis, les près de 2000 amendements pouvaient tomber. C'est la magie du compromis à l'européenne !

Lire aussi : Lait - la FNPL réclame le respect de la Loi Egalim et présente ses propositions pour la Pac

Mais tout de même, comment expliquer un vote si rapide au Parlement européen alors que tout le monde s’attendait à un enlisement ? Est-ce du dépit, ou bien la volonté d’en finir rapidement car cela a déjà trop duré, ou bien le respect du rythme imposé par la Présidence allemande qui voudrait boucler le dossier avant fin 2020 ? Ou bien encore un prisme d’insatisfaction très franco-français qui ne reflète pas le sentiment général au sein de l’Union européen ?

Un rapport de force entre le Parlement européen et le Conseil

On peut imaginer une autre explication : en adoptant ainsi, le 20 octobre dans la soirée, sa position de négociation sur le volet Plans stratégiques de la future Pac à une large majorité de plus des deux tiers, le Parlement européen se positionne en force par rapport au Conseil. Les ministres en réunion depuis deux jours, n’étaient toujours pas arrivés à un accord, le point d’achoppement étant toujours la part du budget consacrée à ces fameux éco-régimes dans le premier pilier. Pour faire accepter aux États membres les plus réticents l’idée d’une part de 20 %, la présidence allemande du Conseil a dû lâcher quelques concessions à certains États membres. Quant au Parlement, il a voté un taux de 30 %. La suite au prochain épisode dans les réunions en trilogue…

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