« Nous avons construit un site au centre du parcellaire »
Au Gaec Collines et Prairies, en Ille-et-Vilaine, le système, quasi-autonome, est basé sur le pâturage et le maïs épi ensilé. Même l'implantation des bâtiments a été pensée pour optimiser la valorisation de l'herbe.
Au Gaec Collines et Prairies, en Ille-et-Vilaine, le système, quasi-autonome, est basé sur le pâturage et le maïs épi ensilé. Même l'implantation des bâtiments a été pensée pour optimiser la valorisation de l'herbe.
Entre Jean-Yves Lerétrif et son fils Étienne (28 ans), la complicité laisse peu, voire pas de place au conflit de génération. Le débat existe, mais il est constructif. Quelle que soit l'évolution de l'exploitation, le duo entend garder le cap pris par Jean-Yves au début des années 2000, celui d'un système très pâturant. « Nos terres sont très vallonnées et il y a beaucoup de cailloux. Je mettais autant d'intrants que les voisins sans atteindre les mêmes rendements. D'où la décision de m'orienter vers un système pâturant », explique Jean-Yves. « J'ai intégré en 2004 un groupe herbe animé par la chambre d'agriculture. Quand j'ai mis mes résultats sur la table lors d'une réunion, j'étais supérieur à la moyenne en termes de production par vache (Prim'Holstein à 7 500 kg) mais pas en efficacité économique. Les plus performants avait un EBE/produit de 50 % et moi de seulement 27 %, se remémore-t-il. Depuis, nous avons bossé pour produire un maximum de lait avec de l'herbe pâturée. »
Du lait avec un maximum d'herbe pâturée
Étienne a rejoint son père en février 2016. « Nous avons mené une réflexion dès 2014. Mon père était seul sur 70 hectares avec 50 vaches laitières et une référence de 330 000 litres. L'idée était de trouver un moyen de rendre l'exploitation viable pour deux personnes tout en conservant un système basé sur la valorisation de l'herbe. » Côté frein, l'ancienne stabulation était peu évolutive et excentrée par rapport au parcellaire. « Il n'y avait que 18 hectares accessibles aux vaches. On ne voulait pas investir sur ce site parce que cela aurait impliqué d'intensifier notre système pour produire notre nouvelle référence, qui était de 530 000 litres. » Autre changement important, le Gaec a débuté sa conversion en bio en novembre 2016. La recherche d'autonomie est montée d'un cran.
L'opportunité de reprendre 30 hectares accolés à 10 hectares de l'exploitation a donné un sérieux coup de pouce au projet. Cet agrandissement permettait de porter la surface accessible aux vaches à 40 hectares (50 ares par vaches) à condition de construire un nouveau site à deux kilomètres de l'ancien. C'est l'option qui a été choisie par les éleveurs. Implantées au milieu du parcellaire, la nouvelle stabulation sur aire paillée (126 places aux cornadis) et la salle de traite 2x16 simple équipement ont été opérationnelles en avril 2017.
472 000 euros investis dans le nouveau site
Le montant de la facture s'élevait à 522 000 euros, dont 32 000 euros pour la construction d'un silo. Étienne et Jean-Yves ont cependant bénéficié d'une subvention de 50 000 euros dans le cadre d'un PCAE. Le silo mesure 30 mètres de long et 24 mètres de large. « Pour obtenir une vitesse d'avancement suffisante, nous faisons deux bandes de 6 mètres de large aux extrémités pour l'ensilage de maïs épi et une bande centrale de 12 mètres de large pour l'ensilage d'herbe. »
Dans leur système, toujours en phase de transition, l'herbe pâturée est prioritaire sur les stocks. « Nous tablons sur 2 tonnes de stocks par UGB pour l'hiver. Parfois on arrive à passer avec 1,6 tonne. L'automne dernier, nous avons eu des bonnes repousses d'herbe. Nous avons préféré les faire pâturer plutôt que d'augmenter nos stocks. » Les vaches pâturent du 15 février au 15 décembre. « Nous avons la chance d'avoir des terres portantes. »
Les 40 hectares de prairies de RGA-TB sont organisés en paddocks de 1,20 à 1,60 hectare. « En pleine saison de pâturage, il faut un are par vache. Si elles ne tiennent pas deux jours dans le paddock, c'est qu'on les a mises trop tôt. À partir de mai, nous visons dix jours d'avance au pâturage et le reste est fauché. »
Dix jours d'avance au pâturage
Jean-Yves et Étienne font le tour des prairies à deux. « Cela nous permet d'échanger. L'amélioration de nos pratiques est basée sur la compréhension des différences entre ce qu'on avait prévu et ce qui se passe, souligne Étienne. La hauteur de sortie a un impact sur la qualité des repousses. Il faut éviter le sur-pâturage pour ne pas pénaliser le potentiel de production de la prairie. »
Côté fourrages, en 2017 le troupeau a tourné avec 100 % de pâturage d'avril à mi-juillet. L'ensilage de maïs, l'enrubannage ou l'ensilage d'herbe ont complété la ration (voir graphique). Les vaches ont reçu un complément de 1 à 2 kg/j d'ensilage de maïs épi ou de céréales tout l'année. « Pour le maïs épi, nous visons 55 % de matière sèche. La variété est choisie sur sa vigueur de départ avec un indice 270 », précise Étienne.
En 2018, les conditions difficiles du printemps ont bouleversé les plans. « Nous pensions pouvoir débrayer certaines parcelles pour les faucher. Mais cela n'a pas été possible. Les vaches ont pâturé avec un fil avant pour ajuster le temps de repousse de l'herbe. Nous avons complété la ration avec de l'enrubannage de très bonne qualité (30 % de trèfle) ou de l'ensilage d'herbe. » La complémentation avec de l'enrubannage a également été nécessaire en juillet et août.
Exit l'ensilage de maïs dans la ration hivernale
La ration hivernale a évolué à partir de 2015. « L'ensilage de maïs représentait 70 % du fourrage distribué. Puis nous sommes passés à une ration à base d'ensilage d'herbe (80 %) et d'épi de maïs (environ 2 kg/vl/j) pour concentrer la ration en énergie. L'état corporel de nos vaches s'est amélioré. Elles produisent plus de lait. Avec cette ration, il n'y a pas besoin de correcteur azoté pour les vaches. C'est très important quand on passe en bio. »
La qualité de l'herbe récoltée prime sur le rendement. « Nous récoltons l'herbe en avril à un stade jeune. Le RGA n'a pas encore épié. Le rendement est limité à 1,5 ou 2 tMS/ha mais la qualité du fourrage est là. En général, nous faisons un fanage puis nous andainons. Nous visons 35 à 40 % de matière sèche. L'ensilage est tassé à deux tracteurs. Cette année, nous avons ajouté un conservateur pour « essayer » d’améliorer la qualité de conservation, mais nous ne savons pas si c’est vraiment utile. »
L'enrubannage sert d'appoint. « Au printemps, sur les surfaces accessibles aux vaches, nous faisons trois chantiers de récolte différents plutôt qu’un seul. Cela permet d’avoir un décalage de repousse et de mieux gérer le pâturage l’été. » L'hiver prochain, la ration des vaches se composera d'ensilage d'herbe, d'enrubannage et d'ensilage de maïs épi. « Nous choisissons les meilleures bottes d'enrubannage pour les vaches en production. » Les associés ont investi 30 000 euros dans un bol mélangeur de 18 m3 pour bien homogénéiser la ration.
La première année de conversion s'est soldée par une baisse du niveau de production d'environ 600 litres par vaches. Il en faut cependant plus pour inquiéter Étienne et Jean-Yves et les pousser à acheter des aliments. « C'était une année de transition », résument-ils.
Du correcteur azoté pour les génisses de 2 à 6 mois
« Malgré notre conversion en bio, notre objectif est de faire vêler nos génisses à 27 mois. Nous sommes actuellement autour de 30 mois, soulignent les éleveurs. Pour y parvenir, nous allons regrouper les naissances des génisses dédiées au renouvellement pour mieux les suivre. Il faut leur assurer une bonne croissance durant la période 0 à 6 mois. Jusqu'ici, on leur distribuait du maïs épi, de la paille et du correcteur azoté. Mais l'année prochaine, nous remplacerons la moitié de la paille par du foin de luzerne. Cela nous permettra peut être de diminuer le correcteur azoté. »
Avec les minéraux, le correcteur azoté est le seul aliment acheté par le Gaec. « Nous en distribuons environ 100 kg sur la période 2 à 6 mois, soit 800 g/j. » Avec 30 génisses élevées, les besoins en correcteur azoté s'élèvent à 3 tonnes par an (1 000 €/t). Par ailleurs, les génisses consomment 300 kg de maïs épi déshydraté produit sur la ferme à raison de 500 g le premier mois, 1 kg le deuxième et 2 kg les quatre derniers mois.
Des aides départementales à l'accessibilité des parcelles
Le Gaec a réalisé un diagnostic chemin avec la chambre d'agriculture en 2017. Ce diagnostic est nécessaire pour bénéficier de subventions du Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine allouées dans le cadre d'un programme visant à renforcer l'autonomie alimentaire. Les coûts liés à l'accessibilité des parcelles peuvent bénéficier d'une prise en charge. Les investissements éligibles concernent l'aménagement des chemins et l'abreuvement. En revanche, les clôtures et l'autoconstruction ne le sont pas. Le diagnostic chemin doit être réalisé par un technicien d'une structure agrée comme la chambre d'agriculture, Adage...
Chiffres clés
Les leviers
Françoise Guillois, chambre d'agriculture de Bretagne
« Le Gaec va encore progresser en autonomie »
« L'élevage est en phase de transition. Sa référence laitière et l'effectif du troupeau ont augmenté suite à l'installation d'Etienne en 2016. Par ailleurs, le Gaec est en conversion bio. Les associés ont par conséquent été obligés d'acheter 55 tonnes de foin l'année dernière dont une partie pour le troupeau allaitant. Cela explique le coût alimentaire un peu élevé et l'autonomie fourragère de 92 %. Mais, grâce à la volonté des éleveurs d'abaisser l'âge au premier vêlage à 27 mois et au calage de l'effectif des vaches laitières aux livraisons de lait, le Gaec va encore progresser en autonomie. »