Mortellaro : 4 alternatives contre la dermatite digitée
Face à la dermatite digitée, des solutions ont fait leur preuve avec un effet comparable, voire meilleur que celui obtenu avec des pédiluves classiques.
Face à la dermatite digitée, des solutions ont fait leur preuve avec un effet comparable, voire meilleur que celui obtenu avec des pédiluves classiques.
La dermatite digitale, ou Mortellaro, touche 75 à 100 % des troupeaux laitiers en Europe et Amérique du Nord. « La prévalence intra-troupeau varie toutefois de 10 à 75 %, ce qui montre que son contrôle à un niveau acceptable est possible », rapporte Raphaël Guatteo, d’Oniris. Le recours à la désinfection collective des pieds est fréquent, le plus souvent par passage en pédiluve liquide.
Une application directe plutôt qu’au pédiluve
« Les pédiluves ont l’avantage, en théorie, de permettre de traiter tous les animaux, même ceux qui n’ont pas été détectés atteints, avec un minimum de personnel et de temps, reconnaît Raphaël Guatteo. Ils ont cependant une efficacité curative moindre que les traitements individuels, en partie parce que les pieds sont rarement nettoyés avant. »
Une solution alternative consiste en la pulvérisation directe sur les pieds, en salle de traite ou au cornadis, de désinfectants classiques utilisés de façon plus concentrée que dans les pédiluves, souvent à 50 % au lieu de 5 %.
Effet préventif des bactéries flores de barrière
Même méthode d’application pour la pulvérisation directe de solution à base de bactéries flores de barrière. « L’idée est que ces bactéries colonisent durablement le pied grâce à des applications répétées et qu’elles créent un biofilm qui fasse barrière aux bactéries responsables de la dermatite digitale », explique le vétérinaire.
Un essai a été mené, pendant six mois, sur cinq élevages (640 vaches) très touchées par la dermatite digitale, avec une solution à base de Lactobacillus et Bacillus pulvérisée sur les pieds une fois par semaine, sans nettoyage préalable. Les résultats montrent un effet préventif significatif mais, comme attendu du fait de l’absence d’action biocidet, le traitement n’a pas eu d’effet curatif. Les retours des éleveurs ont été positifs : la pratique est simple et moins chronophage que les pédiluves, mais l’utilisation en traite robotisée ou roto se révèle plus délicate.
Les pansements à l’acide salicylique
Plusieurs études démontrent que l’application de pansements à l’acide salicylique à 70 % sur des lésions de dermatite digitale permet un taux de guérison très élevé. Un élevage cantalien de 55 vaches très affecté par la dermatite digitale l’a testé.
Une pâte prête à l’emploi a été appliquée sur toutes les lésions de Mortellaro une fois par semaine pendant quatre semaines. Résultats concluants : 94 % des lésions actives (douloureuses) et 91 % des lésions non actives ont été guéries dans un délai moyen de trois semaines. « L’application des pansements dans une cage de parage hydraulique se fait au rythme de quinze à vingt vaches par heure. Le coût est d’environ 2 000 euros pour cinquante vaches, pour les quatre demi-journées de travail, soit à peu près le coût d’un pédiluve, avec une bien meilleure efficacité, et alors que le coût des boiteries sur l’élevage pourrait être estimé à 10 000 euros par an. »
Un an après, les lésions de dermatite digitale étaient moins nombreuses (34 versus 49), mais encore présentes, avec moins de lésions chroniques toutefois. « L’application de pansements à l’acide salicylique permet un effet 'reset' mais ne suffit pas à obtenir une situation stable de façon pérenne, analyse Nicolas Herman, vétérinaire. La solution est à intégrer dans un suivi régulier, avec d’autres mesures de gestion du risque, ou être continuée dans le temps. »
Les asséchants de litière aussi efficaces que les désinfectants
Des stratégies alternatives de traitement collectif des pieds existent aussi en remplaçant le liquide des pédiluves par des solutions sèches, tels que des asséchants de litière de type chaux, utilisés pour leur effet asséchant et espéré cicatrisant des lésions de dermatite digitale, ou encore des mélanges de bactéries de type flores de barrière.
Un essai (7 élevages, 332 animaux) avec un pédiluve sec à base de Saniblanc Litières appliqué pendant quatre traites consécutives tous les quize jours pendant deux mois montre des performances comparables à un désinfectant en pédiluve liquide et un désinfectant en pulvérisation.
« L’effet observé vient probablement du côté asséchant du produit, qui permet la formation d’une croûte qui protège la lésion et sans doute aussi du fait qu’il diminue l’humidité, facteur clé dans la survenue de la dermatite digitale », rapporte Raphaël Guatteo. La tolérance des animaux au produit s’est révélée excellente. Les vaches n’ont pas montré d’appréhension à passer dans le pédiluve.
Moins de temps à la détection, plus de temps au traitement
Une simulation à partir du logiciel Dairy Health Simulator (ENVT/Cirad) révèle que la détection des boiteries est très chronophage, alors que son intérêt est limité en cas de boiteries chroniques, pour lesquelles le succès thérapeutique est faible. Passer moins de temps à la détection au profit de la confection de pédiluves permettrait de réduire le temps global alloué à la gestion des boiteries et d’améliorer la marge brute. La simulation montre même qu’employer un salarié jusqu’à 16 à 20 heures par mois pour gérer les pédiluves reste rentable.