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« Le choix de la stratégie de son élevage laitier, c’est d’abord une philosophie de vie »

Voie volume, valeur ajoutée ou autonomie : il existe trois stratégies majeures en élevage laitier pour maximiser son revenu. Laquelle est faite pour vous ? On fait le point avec Cédric Garnier, conseiller à la chambre d’agriculture de Normandie.

<em class="placeholder">Cédric Garnier, conseiller à la Chambre d’agriculture de Normandie</em>
Cédric Garnier, conseiller à la chambre d’agriculture de Normandie
© E. Bignon

Quelles sont les stratégies possibles pour piloter son élevage laitier ?

Cédric Garnier - « Il existe trois stratégies principales : la voie volume, la voie valeur ajoutée et la recherche d’autonomie. Les philosophies de chaque système ne sont pas les mêmes. Derrière, il y a une manière particulière d’appréhender son métier. En recherche de valeur ajoutée ou d’autonomie, les éleveurs laitiers ne vont pas forcément chercher à maximiser le revenu coûte que coûte, mais plutôt à bien vivre de leur métier. Cette précaution sur les conditions de travail est très prégnante et cela ne se chiffre pas. »

En partant de vos observations des élevages normands, y-a-il une stratégie particulièrement gagnante ?

C. G. - « Sur les dix dernières années, la stratégie volume s’est avérée la plus payante côté résultats. S’ils dégringolent en période de crise, dès que les beaux jours reviennent, le rebond peut être phénoménal. À l’inverse, les stratégies valeur ajoutée et autonomie sont plus stables. Les revenus ne chutent pas les mauvaises années mais ne grimpent pas non plus. L’inflation a aussi été un coup dur pour les exploitations sous cahier des charges, comme les AOP et le bio. Au-delà des chiffres, la bonne stratégie sera celle dans laquelle on est à l’aise. Il n’y a pas un système unique qui conviendrait à toutes les exploitations. »

Quelles sont les conditions pour bien vivre sa stratégie volumes ?

C. G. - « Quelqu’un qui fait du volume doit continuellement être dans la recherche de gain de productivité, d’avoir un coût de production qui s’améliore. Cette logique de rentabilité productiviste nécessite d’être prêt à s’endetter. Gérer de fortes annuités n’est pas facile pour tout le monde. Certains n’en dormiront pas la nuit, d’autant plus que les chiffres peuvent faire le yoyo d’une année sur l’autre, avec un prix du lait et un coût alimentaire très dépendants de la conjoncture. Il faut se constituer une épargne de précaution pour passer les mauvaises années. »

Et pour les stratégies valeur ajoutée et autonomie ?

C. G. - « C’est un peu l’inverse. Ces approches consistent à faire un pas de côté, pour ne pas subir la volatilité. En stratégie valeur ajoutée, le produit viande et les aides vont avoir un poids beaucoup plus important. La productivité du travail est plus faible mais c’est un choix.

Pour les systèmes autonomes mini-charges, un parcellaire groupé autour du bâtiment est un prérequis. Vu leur forte dépendance aux aléas climatiques, il faudra raisonner son système fourrager en lien avec les besoins du troupeau. »

Faut-il se conformer à une seule voie ?

C. G. - « Absolument pas. Beaucoup d’éleveurs picorent dans différentes stratégies. Mais pour un système en croisière, c’est difficile d’en changer. Quand on a fait un choix, il faut l’assumer à moyen terme, au moins cinq ans. »
 

Des niveaux différents de sensibilité aux aléas

La stratégie volume : recherche de productivité et dilution des charges de structure

  • Forces : compétitivité et productivité
  • Faiblesses : forte sensibilité à la volatilité des prix du lait et des intrants ; coût alimentaire élevé ; poids des emprunts

La stratégie valeur ajoutée : maximisation du produit et montée en gamme

  • Forces : bonne valorisation des produits ; plus grande stabilité des revenus
  • Faiblesses : faible productivité du travail ; charges de mécanisation élevées ; dépendance au pouvoir d’achat des consommateurs en période d’inflation, notamment pour les productions sous cahier des charges

La stratégie autonomie : minimisation des charges opérationnelles et du coût alimentaire

  • Forces : système herbager ; faible dépendance aux intrants ; coût alimentaire faible
  • Faiblesses : très forte sensibilité au climat ; risque de charges de mécanisation élevées

 

Des résultats favorables aux systèmes les plus productifs mais très variables selon la conjoncture

 Stratégie volumeStratégie valeur ajoutée Stratégie autonomie
UMO totales affectées à l’atelier lait2,3 2,3 2,2 
Effectif vaches laitières131 93 104 
Quantité de lait vendue totale1 122 000 l478 000 l666 000 l
Surface agricole utile 191 ha141 ha161 ha
SFP bovins lait96 ha102 ha102 ha
Lait/ha SFP bovins lait11 739 l4 671 l6 551 l
Lait/UMO bovins lait498 000 l204 000l304 000 l
Chaque groupe est composé de 53 exploitations. Le groupe autonomie compte 19 élevages bio et 4 AOP et le groupe valeur ajoutée 79 % d’exploitations sous signes de qualité (moitié bio, moitié AOP). 
Date de clôture mars 2023Stratégie volumeStratégie valeur ajoutéeStratégie autonomie 
Coût de production (/1 000 l de lait)492 €789 €623 €
dont achats d’alimentation140 €78 €65 €
mécanisation94 €191 €159 €
bâtiments47 €100 €83 €
travail79 €189 €148 €
Produits de l’atelier lait (/1 000 l de lait)572 €792 €668 €
Prix du lait (/1 000 l)480 €550 €501 €
Produit viande de l’atelier lait (/1 000 l)58 €106 €68 €
Aides totales (/1 000 l)30 €107 €80 €
Prix de revient (/1 000 l)399 €546 €456 €
Rémunération permise/UMO bovins lait5,88  Smic net2,11  Smic net3,46  Smic net
Prix d’équilibre (/1 000 l)389 €518 €409 €
Prélèvements permis/UMO bovins lait6,37 Smic net2,65 Smic net4,76 Smic net
Source : Cédric Garnier, chambre d’agriculture de Normandie

À partir des données issues de 215 exploitations normandes (clôture mars 2023), ont été identifiés trois types de stratégie : volume, valeur ajoutée et autonomie.

En stratégie volume (le moins de charges de structure aux 1 000 litres), le coût de production s’élève à 492 €/1 000 l. Le poste le plus lourd est celui de l’alimentation. Les produits sont de 572 €/1 000 l, avec un prix du lait de 480 €/1 000 l. Les prélèvements permis s’élèvent à 6,37 Smic/UMO lait.

En stratégie autonomie (le moins de charges opérationnelles), le coût de production est de 623 €/1 000 l. Les postes les plus lourds sont la mécanisation et le travail. Les produits sont de 668 €/1 000 l, avec un prix du lait de 501 €/1 000 l. Le prix d’équilibre s’établit à 409 €/1 000 l. Les prélèvements permis s’élèvent à 4,76 Smic/UMO lait.

En stratégie valeur ajoutée (le plus de produits), le coût de production grimpe à 789 €/1 000 l. Les postes les plus lourds sont la mécanisation et le travail. Les produits sont de 792 €/1 000 l, avec un prix du lait de 550 € et 107 € d’aides aux 1 000 litres. Le prix d’équilibre est de 518 €/1 000 l, les prélèvements permis s’élèvent à 2,65 Smic/UMO lait.

« Ces résultats favorables aux systèmes productifs, obtenus en pleine période d’inflation, sont à comparer à ceux obtenus au cœur de la crise laitière de 2015 où ces trois stratégies menaient alors à des résultats moins différenciés, mais légèrement plus favorables aux exploitations autonomes », décrypte Cédric Garnier, conseiller à la chambre d’agriculture de Normandie.

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