Lait bas carbone : pourquoi certains pays s'engagent et d'autres non
Lors de la journée des coopératives laitières en avril dernier, trois pays ont présenté des pistes de décarbonation de la production laitière. Mais beaucoup d'autres pays ne veulent pas faire d'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Lors de la journée des coopératives laitières en avril dernier, trois pays ont présenté des pistes de décarbonation de la production laitière. Mais beaucoup d'autres pays ne veulent pas faire d'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Irlande : additifs et réduction des engrais
John Brosnan, de l'Icos (association des coopératives d'Irlande), indique que « pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (-25 % de GES à horizon 2030 pour l'agriculture), les actions sont encore volontaires. Le Teagasc (recherche et développement agricole) explore plus particulièrement la réduction d'engrais grâce aux légumineuses, l'emploi d'additifs alimentaires pour les bovins et d'additifs pour les effluents d'élevage stockés l'hiver. La voie génétique est également étudiée. Nous sommes en retard sur le biométhane, mais une proposition sera publiée et cela va se développer en Irlande. La réduction du cheptel bovin n'est pas un objectif ; elle se fait "naturellement", surtout en bovins viande, à cause d'un manque de renouvellement des générations. »
Bavière : une génétique bovine bas carbone
Johannes Hegenberger, de la laiterie Zott, expose que son entreprise a démarré un programme de décarbonation il y a deux ans, avec une ONG. « Nous sommes prêts à payer une prime au litre de lait pour avancer plus vite. Les principaux leviers sont la voie génétique et la réduction de la consommation de concentrés. Mais aussi la réduction des consommations d'énergie et la substitution par des énergies renouvelables. L'utilisation de solutions de nutrition animale est étudiée, mais nous pensons que l'emploi d'un additif chimique comme Bovaer sera difficile par rapport à l'opinion publique. »
Nouvelle-Zélande : la taxation des GES à l'étude
Chris Carson, conseiller agricole de la Nouvelle-Zélande auprès de l'UE, rappelle les engagements de réduction de GES de son pays : -10 % d’ici 2030 et selon les productions agricoles entre -24 et -47 % d’ici à 2050 par rapport à 2017. « Pour y parvenir, le gouvernement propose un système de taxe sur les émissions de GES par exploitation, pour éviter un plan de réduction de cheptel. L'idée est de calculer pour chaque exploitation la taxe en fonction du nombre d'animaux, de la quantité d'engrais utilisée, de la production laitière, et des mesures prises pour réduire les émissions de l'exploitation. En parallèle, il y aurait des soutiens financiers aux éleveurs qui mettent en place des leviers de décarbonation. Pour l'heure, le gouvernement travaille sur la méthode de calcul du système de taxation. » Parmi les solutions pour baisser les émissions, Chris Carson évoque la recherche d'un vaccin. Mais « pour l'heure, les essais publiés ne sont pas concluants », estiment l'Institut de l'élevage et l'Inrae.
À retenir
L'objectif européen est de -55 % d'émission de GES d'ici 2030 par rapport à 1990 et d'atteindre la neutralité carbone en 2050, tous secteurs confondus.
Avis d'expert : Olivier Antoine, directeur d'ORAE Géopolitique
« La Chine, la Russie et les autres pays du groupe Brics ne veulent pas freiner leur économie »
« La Russie perçoit le changement climatique comme une opportunité, pour accroître sa production agricole notamment. Quand l'Europe parle de décarbonation aux pays d'Amérique du Sud, ceux-ci rétorquent qu'ils ne sont pas si émetteurs par rapport à nous. Et qu'ils veulent se développer librement, comme les Occidentaux ont pu le faire auparavant.
Donc attention à ne pas faire porter trop de contraintes à nos filières, alors que le problème est mondial, avec des pays, comme les Brics(1) et les pays d'Amérique du Sud, qui ne veulent pas faire d'effort.
Le repli sur le marché intérieur européen prôné par certains n'est pas une solution. Nous prendrions le risque que ces pays moins-disants en matière de normes environnementales, sociales et politiques, augmentent leurs parts de marché à notre détriment.
Je pense qu'il est possible pour la filière laitière d'allier la productivité, la compétitivité, avec la durabilité et la protection de l'environnement. Sauf si les contraintes règlementaires sont trop fortes. »