« Adhérer au groupe Dephy est un vrai moteur sur notre élevage dans le Cantal »
Dans le Cantal, Marie-Laure et Franck Beaufort veulent vivre de leur ferme en limitant les coûts. Une stratégie qu’ils mettent à profit sur l’élevage mais aussi sur les céréales pour maintenir un système de production viable et autonome.
Dans le Cantal, Marie-Laure et Franck Beaufort veulent vivre de leur ferme en limitant les coûts. Une stratégie qu’ils mettent à profit sur l’élevage mais aussi sur les céréales pour maintenir un système de production viable et autonome.
« Mon rêve, ce serait d’être autonome à 100 % sur l’exploitation et de ne plus devoir acheter quoi que ce soit à l’extérieur ! », énonce avec une sincérité déconcertante Franck Beaufort, installé avec son épouse Marie-Laure sur une exploitation produisant du lait, de la viande et des céréales à Vieillespesse dans le Cantal. À 1 000 mètres d’altitude, au cœur de la zone de production des AOP cantal, bleu d’Auvergne et fourme d’Ambert, le Gaec cultive entre 20 et 25 hectares de céréales par an, une surface non négligeable pour le secteur de Saint-Flour. Non seulement, cela répond au besoin en paille du Gaec pour le couchage des troupeaux laitier et allaitant, mais cela fournit aussi des grains valorisés sous forme d’un échange céréales-aliments en travail à façon.
Si les exploitants présentent indéniablement une âme animalière, Franck aime également cultiver les terres. « C’est un pan du métier qui me plaît », confirme l’éleveur en ajoutant que « l’adhésion au groupe Dephy depuis 2016 se révèle une source de motivation qui a renforcé ce goût et qui colle bien à notre objectif de réduire les intrants en maintenant une bonne rentabilité du système ». Les éleveurs y voient un moyen de s’affranchir le plus possible des produits phytosanitaires, « ce qui se révèle bénéfique pour la santé et l’environnement, mais aussi pour le portefeuille ».
Oser tester de nouvelles approches techniques
« L’appui technique de la chambre d’agriculture, qui promulgue des conseils indépendants de toute démarche commerciale, et les échanges avec d’autres agriculteurs nous ont permis d’oser tester de nouvelles approches, dépeignent les éleveurs. Nous avons changé de mode de fonctionnement et cela nous procure une tout autre satisfaction du travail obtenu. »
Fiche élevage
2,5 UMO dont 2 associés
130 ha de SAU dont 109 ha de prairies, 6 ha d’orge et 15 ha de blé
57 vaches laitières à 5 200 l
46 vaches allaitantes
295 000 l de lait produit
1,2 UGB/ha de chargement
Les résultats ne se sont pas fait attendre. Dès la première année, l’IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) est passé de 1,04 à 0,62, puis à 0,37 l’année suivante. Aujourd’hui, l’IFT moyen tourne autour de 0,7 sur les trois dernières années.
« Ce qui a changé, c’est d’abord le fait d’observer beaucoup plus nos parcelles !, confie Franck qui ne traite plus systématiquement en pré-levée. Je cible les interventions parcelle par parcelle en fonction de ce que je vois. »
Les rendements ne sont pas pénalisés : autour de 50-60 quintaux par hectare. L’éleveur estime que l’enherbement reste également maîtrisé même s’il admet que son niveau de tolérance vis-à-vis des adventices a légèrement augmenté et qu’il subsiste encore des zones d’ombre. Le chiendent reste notamment problématique en troisième année de blé, ce qui contraint à traiter à ce moment-là.
« Initialement, la rotation comprenait trois ans de céréales à paille, suivis de trois ans de prairies temporaires, décrit Franck. Nous avons introduit du méteil à base de blé, triticale, pois et vesce ainsi que du moha en intercultures après la troisième année de céréales. » Le premier avantage est de réaliser ainsi des stocks fourragers, avec des cultures économes en intrants. Le second est d’assurer avec le méteil une coupe de nettoyage qui assainit le sol après la troisième année de blé qui a tendance à se salir. Le moha, quant à lui, est semé fin mai après la récolte du méteil. « Il couvre le sol tout l’été et empêche la levée des adventices tout en protégeant la terre de la chaleur. Cela préserve le sol et la terre est préparée pour semer la prairie derrière. »
Le groupe donne une dynamique et un nouvel élan
Le Gaec travaille avec des semences de céréales fermières, sélectionnées en fonction de la résistance aux maladies. Les grains sont triés et traités par un équipement spécifique en Cuma. « Nous semons des mélanges de différentes variétés sur nos parcelles pour obtenir une meilleure résistance face aux bioagresseurs. » Pour atténuer le risque d’adventices, les exploitants pratiquent aussi le faux-semis avec deux passages de déchaumeur à patte d’oie. Les dates de semis des céréales ont été décalées de quinze jours, autour de mi-octobre, pour éviter la période préférentielle de levée des mauvaises herbes.
« Le groupe Dephy est un lieu privilégié pour nous donner des idées et découvrir d’autres pratiques culturales », partage Franck. Le Gaec s’est notamment lancé dans le compostage du fumier en 2020. Une Cuma spécialisée intervient pour réaliser deux retournements d’andains dans l’année. « Le compostage annihile le pouvoir germinatif des graines d’adventices et donne un produit plus concentré », explique Marie-Laure. Il est épandu à hauteur de 10 t/ha sur céréales et 8 t/ha sur les prairies.
Le défi de l’installation de leur fils sur la ferme
Toujours boosté par les échanges avec le groupe, le couple s’est également attelé à la réduction du poste engrais, et plus particulièrement à l’azote. Des efforts d’autant plus justifiés que l’exploitation se situe en zone vulnérable et à proximité d’une zone de captage. « Nous avons divisé par deux la facture d’ammonitrate et nous travaillons désormais davantage sur l’agronomie pour mieux valoriser les ressources du sol », indique Franck. Le fait de privilégier les amendements calciques (62 t/an, soit 1,5 t/ha/an) fait remonter le pH du sol à majorité granitique et favorise les bactéries et la minéralisation. « Les éléments fertilisants sont ainsi mieux retenus et se trouvent biodisponibles pour les plantes. »
Si le challenge autour des pratiques culturales pousse les exploitants à aller de l’avant, ils s’apprêtent à relever un défi d’un autre genre d’ici quelques mois avec l’arrivée sur la ferme de Yoan, leur fils de 17 ans. Cette installation les réjouit et les motive, mais elle les préoccupe aussi. « Entre générations, les priorités et les attentes ne sont pas les mêmes, notamment en termes de temps de travail, de confort, d’évolutions technologiques…, évoquent-ils. Pas sûr que Yoan sera disposé à travailler dans les mêmes conditions que nous. » Mais cela, ce sera une autre histoire.
Une conduite du troupeau laitier simple et économe
Sur l’élevage, l’objectif est de se conformer au cahier des charges des AOP cantal, bleu d’Auvergne et fourme d’Ambert, tout en maîtrisant les coûts. En termes de conduite, le mot d’ordre est simplicité. « Nous ne voulons pas nous prendre la tête. Nous avons fait le choix de races rustiques et d’une conduite peu intensive à l’animal pour limiter les problèmes », témoignent Marie-Laure et Franck.
Les éleveurs sont soucieux de la longévité du troupeau. Ici, la première cause de réforme, c’est l’âge ! La moyenne d’âge des vaches s’élève à 11 ans et demi. Le Gaec élève seulement huit génisses par an, soit un taux de renouvellement de 25 %. « Nous choisissons quinze vaches à inséminer par an en hiver, sélectionnées en fonction du comportement, de la production et de la rusticité. » Autrement, la reproduction est assurée au pré par un taureau charolais.
Les génisses sont élevées au lait entier et partent à l’herbe à 6 mois, tandis que les veaux croisés restent sous la mère quinze jours avant d’être vendus.
L’alimentation des laitières repose essentiellement sur l’herbe. En hiver, elles reçoivent 7 kg de foin et 7 kg d’enrubannage, la complémentation étant assurée par 1,5 kg d’aliment fabriqués à partir de leurs propres céréales (dans le cadre d’un échange céréales-aliments) et du tourteau (0,5 à 1 kg selon la production) quelle que soit la saison.
Le cahier des charges impose un minimum de 70 % d’herbe dans la ration dont 5 kg sous forme de foin, 120 jours minimum de pâturage, et 1 800 kg maximum de concentrés par vache par an. Avec une consommation de 1 200 kg, le Gaec a encore de la marge. « L’une des difficultés est de parvenir à un taux de matière sèche suffisant pour nos fourrages, soulignent les éleveurs. Parvenir à 50 % de matière sèche pour l’enrubannage n’a pas été simple ces deux dernières années. Si tel n’est pas le cas, nous recyclons ce fourrage pour les vaches allaitantes. »
Yann Bouchard, chambre d’agriculture du Cantal
« Une bonne complémentarité entre ateliers »
« Les trois ateliers de l’exploitation permettent une bonne complémentarité qui contribue à la volonté d’autonomie, chère aux éleveurs, et offre une polyvalence dans le travail qui leur plaît. Il en découle néanmoins une charge de travail importante, pleinement assumée par le couple. Tout comme le fait de ne prendre ni week-ends ni congés. En termes d’équipement, le Gaec ne présente rien de très clinquant mais leur outil de production est fonctionnel.
On constate peu de tension à l’échelle du système avec une productivité animale limitée et un potentiel de sol plutôt bon. Économiquement, au vu de la conjoncture actuelle et du niveau de complémentation, le Gaec gagnerait certainement à aller chercher quelques litres de lait supplémentaires par vache en économisant moins sur le concentré. »