Évènement
Remise à plat du projet de canal Seine-Nord Europe
Objectifs : diminuer le coût du projet, récupérer des financements supplémentaires de l’UE et revoir globalement l’équation financière du projet de canal à grand gabarit qui devrait relier les bassins de la Seine et du Nord-Pas de Calais.
« La reconfiguration du projet de canal Seine Nord-Europe (SNE) est une décision de responsabilité qui devrait être applaudie plutôt que critiquée, a réagi Frédéric Cuvillier, le ministre délégué chargé des Transports, lors de sa visite lilloise le 28 mars. Si nous ne le faisons pas, nous louperons la marche européenne et le canal ne se fera pas. » Deux jours avant, il décidait, face aux conclusions sans concessions d’un rapport d’exper-tise sur l’état du dossier, d’aban-donner la procédure actuelle, « qui ne manquerait de se heurter dans quelques mois à des impasses juridiques et financières, si on la poursuivait », et de redimensionner le projet pour en diminuer le coût.
Une reconfiguration vitale
Le 11 septembre 2012, le ministère des Transports, conjointement à ses homologues des Finances et du Budget, confiait au Conseil général de l’environnement et du développement durable, ainsi qu’à l’Inspection générale des finances, une mission d’analyse et de propositions portant sur la faisabilité financière du projet. Cette dernière a rendu ses conclusions en mars 2013. « Ce rapport porte un jugement très sévère sur le pilotage d’un projet qui paraît aujourd’hui en échec, en particulier en raison d’une dérive des coûts qui n’a jamais été mise en lumière », a commenté le ministre dans un communiqué en date du 26 mars. Deux solutions se présentent alors au ministre : « soit on abandonne le projet, soit on le rend réaliste et réalisable (...) en l’améliorant techniquement et en le stabilisant financièrement » (La Voix du Nord, 27 mars). Le ministre a choisi de « sauver le canal Seine-Nord Europe » (communiqué du 26 mars). Il décide l’arrêt de la procédure de dévolution du contrat de partenariat public-privé (PPP) pour la construction et la maintenance du canal SNE, ainsi que la remise à plat du dossier dans ses aspects techniques. À cet effet, une mission, présidée par le député Rémi Pauvros, sera installée. « Il y avait dans la déclaration d’utilité publique d’autres scénarios possibles. Il faut que l’on regarde tout ça... », a-t-il indiqué au Courrier Picard, le 28 mars. Frédéric Cuvillier espère que « la reconfiguration du projet pourra être présentée dès le 1er semestre 2014 à la Commission européenne, afin de pouvoir bénéficier de financements européens qui pourraient atteindre 30 % du coût d’investissement », et non 6 % comme le prévoit le projet initial.
Une impasse financière
Les financements ont été initialement prévus pour un projet annoncé à 4,4 MdÄ. Mais dès l’automne 2011, il est apparu qu’il atteindrait 7 Md€. « Bouygues et Vinci ont remis en octobre 2011 (dans le cadre de l’attribution du PPP, NDLR) leurs propositions initiales, non engageantes, très supérieures aux prévisions de coût et de loyers envisagés à l’époque par VNF », indique le rapport sur la faisabilité du projet de canal à grand gabarit. « C’est une impasse financière de 2,6 Md€ qui nous est léguée par le précédent gouvernement, à laquelle ni les finances publiques ni les partenaires privés ne sont en mesure de faire face », réagit Frédéric Cuvillier dans son communiqué.
Des chiffres de trafic aberrants
Par ailleurs, le rapport pointe la surestimation des recettes de péage du canal SNE. « Les prévisions de trafic, et donc de recettes tirées de l’exploitation doivent être revues à la baisse, compte tenu notamment de la dégradation de l’environnement macroéconomique », pointe le rapport. « Depuis plusieurs années maintenant, nous attirons l’attention de VNF sur le fait que les études de trafic qui nous sont présentées ne sont pas acceptables de notre point de vue, (...) en raison d’une utilisation sans doute un peu extensive de données de trafic très globales et auxquelles on a voulu faire dire beaucoup trop de choses », explique Philippe Deiss, DG du port de Rouen, et membre du directoir du GIE Haropa. Dans ce contexte, on comprend pourquoi VNF, qui « prend acte de la décision de remise à plat de l’ensemble du dossier, ne souhaite pas la commenter ».