Commerce français de céréales : quel bilan tirer de la rencontre officielle France-Maroc ?
L'expert d'Intercéréales Yann Lebeau avertit qu'en termes commercial, la visite du président de la République française Emmanuel Macron à Rabat ne change pas grand chose. L’objectif des accords conclus entre la France et le Maroc est surtout de renforcer la coopération dans la recherche agronomique et le développement agricole. Ce qui pourrait affecter les volumes échangés de céréales à long terme entre les deux nations.
L'expert d'Intercéréales Yann Lebeau avertit qu'en termes commercial, la visite du président de la République française Emmanuel Macron à Rabat ne change pas grand chose. L’objectif des accords conclus entre la France et le Maroc est surtout de renforcer la coopération dans la recherche agronomique et le développement agricole. Ce qui pourrait affecter les volumes échangés de céréales à long terme entre les deux nations.

Quel bilan tirer de la visite d’État du président de la République Emmanuel Macron au Maroc du 28 au 30 octobre 2024 à Rabat, sur invitation du roi Mohammed VI ? Selon Yann Lebeau, chef de mission Maghreb-Afrique au sein d’Intercéréales, dont le bureau est basé à Casablanca, « une bonne entente politique est toujours positive pour les échanges, notamment de céréales ». Toutefois, « sur le plan purement commercial céréalier, cette visite ne change pas grand chose. Les accords signés entre les français Arvalis et Intercéréales d’un côté, et les marocains OCP Nutricrops, premier exportateur mondial de phosphate, et l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) de l’autre, ont essentiellement pour but de développer les techniques de production françaises et marocaines de grains », ajoute-t-il.
« Une bonne entente politique est toujours positive pour les échanges, notamment de céréales. [Toutefois], sur le plan purement commercial céréalier, cette visite ne change pas grand-chose », déclare Yann Lebeau.
Lire aussi : Pourquoi le Maroc devrait encore importer beaucoup de céréales en 2024-2025 ?
De mauvaises relations mais… des achats marocains de blé français
L’expert d’Intercéréales rappelle que le Maroc est le premier acheteur de blé meunier hexagonal depuis 2022, alors que les relations entre les deux pays étaient encore considérées comme fraîches. « Malgré les mésententes politiques de l’époque, le business s’est poursuivi entre les deux nations. Bien entendu, il est toujours mieux de faire bon ménage diplomatiquement parlant, mais il n’y a pas eu d’accord particulier inter-États sur les échanges de céréales lors de la visite du président de la République française à Rabat, car c’est le fait d’opérateurs privés », témoigne Yann Lebeau.
Le blé hexagonal boycotté par l’Algérie pour des raisons politiques
Preuve toutefois qu’il vaut mieux ne pas trop se froisser sur le plan géopolitique avec ses clients : l’Algérie, en froid avec l’Hexagone. Ceci en raison du récent soutien du gouvernement français à la solution marocaine au sujet du Sahara occidental. Le pays, qui se procure du blé via l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) - organisme étatique - a boycotté l'origine française lors de ses derniers achats.
Ce que n’a pas fait le Maroc, qui achète via des opérateurs privés. Le pays avait importé environ 3 Mt de blé hexagonal il y a deux ans, et 2,5 Mt l’an dernier, rappelle Yann Lebeau. Pour résumer, si la France veut continuer d’exporter vers le Maroc, il faudra qu’elle soit compétitive, avec la qualité, peu importe l’état des relations diplomatiques.
Les meuniers marocains contents du blé français
Et il s’avère que cette année, la qualité a satisfait les acheteurs marocains. « Les meuniers locaux en sont très contents. Les blés donnent de bonnes farines et de bons pains, grâce à l’excellente qualité de la protéine », se réjouit Yann Lebeau. Bien entendu, le poids spécifique reste le point faible en 2024. Mais cela n’a pas empêché la France de poursuivre ses exportations vers l’ancien royaume chérifien. « Nous y avons expédié 450 000 t de la récolte 2023 durant l’été dernier. Puis, sur la période octobre-novembre, nous avons commencé à exporter la récolte 2024. Au dire du marché, 200 000 t ont déjà été négociées pour cette destination », précise-t-il. Tout cela s’est déroulé avant la visite d’Emmanuel Macron au Maroc.
Le blé russe moins présent au Maroc ?
Autre bonne nouvelle : la concurrence russe s’amenuiserait actuellement. « Les Russes ont exporté en début de campagne commercial 2024-2025, mais depuis, le rythme baisse. Les Marocains n’ont guère apprécié la hausse des taxes russes à l’export, mais aussi et surtout l’exclusion des négociants non russes pour exporter du blé russe, ainsi que l’interdiction appliquée par les autorités locales de passer par des intermédiaires pour exporter les marchandises russes », signale Yann Lebeau.
Moins de 1,5 Mt de blé français vers le Maroc en 2024-2025 ?
Pour l’ensemble de la campagne commerciale 2024-2025, « nous n’avons malheureusement, en France, pas autant de volume que d’habitude. Alors que les besoins marocains sont évalués à 4,5 Mt-5 Mt annuellement, nous serions contents d’y placer 1,5 Mt », déplore Yann Lebeau.
Tous ces éléments sont indépendants de la visite d’État d’Emmanuel Macron au sein de l’ancien royaume chérifien. En revanche, elle a permis de conclure des partenariats pour développer les productions céréalières dans les deux pays. « En gros, il s’agit de faire en sorte que les Marocains nous exportent des engrais phosphatés plus adaptés à nos besoins, car nos sols ont perdu de leurs réserves en phosphore ces dernières années. Il s’agira également de développer des semences et des techniques culturales adaptées, permettant de produire dans des conditions de déficit hydrique accru à cause du changement climatique, ce qui sera bénéfique à la fois pour la France et pour le Maroc ».
Plus de blé français produit, et de qualité, peut signifier plus de blé exporté vers le Maroc dans les années à venir. Ce que la signature du partenariat France-Maroc favoriserait indirectement. À condition d’être compétitif. De mauvaises relations diplomatiques sont susceptibles de pénaliser les échanges entre les nations. Mais de bonnes ne garantissent rien non plus.