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Les amidonniers français anticipent des surcoûts de production dans un contexte de marché difficile

Entre mauvaise qualité des blés, baisse de la consommation de produits amylacés et hausse des importations, l’Usipa anticipe une année 2024 complexe.

C’est grâce à l’innovation constante au sein des dix sites amidonniers français, que cette industrie a résolument entamé la décarbonation de ses activités : réduction des consommations énergétiques, diversification des approvisionnements, optimisation de l’usage des eaux de process, etc.

« Solidaire de son amont agricole, qui traverse un moment de grandes difficultés, l’industrie amidonnière a accepté en 2024 d’adapter ses exigences techniques [en termes de calibrage, NDLR] afin de continuer à sourcer du blé français », indique l’Usipa (Union des syndicats des industries des produits amylacés et de leurs dérivés) dans son dossier de presse publié le 26 septembre, à l’issue de sa conférence annuelle. Mais cette décision va entraîner des coûts de production supplémentaires aux quatre amidonniers français - Archer Daniels Midland (ADM), Cargill, Roquette et Tereos - qui transforment annuellement environ 3 millions de tonnes (Mt) de blé hexagonal dans leurs neuf sites industriels, principalement localisés dans le quart nord-est du territoire. Et ce, dans un contexte de marché difficile, qui conjugue consommation fragilisée et importations accrues.

Lire aussi : Blés tendres meuniers 2024 : une récolte de qualité malgré tous les signaux négatifs

Petits poids spécifiques du blé et surcoûts de production

« L’hétérogénéité des récoltes selon les bassins de production, et le faible poids spécifique (PS) des grains [de la moisson 2024]  est un facteur de perturbation préoccupant pour le bon fonctionnement des outils d’extraction/séparation des composants du grain au sein des usines. S’ils n’altèrent pas la qualité du produit final, ces « "petits grains" » peuvent engendrer arrêts de production et usure accélérée desdits outils [conséquence du taux de cellulose plus élevé, NDLR] », explique le syndicat amidonnier. Et Marie-Laure Empinet, présidente de l’Usipa, d’ajouter : « Il va y avoir du travail [de recalibrage] dans les usines, qui risquent de ralentir [la production] », rapporte nos confrères d’Agra Business.

 

Des inquiétudes concernant l’approvisionnement en blé français

« Une récolte catastrophique comme celle de 2024, à 25,98 Mt, en recul de 26 % par rapport à 2023, interpelle forcément la profession. » L’inquiétude de l’Usipa est d’autant plus grande que l’amidonnerie française s’approvisionne à plus de 95 % en matières premières hexagonales. De plus, ce net repli de la production annuelle s’inscrit dans un contexte de baisse tendancielle des surfaces, qui ont perdu près d’un million d’hectares sur les huit dernières années, et de repli du rendement moyen, « lié à l’interdiction progressive de nombreuses molécules de protection des plantes », explique le syndicat professionnel. 

 

Une déconsommation en France qui peine à s’inverser

Cette hausse des coûts de production qui se dessine sur l’exercice commercial 2024, s’ajoutent à la déconsommation enregistrée en 2023, conséquence d’une inflation (dans le secteur alimentaire notamment) qui pèse sur la demande.

Si le chiffre d’affaires des adhérents de l’Usipa a progressé de 17 % en 2023, pour atteindre 3,9 milliards d’euros (3,4 Md€ en 2022), dans un contexte de fortes tensions sur les prix de l’énergie et des matières premières agricoles – les deux premiers coûts de production de l’amidonnerie française qui ont comprimé les marges industriels –, les volumes de production amidonnière se sont quant à eux repliés dans le même temps. 

Sur le marché français, en 2023, les volumes à destination des secteurs alimentaires – qui représentent 55 % des ventes – ont diminué de 12 % (avec notamment -50 % en pet food et -17 % en confiserie/chocolaterie) et ceux à destination des secteurs industriels de 18 % (dont -21 % en pharmacie/chimie, -7 % en papeterie et -7 % en carton ondulé). « Un recul qui est lié, à la fois, à un effet déstockage chez les clients (commun à plusieurs secteurs industriels) et, bien sûr, à une forte augmentation du prix du panier moyen des Français : +22,44 % entre septembre 2021 et mai 2024, passant de 102,33 € à 125,29 € [d’après une étude de Statista Research Department] », explique l’Usipa. Le tout, alors même que les importations ont progressé de 13 % pour atteindre un milliard d’euros, selon des chiffres avancés par l’Usipa et rapportés par Reuters. 

En 2024, le contexte de marché peine à s’améliorer, avec un « rebond de la demande [en produits amylacés] encore très timide », selon le média.

 

Des volumes de céréales transformées en repli entre 2022 et 2023

La baisse des fabrications en 2023 se traduit par un retrait de 13,5 % des matières premières agricoles mises en œuvre d’un an sur l’autre, le tonnage passant de 5,9 Mt et 5,2 Mt. Dans le détail, seules 2,9 Mt de blé, 1,6 Mt de maïs et  600 000 t de pomme de terre féculière ont été transformées en 2023, contre respectivement 3,2 Mt, 1,8 Mt et 800 000 t en 2022. Ce sont 96 % de ces ressources qui sont issues de champs français en 2023 (contre 97 % l’année précédente), en raison d’une hausse des importations de maïs dont la production française a régressé en 2023.

 

Des exportations à la traîne sur le Grand export

A l’exportation, la situation est identique. Le chiffre d’affaires de l’amidonnerie française à l’exportation est également en repli d’un an sur l’autre, représentant 69 % des ventes en 2023, contre 72 % en 2022. Près des trois quarts des exportations (72 %) s’effectuent sur l’Union européenne, contre un peu plus d’un quart sur les pays tiers (28 %). On observe « une perte de vitesse sur les marchés Grand export » (-51 % aux Etats-Unis, -25 % en Chine), avec une hausse des expéditions sur les pays limitrophes de l’UE (+46 % sur la Norvège, +38 % sur la Suisse,  +16 % sur le Royaume-Uni). 

Cette situation s’explique par un manque de compétitivité de l’amidonnerie française sur l’Amérique et l’Asie, qui profitent de coûts de production moindres (notamment énergétiques) qu’en Europe (et en l’occurrence en France), mais également par une montée en puissance de la concurrence asiatique, avec l’exemple de la Thaïlande et de l’Indonésie qui proposent localement de la fécule de manioc à prix attractif.

«  Nos concurrents, américains et asiatiques, bénéficient aujourd’hui de coûts d’accès à l’énergie très inférieurs. Ainsi, pouvoir maintenir une production industrielle française pérenne, et donc compétitive – y compris à l’international, suppose un coût de l’électricité (bas carbone) attractif », insiste l’Usipa. Si actuellement la France bénéficie depuis 2012 d’un tarif régulé à 42 €/MWh grâce au dispositif ARENH6, ce dernier prend fin le 31 décembre 2025 et l’accord cadre négocié en novembre 2023 garantit un prix moyen garanti de 70 $/MWh, qui permettra de financer le nouveau parc nucléaire français. « Or, à ce jour, ni les tarifs évoqués, ni les modalités proposées dans les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN), que l’opérateur historique doit conclure avec les entreprises énergo-intensives, ne semblent adaptés aux besoins de l’industrie française… », s’inquiète l’Usipa.

Par ailleurs, Marie-Laure Empinet exhorte l’Europe à « prendre ses responsabilités, alors qu’elle négocie simultanément plusieurs accords avec des géants de l’agroalimentaire dont les contraintes et coûts de production n’ont rien de comparables avec ceux de l’UE ». Car, dénonce-t-elle, « sans préservation de nos marchés européens, notre industrie ne pourra pas continuer à financer sa décarbonation ! »

 

La décarbonation de l’amidonnerie française nécessite « un cadre technologique et réglementaire facilitateur »

Si les amidonniers ont atteint en 2023 la barre symbolique des -30 % d’émission de CO2 par rapport à 2015, date de référence considérée par la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone), ces derniers rappellent que l’atteinte de l’objectif de -35 % à l’horizon 2030 (fixé dans leur feuille de route sectorielle de 2021) dépend « d’un cadre technologique et réglementaire facilitateur ».

Ce dernier passe par : « le déploiement d’une puissance électrique suffisante pour couvrir les besoins engendrés par la substitution de l’électricité au gaz », principal levier d’action ;  « la mise à disposition d’une électricité bas carbone, et disponible en continu » ;  « l’adoption de politiques publiques favorables à une stabilité et à une compétitivité des prix de l’électricité sur le long terme » et «  le maintien d’aides à l’investissement ».

 

Lire aussi : Usipa : manger mieux et gastronomie du végétal

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